TUEURS DE RÊVE…VOLEURS D’ESPOIR! par Heidi Fortuné
TUEURS DE RÊVE…VOLEURS D’ESPOIR!
- par Heidi Fortuné, Magistrat
Le rêve et l’espoir peuvent être perçus comme des représentations positives élaborées par la pensée, qui nous poussent à avancer, à persévérer, à espérer malgré les obstacles et les épreuves, en nous rappelant que quelque chose de meilleur nous attend au bout du tunnel. Par exemple, on entend à chaque fois : que la nouvelle Haïti est pour bientôt. Certains y croient fermement. D’autres n’y croient malheureusement pas, mais soupirent après. D’ailleurs, l’on imagine mal qu’un compatriote puisse y être défavorable face à la tragédie que traverse le pays en ce moment.
Une autre figuration sans égale dans les annales politiques haïtiennes : le conseil présidentiel de transition (CPT). On nous a annoncé avec solennité que cette institution collégiale de neuf membres, en charge du pouvoir exécutif, était la solution miracle de la crise. Après des mois de gouvernance inefficace et scandaleuse, plusieurs personnes commencent à faire grise mine et à perdre espoir. On admet certainement que rien n’est facile, mais continuer, comme si de rien n’était, pendant que les choses s’aggravent, et que le pays se délite et s’étiole à vue d’œil…ça pue au nez.
Le conseil présidentiel de transition est le symbole de la réalisation du plus grand mensonge politique de l’histoire d’Haïti. On retiendra que les membres de cette camarilla, pour la plupart, des fricoteurs, des mercantis, des prébendiers, des profitards et des spéculateurs avérés, n’ont rien accompli de la mission qui leur a été confiée, sinon dépouiller l’État de ses maigres ressources et sceller notre destin. Haïti est activement en train de mourir. Il n’y a rien de reluisant à l’horizon hormis la tristesse, la résignation, la panique et la colère…autant de forces capables de nous réveiller, de nous remuer, de nous interpeller, de nous activer. Mais hélas! Nous avons tout simplement oublié comment nous en servir.
Aucune nation ne peut créer de richesse si ses dirigeants exploitent l’économie pour s’enrichir personnellement, ou si les juges et les policiers sont sur la feuille de paie des trafiquants de drogue. Aucune entreprise ne viendra investir dans un pays où les “conseillers-présidents“, qui ne sont d’ailleurs exemptés de poursuite judiciaire, se taillent, par une appétence démesurée et pour leurs besoins propres, tout l’argent affecté au service d’intelligence nationale, censé être affecté à combattre la criminalité et à garantir la sûreté de l’État. Personne ne voudra vivre dans un pays où la règle de droit cède à la loi du plus fort et aux marchandages, où enfin les bandits et leurs sponsors occidentaux se livrent ardemment à des activités subversives destinées à pourrir davantage la situation.
Nous remémorons aujourd’hui Jean-Jacques Dessalines, Henry Christophe, François Cappoix et tous les valeureux officiers et soldats de l’armée indigène qui avaient mis en déroute la toute puissante force expéditionnaire française en novembre 1803. Devant cette situation dans laquelle nous nous trouvons, le désespoir y trouverait réponse. Devant les agissements des voleurs et des tueurs à col blanc, il y aurait pendaison ou peloton d’exécution. Pour les bandits, il y aurait assurément le deuil, par surcroit. Devant les manœuvres teintées de racisme du gouvernement dominicain, la guerre aurait éclaté depuis longtemps. Et enfin, devant le comportement arrogant et indécent de l’Amérique expansionniste et de la France esclavagiste, leurs représentations diplomatiques auraient été fermées et les membres expulsés.
Haïti, première république noire. Terre des hommes et des femmes libres, violentée par ses propres fils et violée sans retenue par l’international, est toujours debout avec ses chaînes et ses plaies. Concitoyennes et concitoyens de tout coin, des ennemis de toutes sortes œuvrent jour et nuit pour détruire vos rêves et vos espoirs. Mais, ne vous y trompez pas, l’histoire est toujours du côté des courageux et non dans le camp de ceux qui vous écorchent la peau, vous sucent le sang et vous dépouillent complètement. Aujourd’hui, les méchants dominent pendant que vous gémissez. Le temps de la rétribution viendra tôt ou tard, et ils répondront tous de leurs forfaits.
- Heidi FORTUNÉ, Magistrat
- Ancien juge d’instruction
- Ancien ministre de la Justice et de la Sécurité publique
- Cap-Haïtien, Haïti, ce 08 janvier 2025
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