samedi 20 octobre 2007

UNE PROFESSION EN PERTE DE CRÉDIBILITÉ

UNE PROFESSION EN PERTE DE CRÉDIBILITÉ

La justice c’est comme l’hôpital, personne ne s’y rend sans être malade. Quand on y recourt, c’est parce qu’on a un problème qu’on veut régler. Mais, à la différence de l’hôpital, souventes fois on a besoin de la science d’un homme de l’art maîtrisant les techniques de la procédure et pouvant traduire parfaitement le jargon juridique.

L’on a coutume de dire que « l’avocat est le défenseur de la veuve et de l’orphelin ». Mais cette affirmation est battue en brèche par le comportement peu honorable de certains membres du corps qui spolient leurs clients, croyant qu’ils ont le droit de tout faire et ne seront jamais sanctionnés.

Le Conseil de discipline, cet organe du barreau chargé de gérer et de discipliner le membres de l’Ordre, manque de fermeté ou tout simplement, n’existe pas. C’est son laxisme même qui permet à certains avocats de faire ce qu’ils sont en train de faire, surtout, s’ils sont convaincus qu’ils ne courent aucun risque sur le plan disciplinaire. Devant certaines indélicatesses, l’opinion publique retire sa confiance et n’accorde plus de crédit à ceux qui embrassent cette profession.

Si les avocats veulent redorer leur blason, ils doivent cesser de corrompre les magistrats car ce faisant, ils détruisent l’institution la plus importante de l’État-nation.

Combien de juges ont reçu des pots-de-vin de ces respectables chers maîtres et qui sont aujourd’hui renvoyés de la magistrature ? Combiens d’honnêtes citoyens se sont faits plumer par ces messieurs ? Les prisons regorgent de démunis, combien parmi eux ont reçu la visite, même providentielle, de ces disciples de Saint-Yves ?

De nos jours, il y a peu de bons avocats. Ils ne sont pas nombreux mais il en existe quelques-uns, des personnalités d’une intégrité à toute épreuve et d’une érudition considérable. Nous les félicitons et ils méritent notre respect.

Par honnêteté, on doit toujours dire ce qui est vrai. De même, l’avocat doit toujours dire la vérité...à son client. Rares sont ceux qui respectent ce principe moral. Ils se font passer pour des prestidigitateurs qui, par un simple tour de passe-passe, croient pouvoir gagner un procès ou obtenir quelque chose de la justice.
La vérité est dans les livres. Le droit est une science, on n’est pas grand avocat par son nom de famille. Le fait d’avoir un solide compte en banque, de posséder une jolie maison et de rouler une voiture de luxe ne fait pas de soi un bon avocat. ‘’L’habit ne fait pas le moine’’.

Et contrairement au Pic de la Mirandole, le savoir juridique de certains est exécrable. Ceci est la conséquence directe de la dérive de l’enseignement supérieure en Haïti.

Le bon avocat est celui qui connait ses limites, qui respecte ses consoeurs et confrères, qui est sincère avec son client et qui ne corrompt pas les magistrats, les greffiers et les huissiers. Le bon avocat s’abstient à toute action malhonnête pouvant jeter l’opprobre sur son patronyme. Le bon avocat est celui qui se respecte, qui ne se livre pas à la concurrence déloyale et ne porte pas de coups bas à un collègue. Le bon avocat n’impute pas la responsabilité de sa défaite ou de son échec à un juge ou un ministère public. Le bon avocat est celui qui accepte de perdre tout en reconnaissant que le bon droit n’était pas de son côté ou, à contrario, exerce des recours en cas d’insatisfaction. Le bon avocat, enfin, est celui qui obtient gain de cause sans passer par des chemins détournés et qui a confiance dans la justice de son pays.

Quelle vanité peut-on tirer quand on exploite la misère ou les problèmes socio-économiques d’un juge pour le porter à rendre une décision ou à prendre position en sa faveur ? Ce faisant, on n’est pas seulement un corrupteur, on est une pourriture. Il n’y a là aucune vertu...aucune grandeur.

On ne peut, sous le motif fallacieux d’être avocat, profiter des honnêtes gens ou du malheur des autres pour faire sa fortune en les dépossedant de leur argent ou de leurs biens. C’est de l’argent mal acquis, au même titre que les avoirs provenant du trafic de la drogue ou autres infractions graves.

Sous prétexte d’exercer une profession libérale, tous les moyens sont bons pour réussir, « tous les coups sont permis ». Imaginez qu’un beau jour, un de ces jurisconsultes sans scrupules, par accointances politiques, combines ou autres magouilles, rentre dans la magistrature...nous laissons le soin à chacun de deviner la suite.

