mardi 3 octobre 2017

DISCOURS DU MAGISTRAT HEIDI FORTUNÉ, MINISTRE DE LA JUSTICE ET DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE, À L’OCCASION DE LA RÉOUVERTURE DES COURS ET TRIBUNAUX DE LA RÉPUBLIQUE LE 02 OCTOBRE 2017.



DISCOURS DU MAGISTRAT HEIDI FORTUNÉ, MINISTRE DE LA JUSTICE ET DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE, À L’OCCASION DE LA RÉOUVERTURE DES COURS ET TRIBUNAUX DE LA RÉPUBLIQUE LE 02 OCTOBRE 2017.

Monsieur le Président de la République,
Monsieur le Président de l'Assemblée Nationale,
Monsieur le Président du Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire et de la Cour de Cassation,
Monsieur le Premier Ministre,
Mesdames, Messieurs les Ministres,
Mesdames, Messieurs les Président et Membres de la Cour Supérieur des Comptes et du Contentieux Administratif,
Mesdames, Messieurs les Ambassadeurs et Chefs de Missions Diplomatiques,
Mesdames, Messieurs les Magistrats assis et debout,
Monsieur le Président des Barreaux d'Haïti et Bâtonnier de l'Ordre du Barreau de Port-au-Prince,
Messieurs les Anciens Ministres de la Justice et de la Sécurité Publique ,
Messieurs les Anciens Bâtonniers,
Monsieur le Directeur de la Police Nationale d'Haïti,
Mesdames, Messieurs les Avocats,
Messieurs les Recteurs, Doyens et Professeurs des Universités,
Messieurs les Dignitaires Religieux et Coutumiers,
Mesdames, Messieurs les Greffiers, Commis-parquet, et Huissiers de Justice,
Mesdames, Messieurs les Officiers Ministériels et Auxiliaires de justice,
Mesdames, Messieurs, les représentants des Organismes des Droits Humains internationaux et nationaux,
Mesdames, Messieurs les représentants des organes de la presse parlée, écrite et télévisée,
Distingués (es) invités (es),
Mesdames, Messieurs,

C’est avec un sentiment de satisfaction profonde nuancée malheureusement d’une certaine déception que je prends la parole ce matin, en ma qualité de Garde des Sceaux de la République, à l’occasion de ce double évènement marqué par la réouverture officielle de nos Cours et tribunaux, et aussi le démarrage du nouvel exercice fiscal pour l’année 2017-2018. En dépit de nos divergences exprimées, à tort ou à raison, à travers des prises de position ayant des incidences majeures sur la vie politique, sociale et économique du pays, nous, représentants des trois pouvoirs dont l’existence même donne à notre État le statut d’État démocratique, nous voici réunis dans le dessein d’accomplir une mission sacro-sainte confiée par notre constitution de 1987 amendée.

Ce sentiment de satisfaction grandement éprouvée, auquel je fais allusion s’explique, au prime abord, par les efforts consentis par le gouvernement en général ainsi que le ministère que j’ai l’honneur de diriger, en particulier, à travers un programme conçu, bien aiguisé et en cours d’exécution bien entendu,  non seulement à mettre en place des mécanismes pouvant renforcer davantage la capacité des différentes  institutions étatiques, mais encore à créer ou à  rendre possible l’existence de certaines structures afin qu’elles puissent répondre avec célérité et efficacité aux besoins de la population.

Qu’il me soit permis ensuite d’évoquer avec une franche modestie et sans risque d’être démenti l’application saine et méthodique du plan de travail que nous avons nous-mêmes (mon équipe et moi) élaboré minutieusement à mon département, eu égard aux vœux du Président de la République, Son Excellence Jovenel MOISE et à ceux du Chef du Gouvernement, Son Excellence, Dr JacK Guy LAFONTANT, exprimés dans la lettre de cadrage adressée aux titulaires des différents ministères, et qui se focalisent sur la  concrétisation d’un  rêve cher caressé par d’honnêtes citoyens, paisibles, respectueux des principes : il s’agit de voir Haïti se transformer en un véritable ÉTAT DE DROIT, État où il ferait bon vivre, État au sein duquel les "hors-la- loi" n’auraient pas leur place.

