LA DÉLINQUANCE À COL BLANC
Pas de jour,
pas d’émission, pas de « Une » sans le rapport de la Cour Supérieure des
Comptes et du Contentieux Administratif, relatif aux détournement et
vol des fonds de développement »Petrocaribe ». Dans les salons comme
dans les clubs, dans les universités, dans les bureaux…. à chaque coin
de rue et même dans les marchés publics on ne parle que de cette saga,
considérée par plus d’un comme la plus grande casse financière de toute
l’histoire d’Haïti, perpétrée par un petit groupe de délinquants et de
voleurs à col blanc. Comment a-t-on pu laisser de tels comportements et
de telles supercheries s’enliser à ce point ?
L’implication
des personnes soupçonnées d’avoir participé à la réalisation de ce
vaste crime organisé est particulièrement néfaste, car elle génère une
vindicte internationale donnant une piètre image de ce que nous sommes.
Ce qui constitue une menace potentielle pour notre survie de peuple
voire une détestation au quotidien de l’homme haïtien. En un mot, cela
contribue non seulement à une mauvaise réputation du pays, mais
également à la crise de confiance de l’opinion envers ses dirigeants.
Des petites
combines d’agents publics mal rémunérés aux pots-de-vin des grands
commis de l’État relativement bien payés, il n’en dévoile pas moins une
sombre réalité de la vie nationale, et l’Exécutif haïtien où, jusqu’à
présent, tout le monde s’abstient de transmettre leur déclaration de
patrimoine, est loin d’être exemplaire. Que ce soit sous sa forme la
plus directe et à quelques exceptions près, pour l’opinion, le Parlement
est une décharge d’ordures. Et les critiques émises à l’encontre du
Pouvoir judiciaire viennent noircir un tableau déjà assombri. Jamais la
défiance n’a atteint un tel niveau vis-à-vis des autorités.
Le pays va
mal et la colère n’est jamais retombée depuis les dernières
manifestations populaires des 6 et 7 juillet 2018. La monnaie nationale
ne cesse de se déprécier par rapport au dollar. L’institution policière
est à genoux et n’a presque aucune capacité de projection. La durée de
vie d’un haïtien vivant en Haïti est de vingt-quatre heures
renouvelables tant l’insécurité est à son paroxysme. Les conditions de
vie se dégradent de jour en jour, le baromètre de la corruption est à
son pic, le chômage des jeunes diplômés s’envole. Misère criante,
injustice sociale et ras-le-bol… ce sont des accumulations qui vont tout
faire déborder.
L’audit de la
Cour Supérieure des Comptes et du Contentieux Administratif ne surprend
nullement. Il ne fait que confirmer et montrer en plein jour le visage
des voleurs. S’agissant d’élite économique et de grands pontes du
pouvoir politique, ils devront payer plus que les autres et pour tous
les autres. La lutte pour délivrer le pays des griffes des rapaces ne
fait que commencer. Et qu’on ne s’y trompe pas! Viendra un jour le
verdict, et quand on aura, pour donner l’exemple, livré en pâture les
contrevenants…c’est là que tout prendra fin.
Heidi FORTUNÉ, Magistrat de carrière
- Ancien Ministre de la Justice
- Cap-Haïtien, Haïti, ce 05 juin 2019
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