Certains laissent aller leur colère jusqu’à dire que tous les avocats sont des voleurs. Nous disons non. Ceux-là qui se comportent comme tels l’étaient bien avant d’embrasser la profession car il n’y a pas plus noble que le Droit, considéré, à juste titre, comme la véritable science éternelle.

Nous pensons que les responsables de l’Université d’État d’Haiti doivent insérer dans le programme des facultés de droit un cours d’éthique et de déontologie obligatoire dès la troisième année ; l’école du barreau étant inexistante pour n’être pas prévue par les lois républicaines.

Le philosophe francais Albert CAMUS eut à dire une chose très intéressante à propos de l’Avocature.
‘’Si tu veux être heureux un jour dans la vie : saoûle-toi. Si tu veux être heureux deux jours dans la vie : marie-toi. Si tu veux être heureux toute ta vie : sois avocat’’.
Nous ajouterions... « honnête » !

Heidi FORTUNÉ
Magistrat, Juge d’Instruction
Cap-Haïtien, Haïti
Ce 21 octobre 2007

mercredi 17 octobre 2007

LE MÉTIER DE JUGER, UNE PROFESSION NOBLE...

LE MÉTIER DE JUGER

La magistrature est un sacerdoce. On doit avoir la vocation pour pouvoir la professer. Tous ceux qui y entrent pour gagner de l’argent sont de sacrés imbéciles. Nous connaissons quelques vendus qui avaient cette motivation. Certains s’en sont sortis par la petite porte, d’autres sont devenus très riches... mais ont perdu le peu qui leur restait de personnalité.

Dans cette même rubrique, il y en a qui ont choisi de rester intègres, de mener une vie modeste, de s’adonner à la culture juridique et se vouer corps et âme à la cause des Magistrats. On n’a pas besoin d’être pourvu de conforts matériels et de possibilités somptuaires pour être un homme de bien.

Le métier de juger ! Il n’y a rien d’aussi passionnant et de plus beau au monde. C’est la raison pour laquelle, malgré les insatisfactions et les frustations, il est difficile de l’abandonner une fois qu’on y a goûté.

La plus grande vertu de la justice c’est de ne pas se laisser attendrir par l’émotion. Un juge doit inspirer le respect, l’honnêteté, la sagesse, la crainte...et, c’est là toute la richesse de la profession. Par amour du prétoire et par souci de bien faire les choses, parfois, aux prix de grands sacrifices, il finit, peu à peu, par considérer que c’est une part de sa vie et prend cette responsabilité comme une évidence...tout simplement...aussi inéluctable que le ciel, le soleil, les nuages, la nuit, la lune et les étoiles.

Il est condamné à être en tout temps, en tout lieu, en toute chose et en toute circonstance, un modèle. Pour des raisons qui vont au-delà de la pudeur, il doit éviter d’attirer sur lui la honte, le mépris et l’anathème.

Le jugement qu’il est appelé à porter sur des actes extérieurs de libre volonté d’autrui se formule ainsi : « sincère approbation et probe désapprobation ». Ou bien l’acte incriminé parait de nature à faire encourir à celui ou celle qui le commet ou l’omet une peine, un blâme ou une réparation, ou bien ledit acte revêt un caractère tel que son accomplissement ou son omission excite l’admiration.

Rendre justice à quelqu’un c’est reconnaitre ses droits et son mérite et non tout simplement prononcer, au voeu de la loi, la condamnation de son vis-à-vis.

Par notre manière de concevoir, nous pensons que le critérium d’après lequel se déterminent les qualités pour devenir un bon Magistrat réside dans la conscience individuelle de chaque aspirant ou soupirant.

Juger ses semblables, c’est un don de Dieu. Ceux-là qui sont choisis pour remplir cette fonction si noble doivent lui rendre gloire de leur avoir accordé un si grand privilège.

Juger ses semblables, c’est un travail qui demande de longues heures d’appréciation afin d’arriver au dernier mot qui mettra un terme à une contestation et d’où sortira la ‘’ vérité ’’ judiciaire.

Juger ses semblables, c’est également la générosité suprême, c’est prendre le gage d’assurer la stabilité de la société et la pérennité des valeurs...c’est le moyen par excellence de régulation sociale.

Juger ses semblables enfin, c’est la manifestation d’un pouvoir universel permettant à chaque Magistrat de dire, de tout son être, sans ambage aucune, aux gens du monde entier : hommes et femmes, petits et grands, riches et pauvres, jeunes et vieux, noirs et blancs, paysans et citadins, intellectuels et illettrés, catholiques, protestants et vodouisants, qu’ils sont tous égaux, pas seulement devant la mort mais également devant...la loi.

Heidi FORTUNÉ
Magistrat, Juge d’Instruction
Cap-Haïtien, Haïti

Ce 14 octobre 2007