L’INDÉCENCE DOMINE
Que l’exercice du pouvoir corrompe, ce n’est pas nous
qui avons inventé la formule. Qu’il sénilise au point de faire perdre tout bon
sens, cela n’est pas nouveau non plus…mais s’il est une chose que la réalité
nous démontre aujourd’hui, c’est que nous sommes au cœur d’une société de
l’indécence et de la honte sans nom. Et quelque soit le domaine, la vulgarité
choque. Le changement n’a pas lieu…Tout
au contraire ! Nous sommes toujours au règne de la continuité, de l’impunité
et de la démagogie. La morale est devenue complètement absente de nos vies.
Maintenant, on a peur de reprouver le fait qu’un proche du pouvoir soit un
incendiaire ou un revendeur de drogue… C’est presque le Magistrat enquêteur le
fautif. L’indécence se compte désormais par légions dans ce petit pays au corps
social en décomposition avancée et profondément gangrenée.
Nous avons un pouvoir judiciaire laissé à l’abandon par les autres pouvoirs depuis des décennies, et les dérives de l’actuel gouvernement sont en train de reléguer la justice, ciment de la cohésion nationale, au rang de pestiféré pour accaparer encore et toujours plus de pouvoir. La Magistrature doit rester indépendante et aucun lien ne doit la rattacher à l’Exécutif ou au Législatif. Certaines situations démontrent cruellement le manque de connaissance de nos Hommes et Femmes d’État en matière de droit et des valeurs fondamentales de notre République. Si le pouvoir de la justice doit respecter le pouvoir de la politique, la réciproque est aussi vraie. ‘’Que chacun fasse son métier et les vaches seront bien gardées’’.
Un bandit est nommé Vice-délégué par ‘’Arrêté Présidentiel’’ deux ans après avoir brûlé un Tribunal. Un Magistrat Instructeur a décerné un mandat d’arrêt, un Chef de Parquet, menacé de révocation par un proche influent du pouvoir, a osé demander à la police de surseoir à l’exécution dudit mandat. Si la Justice est malade, ce n’est pas seulement par les coups que lui portent l’Exécutif et le Législatif mais par les coups qu’elle se porte elle-même. On sait que les Commissaires du Gouvernement sont aux ordres mais l’incroyable pantalonnade du Chef du Parquet du Cap-Haitien le treize juillet dernier dans l’enceinte même du Palais de Justice est une grande première. Le Saint-Marcois a poussé le bouchon un peu loin… Il a outrepassé son rôle; et ce faisant, il est entré en rébellion avec la loi. Son comportement est tout simplement indécent.
Heidi FORTUNÉ
Magistrat, Juge
d’Instruction
Cap-Haitien,
Haïti, ce 19 juillet 2012