samedi 19 janvier 2008

DÉTENTION PROVISOIRE ET DÉLAI D’INSTRUCTION

DÉTENTION PROVISOIRE ET DÉLAI D’INSTRUCTION

Dans le droit pénal haïtien, on a toujours tendance à confondre le délai accordé au juge d’instruction pour mener son information à la durée maximale que devrait passer un inculpé en détention avant l’émission de l’ordonnance de clôture. Cette question suscite de nombreuses discussions parmi les professionnels du droit. Les uns sont catégoriques dans leurs réponses ; les autres, plus ou moins hésitants, formulent une certaine réserve sur le sujet.

Ce que je pense !

Au prime abord, il s’agit évidemment de deux choses tout à fait différentes.
Certains pays prévoient une durée de détention provisoire distincte de celle d’instruction. Dans la législation pénale haïtienne, le code d’instruction criminelle n’a pas établi une durée de détention provisoire. Il nous réfère seulement à l’article 7 de la loi du 26 juillet 1979 sur l’appel pénal qui stipule :’’Le Juge d’Instruction a un délai de deux mois pour en mener l’instruction et communiquer les pièces au Ministère Public et un délai d’un mois pour l’émission de l’ordonnance de clôture’’. Ce délai est de nature procédurale. C’est-à-dire, il a un caractère purement administratif qui impose au juge d’instruction, en tant que fonctionnaire public, de clôturer son dossier dans un temps déterminé. Parallèlement, le délai de la détention provisoire est de nature substantive et devrait, en cas de non observance, ouvrir automatiquement la porte de la liberté à la personne détenue si le juge n’avait pas rendu une ordonnance motivée de prolongement.

Le régime de la détention provisoire tel que décrit et réglementé par les articles 95 et suivants du code d’instruction criminelle est compliqué et inadapté à la réalité du pays. D’ailleurs, le législateur ne précise pas dans quelles conditions cette mesure doit être appliquée et ne mentionne nullement les conditions de fond, de forme ni la durée. Dans ce cas, il est donc nécessaire de recourir aux instruments internationaux ratifiés par Haïti pour pallier les manquements de notre droit pénal. La Convention Américaine Relative aux Droits de l’Homme prévoit dans son article 5 que : « toute personne arrêtée ou détenue sera traduite dans le plus court délai devant un juge ou un autre fonctionnaire habilité par la loi à exercer des attributions judiciaires, et devra être jugée dans un délai raisonnable ou libérée sans préjudice de la poursuite de l’instance. La mise en liberté de l’accusé peut-être conditionnée à des garanties assurant sa comparution à l’audience. » Mais là encore, il y a un problème : la notion de délai, quoique complétée par les épithètes ‘’court ou raisonnable’’ n’est toujours pas définie…

Heidi FORTUNÉ
Magistrat, Juge d’Instruction
Cap-Haïtien, Haïti
Ce 20 janvier 2007

dimanche 13 janvier 2008

LES GRANDS PROBLÈMES DE LA JUSTICE

LES GRANDS PROBLÈMES DE LA JUSTICE

La justice ne peut pas répondre aux attentes de la société pour quatre raisons principales. Il y a des dysfonctionnements qui sont liés aux acteurs eux-mêmes.

Dans tout groupe social, il y a de bons et de mauvais éléments, et la proportion de ces derniers est constante au sein de la magistrature. Ce qui fait que la justice est décriée. Mais, nous devons également souligner que la corruption n’est pas un fait de la justice. C’est un phénomène social, et elle dépend de chaque individu, de son éducation de base.

On doit sévir contre les corrompus car il va s’en dire que le juge doit être une référence. Aucune indélicatesse ne doit être tolérée. Cependant, nous insistons pour dire que le magistrat n’est pas un citoyen ordinaire, ni un fonctionnaire ordinaire. A ce titre, il a une responsabilité sociale qui exige qu’on lui assure de bonnes conditions de travail. Ceux qui refusent d’accepter cela ne se respectent pas eux-mêmes. C’est à partir du moment où on consent à faire des sacrifices pour les magistrats¬¬¬ – (même quand, à défaut, cela ne saurait justifier leur comportement débonnaire, soit on est magistrat, soit on ne l’est pas) – qu’on est en droit d’exiger d’eux qu’ils soient irréprochables.

Ensuite, il y a l’ingérence nocive des politiques dans le judiciaire. Les magistrats ne sont pas aises de travailler librement car, à chaque fois, l’exécutif ou le législatif vient fourrer son nez dans ce qu’ils font, alors que chacun a son rôle. Le jour où l’on commencera à respecter véritablement le principe de la séparation des pouvoirs, les choses iront mieux. Un fait est certain : quand la politique s’y mêle, le droit s’enfuit.

Mais au-delà de ses deux aspects, nous pensons qu’il faut parfaire la connaissance des acteurs judiciaires et les outiller car le droit évolue. Le manque de formation contribue pour beaucoup à certaines irrégularités. Il faut aussi sortir pour aller voir comment cela se passe ailleurs. Il faut donner aux magistrats l’occasion et la possibilité d’aller voir ce qui se passe dans d’autres pays et ainsi renforcer leur capacité au service de la justice haitienne.

Enfin, il faudra débarrasser notre arsenal juridique des textes rétrogrades dont il regorge.

Si ces quatres grandes problématiques sont résolues, et si nos propositions sont prises en considérations, nous sommes certain que beaucoup de choses vont changer en Haiti.

Nous invitons les responsables de l’État et l’ensemble des acteurs judiciaires à prendre conscience de leur rôle car la justice ne doit pas être pour eux un objectif mais un moyen de servir la communauté et la société.

‘’Un problème sans solution est un problème mal posé’’ !

Heidi FORTUNÉ
Magistrat, Juge d’Instruction
Cap-Haïtien, Haïti
Ce 13 janvier 2008