LE DROIT À LA MORT VOLONTAIRE
Depuis quelque temps, un phénomène assez bizarre se développe à travers le monde. Des malades, se trouvant dans un état clinique irréversible, demandent à leurs médecins de mettre fin à leurs jours. Cela a même été l’objet d’un recours par-devant la cour suprême des Etats-Unis entre la famille d’une malade en situation comateuse prolongée et le conjoint de celle-ci qui exigeait l’arrêt de l’alimentation artificielle des organes de sa compagne. C’était à la fois cynisme et triste ! Cynisme dans la demande ; triste dans les explications.
Un jeune homme dont la maladie avait été déclarée incurable avait même sollicité et fait valoir au président américain son droit de mourir. Ce qui lui a été courtoisement refusé.
Devant les controverses suscitées par cette nouvelle réalité, certains juristes se déclarent carrément en faveur d’une loi consacrant le droit à la mort volontaire et à la dépénalisation de l’euthanasie. Et nous sommes du même avis !
Si la loi doit être le régulateur des libertés et non la consécration d’une morale propre à un groupe, si la liberté de l’un finit où commence celle de l’autre, il n’existe pas de raison d’imposer à certains la conception philosophique du sens de la vie que prônent d’autres. Le droit de donner un sens à la vie est personnel et relève d’un droit de l’homme dont aucune loi ne devrait le posséder.
Mourir sans souffrances inutiles et dans la dignité, c’est toujours donner un sens à la vie. Donc, refuser cette liberté au mourant en interdisant au médecin de lui porter l’aide médicale nécessaire revient à nier le principe d’un état démocratique.
Pourquoi ne peut-on décider volontairement de mourir quand la médecine se déclare scientifiquement impuissante ?
Il suffit tout simplement de prévenir adéquatement les risques de dérapages motivés par des raisons politiques, économiques ou égoïstes. Cependant, le problème reste entier, et, plus d’un se contredit à ce sujet.
Si le suicide n’est pas condamnable parce qu’on ne peut dénier à une liberté le choix de s’annuler elle-même, alors pourquoi condamner l’euthanasie ? On dira : c’est parce qu’elle transgresse le principe de la morale ‘’Tu ne tueras point’’, voulant dire en quelque sorte que la vie n’est pas une propriété ordinaire, elle est donnée, et comme telle, ne dépend pas du seul choix d’un individu. Pourtant,« La morale interdit la dépénalisation de l’euthanasie, mais admet dans des cas extrêmes que l’on endorme le patient jusqu’à la fin ». Encore une astuce !
Nous pensons que le droit à la mort volontaire reste personnel à chaque individu quand la vie et les souffrances deviennent intolérables. Le fait de l’interdire ressort d’un choix philosophique qui n’est pas acceptable dans un état démocratique et pluraliste.
Heidi FORTUNÉ
Magistrat, Juge d’Instruction
Cap-Haïtien, Haïti
Ce 09 décembre 2007
dimanche 9 décembre 2007
samedi 1 décembre 2007
PUBLICITÉ DES DÉBATS - LIBERTÉ DE LA PRESSE ET RESPECT À LA VIE PRIVÉE
PUBLICITÉ DES DÉBATS - LIBERTÉ DE LA PRESSE ET RESPECT À LA VIE PRIVÉE
Les dossiers de justice, principalement, les affaires criminelles, suscitent toujours un intérêt immédiat auprès du public, d’où l’empressement des médias à répondre à cette attente. Cela n’a pas de quoi s’étonner. Mais, pareille publicité, quand elle est abusive et sans contrôle, menace le droit au respect à la vie privée. La vie privée de qui nous demanderait-on ?
Tout naturellement, des victimes et des témoins mais aussi bien de la personne accusée dont la réputation souffre durant l’exercice des poursuites qui aboutiront peut-être à une décision d’acquittement ou de condamnation, selon les circonstances.
Il s’agit-là de trois principes juridiques très controversés les uns par rapport aux autres. Le premier principe est la publicité des débats, le second, la liberté de la presse et le troisième, le droit au respect à la vie privée.
