L’UTILISATION ARBITRAIRE DES MANDATS DE JUSTICE
Un mandat est un acte que peut prendre un magistrat à l’égard des personnes suspectes et qui peut porter atteinte à leurs libertés individuelles. Dans le droit pénal haïtien, il existe quatre types de mandats : le mandat de comparution, le mandat d’amener, le mandat d’arrêt et le mandat de dépôt. Ils sont exclusivement de la compétence du juge d’instruction. Exception faite pour les mandats d’amener et de dépôt qui peuvent être émis par le commissaire du gouvernement ou le juge de paix, mais seulement en cas de flagrant délit quand la personne n’est pas présente sur les lieux.
Cependant, quand on va consulter le registre d’écrou des diverses prisons du pays, on constate que sous les préventions génériques d’abus de confiance, de menaces ou d’association de malfaiteurs, de nombreuses personnes sont arrêtées suite à des mandats d’amener décernés par des juges de paix ou certains parquetiers, en dehors de toute flagrance. C’est en fait, la principale cause de la surpopulation carcérale en Haiti.
Il y a certaines infractions emportant des peines d’emprisonnement dont le minimum est tellement faible que le fait incriminé ne nécessite pas une détention préventive. Nous citons comme exemple, les délits punis de six jours d’emprisonnement au moins et les contraventions de quatrième classe punies de cinq à vingt-cinq jours d’emprisonnement suivi d’amende.
Le fait que les contrevenants ne soient pas poursuivis ou sanctionnés, la loi est, de plus en plus, violée. Parfois, pour des raisons inavouées, des détenus sont gardés pendant de longs mois et même plusieurs années en prison au mépris des normes procédurales, sans être traduits par-devant les instances de jugement. Ces irrégularités contribuent à fragiliser davantage le système déjà moribond.
La population souhaite que la justice soit forte et efficace. L’efficacité exige la dotation aux tribunaux de ressources humaines et matérielles, entre autres : rémunération décente, infrastructures, équipements, communication, internet, formation continue des acteurs de la chaîne pénale, capacité d’effectuer des enquêtes, renforcement de la police scientifique, recours à la médecine légale, respect des droits de la personne humaine et de la loi en générale.
La réforme ne se fera pas à coup de millions ou de mots pieux, mais à coup de bons principes. On aura beau éjecter de l’argent dans le système, on aura beau parler, il continuera son agonie. Les haïtiens, toutes couches sociales confondues, n’ont plus confiance en leur justice et la justice n’a plus confiance en elle-même. Ce n’est plus une simple crise, mais une maladie mortelle.
Il faut un changement de mentalité dans la magistrature. La profession est trop noble pour la permettre à n’importe qui. Il faut être moral pour être juge. C’est vrai que la possibilité d’y accéder est reconnue à tout le monde...on y a tous droit, mais il faut avoir, avant tout, la vertu, l’étoffe et le charisme exigés. Un magistrat qui viole systématiquement la loi n’a aucune moralité pour juger un délinquant parce qu’il n’y a pas vraiment de différence entre eux.
En conlusion, c’est au magistrat instructeur qu’est dévolu le droit de décerner des mandats. Cette prérogative n’est attribuée qu’exceptionellement, s’agissant des mandats d’amener et de dépôt, au commissaire du gouvernement et au juge de paix dans le cas de flagrant délit et celui que la loi assimile au flagrant delit quand la personne suspectée n’est pas présente sur les lieux de l’infraction conformément aux prescrits des articles 22, 30, 36 et 39 du code d’instruction criminelle. Et le législateur a pris le soin de souligner que le commissaire du gouvernement doit transmettre sans délai les pièces au juge d’instruction.
La loi a une double vocation, celle d’être appliquée et...respectée !
Heidi FORTUNÉ
Magistrat, Juge d’Instruction
Cap-Haïtien, Haïti
Ce 25 novembre 2007
dimanche 25 novembre 2007
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