lundi 4 juin 2007

LE DROIT DE MENTIR !

Lors d’un échange avec un haut responsable de la police nationale d’Haïti, en marge d’un colloque sur la détention préventive, il a laissé entendre qu’il enjoint aux policiers d’être totalement sincères s’ils font l’objet d’une enquête disciplinaire, mais leur indique aussi qu’ils ont le droit de mentir s’ils sont impliqués dans des poursuites judiciaires.

Un avocat proche de l’institution policière se mêle de la discussion, et confirme : « comme tout prévenu, un policier mis en prévention ou faisant l’objet d’une instruction judiciaire a le droit de mentir.
Le droit de mentir !
« Un droit est une prérogative reconnue et sanctionnée dans la mesure où elle est conforme à l’intérêt social et compatible avec les droits d’égale valeur des autres hommes (De PAGE, tome 1, № 16) ».
Une société fondée sur le mensonge est-elle concevable?
Nul n’a jamais le droit de mentir. L’exigence de la bonne foi dans les relations de droit privé condamne évidemment le mensonge.
Il n’en va pas autrement en matière pénale. S’il est vrai que la charge de la preuve incombe à la partie poursuivante, ce qui implique que l’inculpé peut se taire et n’a pas l’obligation de participer à l’établissement des faits mis à sa charge, cela ne lui donne nullement le droit de mentir.
Certes, le mensonge existe. Il n’est pas en lui-même constitutif d’infraction sauf lorsque la loi le prévoit. Par exemple, le faux intellectuel est évidemment une forme de mensonge. S’il n’est pas punissable, le mensonge n’en reste pas moins sanctionné par la morale et il ne reçoit pas la protection que confère un droit.
Seuls les lâches et les vilains donnent pour vrai ce qu’ils savent être faux.
Une personne qui tient un discours contraire à la vérité dans le dessein de tromper l’opinion publique, cette personne est-elle digne de confiance ?
Une autorité qui a menti sous serment à toute une nation pour couvrir une bourde ou pour sauvegarder certains intérêts particuliers, mérite-t-elle encore le respects des citoyens ?
Un grand fonctionnaire de l’Etat qui jouit des avantages et privilèges dûs à son statut, qui se la coule douce et qui se prélasse ici et ailleurs aux frais de la république, peut-il continuer à toucher l’argent des contribuables tout en étant incapable de dire c’est ma faute, c’est ma faute, c’est ma très grande faute , advienne que pourra ?
Il y a longtemps que les responsables ne démissionnent plus dans notre pays pour des actes de ce genre. On aurait pu attendre des excuses pures et simples, sans arrière pensée. Elles eussent constitué ce qu’il est convenu d’appeler une issue honorable.
Mais hélas ! L’humilité ne rentre pas dans la mentalité haïtienne.
Un responsable de commissariat a battu un détenu avec une batte de base-ball jusqu’à ce que mort s’en suive.
Ses collègues ont tous déposé à charge contre lui, rapporte-t-on.
En vertu de quel principe et de quelle règle un avocat peut-il conseiller à cet accusé, qui a violé les règles déontologiques de la police, les lois républicaines et les conventions internationales ratifiées par Haïti, de mentir pour sa défense ? En tout cas, ce qui est certain, ce n’est pas au nom de l’éthique. Peut-être la filouterie ou l’audace...
Le mensonge existe –
Le droit au mensonge n’existe pas.

Heidi FORTUNÉ
Magistrat, Juge d’Instruction
Cap-Haïtien, Haïti
Ce 03 Juin 2007

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