lundi 9 juillet 2007

JUSTICE : QUI VEUT SON RESPECT SE LE PROCURE...

JUSTICE : QUI SE VEUT SON RESPECT SE LE PROCURE...
Par Me Heidi Fortuné
Juge d'instruction, Cap-Haïtien

On ne se prive jamais de discourir sur l’institution judiciaire, autorité théoriquement pérenne dans les principes, mais dans la pratique, méprisée, manipulée en certains cas, voire contournée selon les intérêts.
Il n’est pas sûr que cette réalité soit toujours comprise du public.
Ce que nous voulons, c’est d’être entendu. Ce que nous pensons, c’est que le pouvoir politique est responsable de la situation. Ce que nous souhaitons, c’est que des dispositions soient prises rapidement pour apporter les correctifs nécessaires.
La justice haitienne évolue dans le misérabilisme.
Donc, il est tout-à-fait normal que son horizon soit scruté, que ses pannes ne soient pas tues et que ses faiblesses soient dénoncées au quotidien.
Nous sommes conscient que les maux dont souffre notre justice se retrouvent dans presque toutes nos institutions publiques, à notre grand regret, mais cela ne nous autorise pas à rester les bras croisés ni à blanchir les responsables.
Nous espérons que nos remarques seront percues, en tous cas, comme une contribution positive au redressement du système judiciaire et à la réforme tant espérée.
D’un autre côté, si la justice veut son respect, elle ne doit pas s’appliquer au seul justiciable. Elle doit également tirer sa force dans sa capacité à frapper, sans faiblesses, ses membres pourris. Les juges corrompus doivent répondre devant elle.
Malheureusement, à ce niveau, ‘’Tolérance zéro’’ reste un simple slogan qui ne résout rien et l’opération « Mains propres » n’est pas pour demain. On est toujours complaisant devant les comportements contraires et incompatibles avec les règles de la profession comme si la loi est faite pour les autres et non pour soi.
Les rares fois où un membre corrompu du corps judiciaire est « sanctionné », cela se termine toujours dans la clandestinité par un arrangement, et le plus souvent, par une promotion ou une mutation de l’agent reproché sans même saisir le conseil supérieur de la magistrature.
Le ministère de la justice doit cesser ses pratiques ; cela nous aidera à nous retrouver et à être digne de respect.
En Haiti, hélas, la dicipline judiciaire est encore à l’âge de velours, que le gant soit ou non tenu d’une main de fer.
Il nous faut une justice renovée avec une magistrature autonome au sens strict, des policiers véritablement professionnels, des juges indépendants des côteries locales et des commissaires du gouvernement appliqués à poursuivre des anarchistes et des délinquants qu’à taquiner les adversaires politiques de chaque pouvoir en place.
On nous reprochera sans doute notre entêtement à vouloir redresser un système irrémédiablement moribond et notre excessive sévérité envers les dirigeants politiques et certains acteurs judiciaires. A cela, nous ne changerons rien.
Pour le pays et pour nos frères, pour la postérité, pour l’histoire et pour nous-même...nous sommes condamné à défendre, envers et contre tous, loin de tout panache, la cause de la justice, cette cause noble dont notre vie est tissée.

Heidi FORTUNÉ
Magistrat, Juge d’Instruction
Cap-Haïtien, Haïti
Ce 8 juillet 2007

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