samedi 1 décembre 2007

PUBLICITÉ DES DÉBATS - LIBERTÉ DE LA PRESSE ET RESPECT À LA VIE PRIVÉE

PUBLICITÉ DES DÉBATS - LIBERTÉ DE LA PRESSE ET RESPECT À LA VIE PRIVÉE

Les dossiers de justice, principalement, les affaires criminelles, suscitent toujours un intérêt immédiat auprès du public, d’où l’empressement des médias à répondre à cette attente. Cela n’a pas de quoi s’étonner. Mais, pareille publicité, quand elle est abusive et sans contrôle, menace le droit au respect à la vie privée. La vie privée de qui nous demanderait-on ?

Tout naturellement, des victimes et des témoins mais aussi bien de la personne accusée dont la réputation souffre durant l’exercice des poursuites qui aboutiront peut-être à une décision d’acquittement ou de condamnation, selon les circonstances.

Il s’agit-là de trois principes juridiques très controversés les uns par rapport aux autres. Le premier principe est la publicité des débats, le second, la liberté de la presse et le troisième, le droit au respect à la vie privée.

La publicité de l’exercice de la justice, hormis les huis clos quand la loi l’exige, est l’une des conditions essentielles de la validité d’une décision judiciaire. Cependant, pour que cette publicité soit efficace, il est indispensable que les médias diffusent ce que les journalistes spécialisés ont pu suivre des débats.

La liberté de la presse garantit ainsi l’objectivité des comptes rendus et, le cas écheant, la confrontation ou la rectification d’impressions d’audiences biaisées ou subjectives. La presse a une fonction pédagogique dans ce domaine.

Souventes fois, au cours des assises criminelles, une foule de gens vient suivre les audiences, elle n’en percevrait que très partiellement le sens ; seuls les comptes rendus de la presse peuvent mettre à la portée de ces personnes peu familiarisées avec la justice le déroulement et l’issue des débats contradictoires.

L’intérêt du public pour les procès criminels à sensation n’a pas pour motivation principale la volonté de participer au contrôle démocratique de la fonction juridictionnelle, il s’y mêle souvent un attrait pour la dépravation du milieu criminel, renforcé d’une curiosité malsaine pour la vie privée des protagonistes du procès et notamment pour leur vie intime.

On le sait, les crimes passionnels et les délits sexuels sont ceux qui attirent le plus de désir d’information du public. D’où le devoir de la presse d’éviter toute complaisance en ce domaine afin que soit préservé le droit au respect de la réputation des personnes impliquées à des titres divers dans le procès pénal : accusé mais aussi victime et témoins.

En ce qui concerne les deux dernières catégories de personnes, la prévention de toute publicité dommageable s’impose d’autant que certaines victimes, par exemple, les victimes d’attentats sexuels, hésitent à déposer plainte ou que des témoins ne désirent pas comparaitre en justice, même à ce titre, en raison de l’atteinte à leur réputation que risque d’entrainer l’association ainsi établie avec l’auteur d’une infraction.

A coup sûr, les journalistes vont nous demander de situer le point d’équilibre entre la publicité des débats et la liberté de la presse. Nous leur dirons tout simplement qu’il y a des informations que la presse a le droit d’entendre mais qu’elle n’a le droit de diffuser que sous certaines conditions. Ici, nous faisons allusions aux restrictions imposées par la loi. Ceci dit : la presse a un devoir de prudence dans la diffusion des informations qu’elle détient.

Heidi FORTUNÉ
Magistrat, Juge d’Instruction
Cap-Haïtien, Haïti
Ce 02 décembre 2007

dimanche 25 novembre 2007

L’UTILISATION ARBITRAIRE DES MANDATS DE JUSTICE

L’UTILISATION ARBITRAIRE DES MANDATS DE JUSTICE

Un mandat est un acte que peut prendre un magistrat à l’égard des personnes suspectes et qui peut porter atteinte à leurs libertés individuelles. Dans le droit pénal haïtien, il existe quatre types de mandats : le mandat de comparution, le mandat d’amener, le mandat d’arrêt et le mandat de dépôt. Ils sont exclusivement de la compétence du juge d’instruction. Exception faite pour les mandats d’amener et de dépôt qui peuvent être émis par le commissaire du gouvernement ou le juge de paix, mais seulement en cas de flagrant délit quand la personne n’est pas présente sur les lieux.

Cependant, quand on va consulter le registre d’écrou des diverses prisons du pays, on constate que sous les préventions génériques d’abus de confiance, de menaces ou d’association de malfaiteurs, de nombreuses personnes sont arrêtées suite à des mandats d’amener décernés par des juges de paix ou certains parquetiers, en dehors de toute flagrance. C’est en fait, la principale cause de la surpopulation carcérale en Haiti.

Il y a certaines infractions emportant des peines d’emprisonnement dont le minimum est tellement faible que le fait incriminé ne nécessite pas une détention préventive. Nous citons comme exemple, les délits punis de six jours d’emprisonnement au moins et les contraventions de quatrième classe punies de cinq à vingt-cinq jours d’emprisonnement suivi d’amende.

Le fait que les contrevenants ne soient pas poursuivis ou sanctionnés, la loi est, de plus en plus, violée. Parfois, pour des raisons inavouées, des détenus sont gardés pendant de longs mois et même plusieurs années en prison au mépris des normes procédurales, sans être traduits par-devant les instances de jugement. Ces irrégularités contribuent à fragiliser davantage le système déjà moribond.

La population souhaite que la justice soit forte et efficace. L’efficacité exige la dotation aux tribunaux de ressources humaines et matérielles, entre autres : rémunération décente, infrastructures, équipements, communication, internet, formation continue des acteurs de la chaîne pénale, capacité d’effectuer des enquêtes, renforcement de la police scientifique, recours à la médecine légale, respect des droits de la personne humaine et de la loi en générale.

La réforme ne se fera pas à coup de millions ou de mots pieux, mais à coup de bons principes. On aura beau éjecter de l’argent dans le système, on aura beau parler, il continuera son agonie. Les haïtiens, toutes couches sociales confondues, n’ont plus confiance en leur justice et la justice n’a plus confiance en elle-même. Ce n’est plus une simple crise, mais une maladie mortelle.

Il faut un changement de mentalité dans la magistrature. La profession est trop noble pour la permettre à n’importe qui. Il faut être moral pour être juge. C’est vrai que la possibilité d’y accéder est reconnue à tout le monde...on y a tous droit, mais il faut avoir, avant tout, la vertu, l’étoffe et le charisme exigés. Un magistrat qui viole systématiquement la loi n’a aucune moralité pour juger un délinquant parce qu’il n’y a pas vraiment de différence entre eux.

En conlusion, c’est au magistrat instructeur qu’est dévolu le droit de décerner des mandats. Cette prérogative n’est attribuée qu’exceptionellement, s’agissant des mandats d’amener et de dépôt, au commissaire du gouvernement et au juge de paix dans le cas de flagrant délit et celui que la loi assimile au flagrant delit quand la personne suspectée n’est pas présente sur les lieux de l’infraction conformément aux prescrits des articles 22, 30, 36 et 39 du code d’instruction criminelle. Et le législateur a pris le soin de souligner que le commissaire du gouvernement doit transmettre sans délai les pièces au juge d’instruction.

La loi a une double vocation, celle d’être appliquée et...respectée !

Heidi FORTUNÉ
Magistrat, Juge d’Instruction
Cap-Haïtien, Haïti
Ce 25 novembre 2007