mardi 4 septembre 2007

EXTRAIT DE LA COMMUNICATION DE ME HEIDI FORTUNÉ

COLLOQUE SUR LA GOUVERNANCE ET LA CORRUPTION ORGANISÉ PAR L’ULCC DU 20 AU 23 AOÛT 2007-

EXTRAIT DE SON INTERVENTION -

Lorsqu’en décembre 2000, j’ai accédé au corps judiciaire, j’étais fier d’appartenir à la seule institution de l’État dont le nom est une vertu : la justice. Ma conception de la magistrature était simple. Elle se fondait sur la signification du mot qui évoque la grandeur, la supériorité, et sur le rôle social des juges. Pour moi, du magistrat, on devait attendre plus que des qualités. C’est donc, tout naturellement que j’espérais pouvoir m’épanouir dans la magistrature.
Mais, après plus de six années d’exercice de cette profession que j’aime tant et pour laquelle je me suis investi sans compter, je constate avec regret et amertume que l’organisation administrative dans laquelle sont enserrés les magistrats met en danger les plus vulnérables et jette la suspicion sur les plus courageux.
Cela ne correspond ni à mes idéaux de justice, ni à ma conception de la magistrature. Dans ces conditions, il ne me reste pas beaucoup d’alternatives : en fait, elles sont deux. Soit je me confonds dans la moule, soit je rentre en rebellion.
Comme je n’ai pas été éduqué dans l’acceptation de compromission, j’ai choisi de défendre le système en dénoncant ses malheurs et son dysfonctionnement avec toutes les conséquences que cela peut entrainer.
Je me bats pour la justice de mon pays comme je l’aurais fait pour n’importe quelle autre cause noble...
La corruption est devenue un principe. Soit tu rentres dans le mouvement, et tu deviens riche. Soit tu restes en marge de ce phénomène, et tu auras du mal à voir le bout du tunnel. Peu importe ce qu’on dit ou ce qu’on pense, je fais mon choix.
Quand un magistrat accepte de l’argent ou des biens de quelqu’un qui a son dossier devant lui, peu importe ce qu’ils se sont dits, moi, j’y vois la corruption. Les justifications du genre « ce sont des cadeaux, des dons » me semblent fallacieuses. Personnellement, je considère que s’il y a un seul magistrat corrompu, cela est très grave parce qu’il va brimer un citoyen en faveur d’un autre, voire quand c’est plusieurs.
Il ne faut pas se voiler la face, l’ampleur de la corruption au sein de la justice est plus que modérée, je suis bien placé pour le dire. Il faut simplement avoir le courage de sanctionner les magistrats indélicats, ceux-là qui, avec un salaire de dix mille, quinze mille ou vintg mille gourdes, une épouse qui ne travaille pas, des maîtresses et des enfants, sont capables de mener une vie de nabab. Ils doivent s’expliquer et partager leur secret, sinon ils doivent payer leur corruption.
Si l’on attend de voir des contrats de corruption avant de sanctionner, je vous jure qu’on attendra bien longtemps.
‘’La corruption qui sévit dans la société haitienne n’épargne pas le monde judiciaire, le juge n’étant pas isolé de son milieu’’. Je suis d’accord. Cependant, j’insiste sur le fait que celui qui prétend juger les autres devraient se mettre au-dessus de la mêlée.
Aujourd’hui, pour beaucoup de citoyens, la justice est aux ordres et donne raison à celui qui a de l’argent pour corrompre. Ainsi, le combat contre la corruption ne doit pas être mené isolément dans la mesure où « s’il y a des corrompus, il y a des corrupteurs ». Ce qui implique une responsabilité partagée.
Il faudra finalement que l’haitien se convainc qu’il est possible d’avoir raison en justice, sans avoir à user des pots-de-vin ou des relations.
Je m’appelle Heidi Fortuné. Je suis Magistrat, Juge d’Instruction Près le Tribunal de Première Instance du Cap-Haïtien.
Merci !

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