AU NOM DE LA DIGNITÉ
Quand nous disons que la magistrature haitienne va mal, on nous reproche d’être un aigri et un éternel insatisfait. Mais comment ne pas le clamer quand les nominations ne sont plus le reflet de la compétence mais plutôt d’allégeance à une personnalité ou une classe politique ? Comment ne pas le dire quand l’obtention d’une simple mutation, d’une promotion, d’une bourse d’études, la participation à un séminaire ou à un stage à l’extérieur, dépendent de son appartenance à un clan bien déterminé ? Comment rester muet quand la promptitude des autorités judiciaires ou leur volonté délibérée de sanctionner ou non est fonction de degré de soumission du magistrat en déphasage avec la déontologie ? Comment ne pas être triste quand des collègues salissent l’image, jadis noble, de la magistrature ?
Il y a des magistrats, assis et debout, qui donnent des consultations juridiques dans leur bureau ou à leur domicile. Il y a des magistrats qui disent haut et fort : « ce n’est pas la peine de prendre un avocat, c’est moi qui décide ». Oui, nous prenons le risque de le dire. Ainsi, ce qui devrait revenir normalement à l’avocat, reviendra à celui qui décide. Il y a des magistrats qui ont des avocats précis avec lesquels ils travaillent. Quand ils ont un avantage particulier, c’est toujours à eux qu’ils recourent et vice versa. Il y a des magistrats qui écrivent des plaintes et des conclusions pour des justiciables, argent comptant, faisant ainsi de la justice un commerce. Il y a même des gens qui déclarent innocemment à l’audience que « tel juge m’a dit d’aller voir tel avocat ».
Tout cela, nous les vivons à contre coeur. Mais, même dans cet environnement polluant et malsain, il y a des magistrats qui sont intègres. On les voit à l’audience ou dans la rue traîner mais ils sont dignes. Nous souhaitons ardemment que les indignes ne les depassent pas en nombre.
Ceux-là qui se comportent en hommes d’affaires sont invités à se ressaisir. Nous avons un pays à sauver et un état de droit à instaurer. Nous avons un peuple à instruire et une démocratie à consolider. Nous avons une jeunesse à guider et un futur à préparer.
Le monde nous regarde, la diaspora nous attend, nos enfants nous observent, nos actes nous suivront, l’histoire nous jugera...
Au nom de la dignité qui caractérise la profession, nous demandons aux magistrats qui se donnent libre cours à ces pratiques deshonorantes d’amender leurs comportements ou tout simplement donner leur démission car les citoyens comme les institutions doivent pouvoir compter désormais sur une justice qui ne les surprend pas et une magistrature lavée de toute corruption.
Heidi FORTUNÉ
Magistrat, Juge d’Instruction
Cap-Haïtien, Haïti
Ce 18 novembre 2007
samedi 17 novembre 2007
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