mercredi 23 mai 2007

PEUT-ON PARLER DU DYNAMISME DU DROIT HAITIEN?

PEUT-ON PARLER DU DYNAMISME DU DROIT HAITIEN?

Les progrès apportés par la civilisation exigent une certaine adéquation des lois aux sociétés pour lesquelles elles sont faites. Au fur et à mesure que le monde se modernise, le droit se modernise. Et si l’on dit que la société évolue, la loi doit l’être aussi puisqu’elle en est son reflet.
Comment pouvons-nous continuer à nous servir des lois remontant à plus de quarante voire cinquante ans sans jamais être amendées pour une fois, même au niveau d’un article ?

Nos codes sont désuets et ne marchent nullement avec la réalité actuelle du pays. Prenons par exemple le code d’instruction criminelle qui date du règne de Jean-Pierre Boyer (1835) ; son contenu ne correspond plus aux exigences actuelles de la procédure pénale et aux droits garantis qui doivent être reconnus au justiciable. Sous de nombreux aspects, il représente la procédure pénale telle qu’on ne l’applique plus.

Les articles sont usés jusqu’à la corde ; n’en parlons pas des erreurs de ponctuation ; les ambiguïtés et imprécisions ne manquent pas.
Notre législation n’a pas évolué. Les pouvoirs exécutif et législatif ne se préoccupent même pas de sa carence. Et puis, on va jeter tous les maux du système sur les Magistrats. Si on veut trouver les coupables, n’y allons pas par quatre chemins. La faute est imputable aux gouvernements, aux dirigeants politiques qui ont toujours manifesté peu d’intérêt à la justice.
Nous avons passé plus de cent cinquante années, plus de trois quarts de notre histoire de peuple à assister les bras croisés à l’échec cuisant de notre système judiciaire.

Une commission pour la réforme du droit et de la justice a été créée en 1997 avec pour mission principale la refonte de certains de nos codes mais les effets bénéfiques que l’on attend de cette initiative tardent à venir. Et cela dure depuis dix ans. On a parlé, parlé...mais rien n’a changé.
L’un des aspects les plus frustrants du problème demeure l’inertie politique et bureaucratique, la continuelle résistance au changement même après la reconnaissance des meilleures alternatives. Nous déduisons encore une fois que la retouche législative n’est pas faite parce que nos gouvernements, pour une raison ou une autre, ne s’y intéressent pas. Ils ont le pouvoir mais nous ne savons pas comment leur donner le vouloir.

Nous persistons à croire que la justice haïtienne n’est pas parvenue au stade du glissement fatal vers l’irréversible, et qu’il est encore possible, dans un réarmement des consciences, de monter à l’assaut des irrégularités. Il est temps que nos parlementaires comprennent la nécessite de faire des lois ayant rapport avec la réalité du peuple haïtien tout en tenant compte des progrès scientifiques et de l’évolution actuelle du monde.

Somme toute, s’il est vrai que la garantie des droits se fait toujours dans un Etat sûr, eh bien, nous le disons solennellement, les dirigeants politiques haïtiens ne voudront jamais que la justice haïtienne soit dynamique.
Comprenne qui voudra !

Heidi FORTUNÉ
Magistrat, Juge d’Instruction
Cap-Haïtien, Haiti
Ce 15 Aril 2007

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