lundi 23 juillet 2007

LA JUSTICE ET LA PRESSE : UNE RELATION “ JE T’AIME MOI NON PLUS ”

Si elles ne font pas le même chemin, elles se dirigent vers les mêmes objectifs d’équité et de transparence. La justice travaille pour régler les conflits entre les citoyens, dire le mot du droit, faire la part des choses conformément aux prescrits de la loi. C’est le moyen par excellence de régulation sociale. La presse, elle, s’adresse aussi au citoyen, donne la parole aux sans voix, communique, commente et argumente l’action du pouvoir judiciaire soit pour en relever les faiblesses, soit pour critiquer le mode de fonctionnement. Elles ont toutes deux une fonction sociale. La presse et la justice sont deux piliers de la démocratie, pourtant, elles entretiennent, depuis toujours, des rapports souvent tendus.

La source du conflit demeure, d’une part, les moyens d’information auxquels peuvent légitimement recourir les journalistes dans leur travail d’investigation, et d’autre part, le respect des limites et des contraintes, à eux imposées, par le législateur. En effet, alors que les médias invoquent la liberté d’expression, le droit à l’information et le secret des sources, la justice leur rappelle qu’ils sont aussi tenus de respecter certaines règles relatives à la vie privée, aux droits de la défense, au secret de l’enquête ou encore à la présomption d’innocence. Le constat est fait : beaucoup de journalistes traitent de domaines pour lesquelles ils ne sont pasoutillés.

Cela ne veut pas dire qu’ils ont une intention de nuire ou sont guidés par la mauvaise foi. Nous voulons dire tout simplement par-là qu’une formation générale est insuffisante pour permettre à un journaliste de rendre compte d’un domaine aussi technique que celui couvert par la justice. Dans l’accomplissement de leur mission, les journalistes doivent founir au public une information exacte, aussi complète et objective que possible et faire preuve de la plus grande circonspection tant dans la recherche de l’information que dans sa diffusion, sans porter atteinte au crédit desindividus ou déformer les faits.

Certes, la presse a le droit de porter un jugement, de critiquer, de formuler des appréciations relatives aux actes des personnes qui exercent particulièrement une fonction publique, telles les juges par exemple, mais cette liberté est néanmoins limitée, d’un côté, par l’obligation de vérité au sujet des faits et, de l’autre, par l’interdiction de tenir, à leur endroit, des propos calomnieux, injurieux, malveillants, dénigrants, infamants ou deshonorants. Dans sa mission d’information, la presse doit veiller à ne pas répandre des rumeurs qui pourraient causer un préjudice à des tiers, lorsqu’elle n’en a vérifié ni la provenance ni la conformité à la vérité.

En aucun cas, le journaliste professionnel ne doit faire un usage démesuré ou encore un abus excessif de son statut. Si la constitution haitienne garantit expressément la liberté de la presse et consacre sans équivoque le droit à la parole, cela ne veut pas dire que tout détenteur d’un micro et d’un magnéto peut en profiter pour nuire aux gens et porter atteinte à leur réputation. En ce qui concerne la justice, nous disons aux journalistes que « le fait de publier les actes d’accusation et de procédure, les commentaires tendant, avant une décision de justice, à influencer les témoins, les jurés ou les juges sont considérés comme délit de presse », infraction prévue et punie par l’article 16 de la loi du 31 juillet 1986...afin qu’ils n’en ignorent et n’en prétextent cause d’ignorance. Les informations liées à l’actualité judiciaire doivent être traitées et analysées par des spécialistes et non par n’importe quel profane.

Heidi FORTUNÉ
Magistrat,
Juge d’Instruction
Cap-Haïtien, Haïti
Ce 22 juillet 2007

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