samedi 8 mars 2008

UN CONCEPT À COMBATTRE

UN CONCEPT À COMBATTRE

La procédure pénale proprement dite comprend nécessairement les phases de l’enquête préliminaire, de l’instruction et éventuellement de recours. À ces phases s’ajoute bien évidemment celle de la saisine de la juridiction de jugement. Chacune de ces étapes dure un espace de temps…d’où l’obligation de prescrire des délais pour contrer les dérives.

Les délais prévus en matière pénale sont généralement des délais d’ordre et d’application stricte, c’est-à-dire, ils sont considérés comme formalité substantielle, et dès lors, prescrits à peine de nullité. Malheureusement, ces prescriptions sont peu nombreuses dans le droit pénal haïtien et ne prennent en compte que certaines phases de la procédure, avec un manque de précision qui donne lieu à des interprétations diverses.

De façon explicite, le délai accordé au commissaire du gouvernement pour transmettre au juge d’instruction un dossier avec son réquisitoire d’informer n’est pas défini, également celui entre la signification de l’ordonnance de clôture ― ne faisant pas objet de recours ― et la rédaction de l’acte d’accusation… pour ne citer que ceux-là.

Ceux-ci, n’étant pas réglementés, s’étendent souventes fois sur de longues périodes et créent une situation incertaine, susceptible non seulement de causer préjudice aux personnes placées en détention, mais aussi d’avoir des effets négatifs sur la gestion administrative des dossiers.

Cette lacune a incité le gouvernement haïtien a adopter un principe général de droit, en l’occurrence, la notion de « délai raisonnable », qui trouve son expression juridique formelle dans les Conventions Américaines et Européennes Relatives aux Droits de l’Homme. Cependant, la mise en œuvre de ce concept présente un inconvénient évident : les critères d’application soulèvent des problèmes d’interprétation.

Nous connaissons des cas où des personnes écrouées aux ordres du commissaire du gouvernement passent des mois en prison avant que celui-ci ne transmette le dossier ensemble le prévenu au cabinet d’instruction pour la mise en examen de celui-ci. Il y a des inculpés qui sont gardés pendant deux ans voire trois ans en détention malgré une ordonnance les renvoyant par-devant un tribunal pour être jugés.

Entre-temps, quelle est donc la condition juridique de ces personnes ?

Humainement, la situation de l’agent concerné qui subit les affres d’une détention prolongée et arbitraire sur une longue période est à plaindre, surtout quand le Parquet n’a pas encore saisi le cabinet d’instruction, ou que le Magistrat Instructeur a déjà rendu son ordonnance définitive.

Que ce soit dans un ‘’délai raisonnable’’ ou ‘’sans délai’’, chaque magistrat apprécie et interprète à sa manière, faute d’une prescription clairement établie. Le concept n’est pas défini, c’est un fait. Aussi, serait-il souhaitable que le gouvernement, la commission justice du parlement en communion avec les différents organes judiciaires imposent des règles strictes en matière de délai, règles qui auraient l’avantage non seulement de répondre aux droits légitimes des parties en cause et d’éviter tout arbitraire, mais aussi d’obliger la justice en général et les magistrats en particulier à améliorer leur gestion.

Heidi FORTUNÉ
Magistrat, Juge d’Instruction
Cap-Haïtien, Haïti
Ce 09 mars 2008

1 commentaire:

Gessie MICHEL a dit…

Honorable,

Merci, pour la régularité et la qualité des publications de vos constats et analyses sur l'état des lieux du système judiciaire haïtien.
Félicitations et merci de me faire l'honneur de me les envoyer régulièrement.
Auriez-vous en sus, quelques références législatives pour me permettre d'aller plus loin?
J'espère qu'à l'occasion d'un prochain voyage en Haïti, nous pourrons nous rencontrer et échanger amicalement sur le sujet...