Toujours dans le cadre de la poursuite des objectifs définis dans le plan de travail du ministère, on a abordé de front le problème de la corruption qui ronge notre système judiciaire, ce qui a débouché sur la poursuite pénale des présumés auteurs ou co-auteurs ou complices, qu’ils soient magistrats, fonctionnaires ou grands commis de l’État, avec comme corollaire la révocation ou  toute autre forme d’expulsion de ces derniers, selon nos lois régissant cette matière. De plus, des instructions en termes clairs et précis sont passées aux agents du pouvoir que je représente, qui sont dans le judiciaire, dans le cadre d’une nouvelle politique de prévention et de répression contre le phénomène de la corruption. Que je vous dise en passant que durant ces deux dernières années judiciaires, certains Parquetiers ont été inefficaces. ils n'ont produit aucun réquisitoire notamment au niveau des Parquets prés les Cours d'Appel et des Tribunaux de première instance. Faut-il continuer à verser des émoluments pour un travail non fourni? NON! Des mesures administratives fermes s'imposent, et ce, sans aucune indication de méchanceté. SINÉCURE ET CORRUPTION = ZÉRO TOLÉRANCE

Des mesures ont été prises également pour combattre un autre phénomène qualifié de dépossession violente et arbitraire en matière immobilière, tendant à mettre en péril la sécurité foncière. À cet effet, par arrêté présidentiel, la Brigade d'Intervention Contre l’Insécurité Foncière (BRICIF) fut créée, ce, sur initiative du ministère dont je suis le titulaire. Sa mission consiste à faire respecter le droit de propriété consacré  non seulement par notre constitution et nos lois en vigueur mais aussi par les instruments internationaux que  nous avons ratifiés. Au nom de la vérité, cette brigade se base présentement  dans les locaux du Ministère de la Justice et de la Sécurité Publique et intervient dans des cas identifiés à Port-au-Prince ainsi que  dans les autres communes avoisinantes. Elle s’étendra sur le moyen terme au niveau des autres juridictions du pays, affectées par ce phénomène, afin de parvenir à son éradication. SÉCURITÉ FONCIÈRE = INVESTISSEMENT = CRÉATION D’EMPLOI

Quant à l’impunité, elle constitue un défi majeur. Une lecture rationnelle de ce phénomène requiert pour sa dissuasion l’implication de chacun, chacune aussi bien dans son statut que dans sa sphère d’action. Tout le monde est exposé à ce phénomène, tout le monde en peut sortir victime si on n’est pas prêt à se donner à fond comme par exemple en dénonçant les auteurs des infractions ou en acceptant de déposer contr’eux. Même les magistrats dans leurs agissements tendant à la favoriser n’y doivent être épargnés. Aux parlementaires, je dis : "Immunité n’est pas impunité".  À ce titre, un programme de sensibilisation et de motivation s’exécute à travers de brefs messages publicitaires encourageant les citoyens(es) à s’acquitter de leurs devoirs civiques aussi bien que d’une obligation imposée par la loi. NON À L’IMPUNITÉ = ÉTAT DE DROIT = SOCIÉTÉ DÉMOCRATIQUE

Je ne m’arrête pas là. Permettez maintenant que je sorte de mon tiroir un "gros dossier", celui de la détention préventive trop prolongée. On en parlait assez souvent sans envisager  pour le moins de vraies ébauches de solution. Ainsi, pour pallier ce problème, il a été conçu, puis mis en place une vaste opération baptisée sous le nom de Plan Thémis. Ce plan a permis et permettra encore la tenue régulière d’audiences spéciales correctionnelles et criminelles en vue de réduire à néant le nombre surélevé de personnes en attente de connaitre leur sort. Au cours de ces audiences, le respect des droits du ou de la prévenu(e) ainsi que de l’accusé(e) est de règle. En termes de résultat que cela a donné, je vous prie humblement de consulter les archives des Tribunaux de Première Instance de Port-au-Prince et vous verrez! L’on est en droit de se demander aujourd’hui : "Est-ce qu’on ne serait pas parvenu à un très faible pourcentage de personnes en situation de détention préventive trop prolongée, n’étaient-ce les arrêts de travail consécutifs et même parfois sans interruption observés par le personnel judiciaire (greffiers, huissiers, commis-parquet et juges) dans presque toutes les juridictions du pays" ? De ce qui précède, il résulte que le Plan Thémis reste et demeure un palliatif convaincant au problème de la détention préventive trop prolongée. 

