lundi 30 juillet 2007

LE SYSTÈME INFORMATIQUE FACE AU SYSTÈME PÉNAL HAITIEN

LE SYSTÈME INFORMATIQUE FACE AU SYSTÈME PÉNAL HAITIEN
Par Heidi FORTUNÉ

Peut-on poursuivre une personne pénalement pour vol à l’aide de fausse clé et abus de confiance, le fait par elle d’accéder illicitement à un système informatique privé en utilisant des codes ou des mots de passe d’utilisateurs légitimes de ce système ?
En l’absence de règlementation spécifique, les diverses formes de criminalité ou de piraterie informatique ne seront vraiment pas condamnables. Tout d’abord, par les difficultés tant de détection que de preuve de ce type d’infraction, ou encore par le silence gardé par les victimes qui préfèrent ne pas ébruiter les failles de leur sécurité informatique et recouvrent bien souvent, lorsque la fuite est le fait d’un membre de leur personnel, à des modes de règlement des différends.
Dans tous les cas, les qualifications de vol à l’aide de fausse clé et d’abus de confiance sont sujettes à bon nombre de controverses dans la mesure où les données informatiques, qui sont de simples impulsions magnétiques, n’ont pas de caractère physique et ne peuvent dès lors pas faire l’objet d’une soustraction ou d’un détournement et que de plus, le propriétaire du programme n’est pas dépossédé de celui-ci, une fois la copie réalisée. Enfin, comment assimiler un mot de passe à une fausse clé ?
Certains répondent par l’affirmative en considérant au regard de l’évolution de l’informatique que l’introduction d’une donnée ou d’une impulsion électronique ou magnétique dans une serrure moderne correspond à l’utilisation d’une fausse clé. Et ils ont raison.
Somme toute, au regard du droit d’auteur consacré par la loi, nous pensons que des poursuites pénales sont possibles. Car, font partie du patrimoine du propriétaire du programme d’origine toute copie, ou plus précisément, toute duplication susceptible d’être transmise ou dupliquée à son tour. Donc, un logiciel peut faire l’objet d’une soustraction frauduleuse. Faut-il remarquer que les programmes d’ordinateurs ont une valeur économique réelle et sont susceptibles d’un transfert de possession. On entend des avocats dire que ce sont des biens immatériels, nous soutenons le contraire. Ici, la notion de soustraction doit s’interpréter de manière évolutive et ne suppose pas une dépossession du propriétaire des programmes copiés.
En conclusion : dans l’état actuel de notre système judiciaire, ce type d’infraction dépasse de loin le champ d’étude du droit haïtien.Comment demander à un magistrat de trancher sur quelque chose qui lui est inconnu ? La justice haïtienne n’est pas informatisée, 99% des juges ne sont pas versés en informatique et ne connaissent pas les notions les plus élémentaires. Le droit évolue ailleurs mais pas en Haiti. Allez parler de nouvelles technologies et des progrès de la science dans le domaine de l’informatique à un magistrat haïtien et il vous dira...
Ce 13 Mai 2007.
Heidi FORTUNÉ
Magistrat,
Juge d’Instruction
Cap-Haïtien, Haïti
*****

1 commentaire:

Profil de Me Heidi Fortuné a dit…

Réaction de Philippe CLÉRIÉ
sur la thèse avancée par le magistrat Heidi FORTUNÉ.

Je ne suis pas avocat mais tout de même je me risque à dire que ceci ne peut pas, ne doit pas être une thèse soutenable. Pourquoi faut-il une réglemention spécifique à l'informatique?
Si l'accès est *non autorisé* et *non légitime* donc *illicite*, il est moralement condamnable et dans ce cas, la loi devrait pouvoir intervenir en support à la morale.
Il est vrai que même dans les pays où on respecte la loi, il y a aujourd'hui une forte tendance à croire que tout ce qui n'est pas spécifiquement interdit par la loi est permis et qui pis est, moral. Que de fois n'entend-on pas les gens se défendre en disant « Je n'ai violé aucune loi, donc on ne peut rien me reprocher. »
C'est une affaire d'expertise. Cela dépend aussi *beaucoup* du type de système et des mesures de sécurité qui ont été mises en œuvre. Mais vous avez raison, cela reste difficile.
L'abus de confiance est puni par des lois. Au moins dans les pays étrangers.
Supposons que je rentre chez vous et que je copie sans votre permission des documents confidentiels? Vous n'êtes pas dépossédé de ces documents, mais ne s'agit-il pas là d'un vol? Je crois que oui, mais je ne sais pas comment la loi traite ce genre de chose.
... Malgré tout, je persiste à croire que si on prend la morale pour boussole, même en l'absence de réglementation spécifique, le bon sens devrait permettre de gérer certains problèmes. Évidemment, le bon sens est une denrée rare dans ce pays. Et, il faut le dire, il y a sûrement des problèmes bien plus urgents, comme respecter et faire respecter les lois existantes.
Dim. 13/05/2007 14:16

Philippe Clérié philippe@gcal.net