LES VOYOUS DE LA RÉPUBLIQUE
Haïti est un territoire qui étonne toujours. Après avoir glorieusement vaincu l'armée de Napoléon sur les champs de bataille, nous affranchissant par ainsi du joug infernal du colonialisme, le Président Jean-Pierre Boyer, militaire endurci et général de son état, accepta de payer l'indemnité exigée par la France esclavagiste pour reconnaître l'indépendance d'Haïti. Le pire dans tout cela, c'est que pour acquitter, nous avions dû emprunter de l'argent à la France elle-même. Vous avez eu tort mon général. Tout d'abord parce que le paiement de cette dette honteuse a appauvri le pays, ensuite et c'est le plus important, près de deux cents ans après cette absurdité monstrueuse, on se rend compte que les traumatismes qui ont marqué notre existence n'ont pas servi à nous fortifier et nous rendre meilleurs.
Depuis l'indépendance et jusqu'à aujourd'hui, nous avons le génie d'inventer le machiavélisme politique que même les plus grands spécialistes de la politologie nous envient. Comble d'humiliations, le héros de la guerre de 1804 devenu président est parti pour l'exil à...Paris où il y meurt finalement. Voyez! Nous faisons toujours tout et son contraire en même temps. L'exemple de Boyer est un parmi tant d'autres. C'est donc au pluriel que les voyous se comptent en Haïti. On les retrouve surtout dans la justice, dans la presse, dans l'église, dans la politique. Tout cela n'est pas très réjouissant et c'est même angoissant.
Parlant de la justice haïtienne, c'est dans les faits un service public sans services, compte tenu de l'indigence de ses moyens, son absence d'impartialité, la misère financière et documentaire de ses tribunaux, l'insuffisante formation professionnelle et morale des Magistrats en raison de la façon dont ils exercent leur office. Le juge n'a pas à s'écarter de la loi ni de sa conscience dans sa prise de décision. Pourtant, c'est le contraire qui est vrai. Dans la majorité des cas, tout se résume à une question d'argent. Bref, la cause est entendue.
Sans les nommer, on compte de très grands journalistes et analystes politiques en Haïti, des hommes de culture, des professionnels de haut calibre. Malgré tout, c'est un métier qui disparait de jour en jour. Il y a de ses voyous dans la presse en vérité. Des aventuriers qui prostituent à petit feu le journalisme haïtien. Quand ils ne s'alignent pas au côté du pouvoir ou des nantis, ils s'affichent fièrement avec les bandits. À cause d'eux, des âmes innocentes sont victimes et les scandales sont de plus en plus dévastateurs. Ils utilisent abusivement leur micro pour s'enrichir honteusement et donner des contre-vérités permanentes en diffusant de fausses informations. Comment un journaliste notoirement connu peut-il être associé ou même ami avec un chef de gang? Vous êtes tout simplement dégoûtants, messieurs, et le pays en a marre de vous au même titre que certains membres du clergé. Qui, sain d'esprit, continuerait d'écouter ces prêtres défroqués et ces pasteurs à la noix qui, sans crainte de Dieu, s'adonnent à la contrebande d'armes et de munitions contribuant ainsi à semer le deuil au sein la population? Vous êtes déjà condamné à l'enfer mon révérend.
On n'a actuellement que des traîtres au sommet de l'État. Il y a une véritable soumission au dictat de l'international. Difficile de nos jours de trouver un politique prêt à ne pas plier l'échine. Le pays vibre depuis deux ans au rythme de l'insécurité. De bévues permanentes aux déclarations alambiquées, si des territoires sont effectivement perdus, alors il faut endosser son incapacité comme on endosse ses vertus...avec fierté. Malheureusement, à quelques-uns, ignorance et arrogance tiennent lieu de grandeur. Et dire qu'à chaque fois, nous permettons à ces gens de fuir le pays.
Rares sont les dirigeants ayant été chassés du pouvoir à ne pas rendre des comptes de leurs crimes envers leur peuple. Ceux qui se cramponnent aujourd'hui au pouvoir à Port-au-Prince, sans feuille de route ni projet de société et au-delà du raisonnable, doivent réfléchir. Qu'ils ne se trompent pas! Lorsque la rue sera transformée en révolution, ils seront lâchés par le parrain. La justice haïtienne étant ce qu'elle est, vous ne serez sans doute pas jugés mais vous aurez une fin de vie solitaire et vous serez décédés dans le déshonneur et l'indignité nationale, peut-être même comme certains... loin de votre pays.
Haïti a effectivement besoin d'un docteur pour l'aider à sortir du coma profond dans lequel il est plongé, mais pas d'un politicien déséquilibré, gardien de ses seuls fantasmes. Nous devons, dès à présent, penser à virer tous les voyous, faisant ou non l'objet de sanctions, et faire le grand ménage une bonne fois pour toutes, pour ensuite reconstruire une convention sociale entre Haïtiennes et Haïtiens, viable pour tous.
Cap-Haïtien, Haïti, ce 10 avril 2023
Heidi FORTUNÉ
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