Parlant encore de ce phénomène, s’il est une chose qui vienne assombrir le tableau que j’ai le privilège de vous présenter c’est l’arrêt de travail illimité par des personnes jouant un rôle clé dans le système, en quête de leurs satisfactions personnelles, ne prenant pas en compte la situation des "oubliés(es) de la prison". Cela m’affecte au plus profond de mon être. Voilà la déception dont je vous ai parlé au début de mon allocution. Ce pénible constat  devrait interpeller plus d’un à faire un plaidoyer en leur faveur pour que leur sort soit allégé à l’avenir par l’adoption d’une autre manière de faire tel qu’en cédant, par exemple, le minimum. Le droit à la grève, oui mais l’exercer comme on veut est une violation du Droit.

Dans une perspective de recherche de compromis, des discussions furent engagées tantôt avec les associations des greffiers au ministère, tantôt avec le Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire au palais national. Suite à ces différents pourparlers des résolutions sont adoptées :
Pour les greffiers, huissiers et commis-parquet
Il a été décidé d’améliorer leurs conditions de travail en procédant de cette manière :
1-Un ajustement salarial de cinq mille (5000Gdes) gourdes sera opéré à partir de ce mois.
2- Ils seront tous couverts par une police d’assurance maladie suivant un accord conclu avec l'Office d'Assurance pour Accident du Travail et Maladie (OFATMA).
3-Pour le prochain exercice 2018-2019, la carte de débit leur sera octroyée.
4- Des mobiliers et matériels de bureau seront mis à la disposition des greffiers et des commis-parquet.
5-Les greffiers entreront dans un programme de formation continue à l’École de la Magistrature (EMA).

Pour les magistrats assis
1-Une indemnité mensuelle à hauteur du tiers (1/3) du salaire leur sera accordée. Elle sera effective dès ce mois.
2- Dix-neuf (19) véhicules seront distribués à tous les cabinets d’instruction, à raison d’un (1) véhicule par juridiction.
3-Quatre cent cinq (405) motocyclettes à distribuer également à tous les tribunaux, à raison de deux (2) par tribunal de première instance et de deux(2) par tribunal de paix.
4-La remise des commissions présidentielles dans le cadre de renouvellement  de mandat pour certains juges ou de promotion pour d’autres sera faite cette semaine.
5-Désormais, le Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire participera au processus de préparation du budget.
6-La promesse d’honorer une dette de trente neuf millions (39,000.000 Gdes) de gourdes, contractée par le CSPJ pour ses besoins est à lui faite.
7-En ce qui concerne le transfert de compétence du personnel judiciaire     au CSPJ, cela est en passe de discussion.
8-L’engagement est pris pour faire, à moyen terme, réparer les locaux abritant les tribunaux et l’acquisition de mobiliers et matériels de bureau à leur compte.

Voilà l’accord trouvé entre les deux pouvoirs de notre État.
Espérons qu’avec ces résolutions, les délais fixés dans nos codes seront pour le moins respectés dans le traitement des dossiers, qu’il y aura un nombre insignifiant de gens en situation de détention préventive trop prolongée.
Espérons que par ces résolutions qui constitueraient le point de départ d’un renouveau du système le Droit triomphera toujours à travers une distribution saine et équitable de la Justice.
Tels sont les vœux que je puisse formuler à vous tous qui avez un rôle à jouer dans le système judiciaire haïtien.

BONNE ANNÉE JUDICIAIRE !                                              BONNE ANNÉE FISCALE !

Que Dieu bénisse Haïti.

Je m'appelle Heidi FORTUNÉ, je suis le Ministre de la Justice et de la Sécurité Publique.