samedi 10 novembre 2007

LA NOMINATION DES JUGES : 20 ANS APRÈS

LA NOMINATION DES JUGES : 20 ANS APRÈS

Depuis la naissance de la constitution de 1987, il n’y a pas un seul juge haïtien, en tout cas, au niveau des Cours d’Appel et des Tribunaux de Première Instance, qui soit nommé régulièrement. La faute est due à l’inapplicabilité de l’article 175 qui stipule : « Les juges de la Cour de Cassation sont nommés par le Président de la république sur une liste de trois personnes par siège soumise par le Sénat. Ceux des Cours d’Appel et des Tribunaux de Première Instance sont nommés sur une liste préparée par l’Assemblée Départementale concernée ; les juges de paix sur une liste préparée par les Assemblées Communales ». Vingt ans après, ces Assemblées n’existent pas encore. Heureusement ! Car, ce serait pour le malheur de la justice.

Ne voulant pas laisser entre les mains du seul Chef de l’État le privilège de faire, en même temps, le choix et la nomination des juges, les constituants ont adopté un système mixte où les assemblées choisissent et le président nomme. Ils pensaient que cette méthode pouvait être un remède contre l’ingérence des autres pouvoirs, particulièrement l’exécutif, dans le judiciaire. Ils se trompaient grandement.

Il n’y a aucune raison de croire que cette façon énoncée qui n’a pas, jusque-là, été expérimentée, allait garantir l’indépendance, l’impartialité, la compétence morale et professionnelle de la magistrature. La raison est simple : pour être eux-mêmes membres de partis politiques ou représentants d’une classe politique, leur choix serait outrageusement partisan et ne tiendrait pas compte des qualités nécessaires au bon magistrat.

Et puis, nous devons nous interroger sur la raison d’être de l’École de la Magistrature prévue par l’article 176 de cette même constitution. Car le texte ne fait pas injonction aux membres des Assemblées Départementales ou Communales de faire leur choix parmi les diplomés de cette école qui représente, à notre sens, une fabrique de juges.

Nous devons admettre qu’il y a trop de contradictions et trop de brèches dans la constitution. Quand nous entendons des hommes politiques qui, autrefois, plaidaient pour un nouveau contrat social, dire aujourd’hui qu’il ne faut pas y toucher, et mettre en garde le gouvernement contre un possible amendement... franchement ! Cela saute aux yeux que cette constitution, à bien des égards, ne répond pas aux aspirations du peuple. Alors, combien de temps devons-nous attendre encore avant de réagir ?

Nous réfléchissons en tant que juriste et rien d’autre. A la lumière de notre considération et de notre préoccupation, l’article 175 ne marche pas et ne pourra jamais marcher. En France, on devient magistrat en passant par une école. Et l’on a ensuite entre ses mains le pouvoir de décider du sort de ses semblables pour la vie. Aux États-Unis, il n’y a pas une fabrique de juges. Il faut passer par la voie des urnes pour briguer la fonction, et aucune étude supérieure n’est exigée sinon sa réputation d’honnêteté et son autorité morale. Un modèle non souhaité pour Haïti.

Le débat reste ouvert sur le meilleur système de sélection. Somme toute, la révision constitutionnelle ne peut être entreprise qu’avec la participation des forces vives de la nation tout en tenant compte des opinions de la grande majorité des citoyens.

Heidi FORTUNÉ
Magistrat, Juge d’Instruction
Cap-Haïtien, Haïti
Ce 11 novembre 2007

3 commentaires:

Icelda a dit…

Les reflections de Me. Heidi Fortune sont a la hauteur d'un juge competent et qualifie. C'est ce type de juge que le pays a besoin.

Icelda

Icelda a dit…

chapo ba pou met Fortune.

Je lis avec attention les reflections de Me. Fortune Heidi, et je suis convaincu que, si les les mots se juxtaposent aux actions, il est un haitien, par dessus tout, un juge digne de ce nom. Je n'ai jamais entendu pareille reflection avant. elle depasse le clientelisme, le "mounpaisme" et les privileges ephemeres.

Mon cher maitre, je suis fier de vous.

Sejour

Icelda a dit…

chapo ba pou met Fortune.

Je lis avec attention les reflections de Me. Fortune Heidi, et je suis convaincu que, si les les mots se juxtaposent aux actions, il est un haitien, par dessus tout, un juge digne de ce nom. Je n'ai jamais entendu pareille reflection avant. elle depasse le clientelisme, le "mounpaisme" et les privileges ephemeres.

Mon cher maitre, je suis fier de vous.

Sejour