La publicité de l’exercice de la justice, hormis les huis clos quand la loi l’exige, est l’une des conditions essentielles de la validité d’une décision judiciaire. Cependant, pour que cette publicité soit efficace, il est indispensable que les médias diffusent ce que les journalistes spécialisés ont pu suivre des débats.
La liberté de la presse garantit ainsi l’objectivité des comptes rendus et, le cas écheant, la confrontation ou la rectification d’impressions d’audiences biaisées ou subjectives. La presse a une fonction pédagogique dans ce domaine.
Souventes fois, au cours des assises criminelles, une foule de gens vient suivre les audiences, elle n’en percevrait que très partiellement le sens ; seuls les comptes rendus de la presse peuvent mettre à la portée de ces personnes peu familiarisées avec la justice le déroulement et l’issue des débats contradictoires.
L’intérêt du public pour les procès criminels à sensation n’a pas pour motivation principale la volonté de participer au contrôle démocratique de la fonction juridictionnelle, il s’y mêle souvent un attrait pour la dépravation du milieu criminel, renforcé d’une curiosité malsaine pour la vie privée des protagonistes du procès et notamment pour leur vie intime.
On le sait, les crimes passionnels et les délits sexuels sont ceux qui attirent le plus de désir d’information du public. D’où le devoir de la presse d’éviter toute complaisance en ce domaine afin que soit préservé le droit au respect de la réputation des personnes impliquées à des titres divers dans le procès pénal : accusé mais aussi victime et témoins.
En ce qui concerne les deux dernières catégories de personnes, la prévention de toute publicité dommageable s’impose d’autant que certaines victimes, par exemple, les victimes d’attentats sexuels, hésitent à déposer plainte ou que des témoins ne désirent pas comparaitre en justice, même à ce titre, en raison de l’atteinte à leur réputation que risque d’entrainer l’association ainsi établie avec l’auteur d’une infraction.
A coup sûr, les journalistes vont nous demander de situer le point d’équilibre entre la publicité des débats et la liberté de la presse. Nous leur dirons tout simplement qu’il y a des informations que la presse a le droit d’entendre mais qu’elle n’a le droit de diffuser que sous certaines conditions. Ici, nous faisons allusions aux restrictions imposées par la loi. Ceci dit : la presse a un devoir de prudence dans la diffusion des informations qu’elle détient.
Heidi FORTUNÉ
Magistrat, Juge d’Instruction
Cap-Haïtien, Haïti
Ce 02 décembre 2007
Les dossiers de justice, principalement, les affaires criminelles, suscitent toujours un intérêt immédiat auprès du public, d’où l’empressement des médias à répondre à cette attente. Cela n’a pas de quoi s’étonner. Mais, pareille publicité, quand elle est abusive et sans contrôle, menace le droit au respect à la vie privée. La vie privée de qui nous demanderait-on ?
Tout naturellement, des victimes et des témoins mais aussi bien de la personne accusée dont la réputation souffre durant l’exercice des poursuites qui aboutiront peut-être à une décision d’acquittement ou de condamnation, selon les circonstances.
Il s’agit-là de trois principes juridiques très controversés les uns par rapport aux autres. Le premier principe est la publicité des débats, le second, la liberté de la presse et le troisième, le droit au respect à la vie privée.
La publicité de l’exercice de la justice, hormis les huis clos quand la loi l’exige, est l’une des conditions essentielles de la validité d’une décision judiciaire. Cependant, pour que cette publicité soit efficace, il est indispensable que les médias diffusent ce que les journalistes spécialisés ont pu suivre des débats.
La liberté de la presse garantit ainsi l’objectivité des comptes rendus et, le cas écheant, la confrontation ou la rectification d’impressions d’audiences biaisées ou subjectives. La presse a une fonction pédagogique dans ce domaine.
Souventes fois, au cours des assises criminelles, une foule de gens vient suivre les audiences, elle n’en percevrait que très partiellement le sens ; seuls les comptes rendus de la presse peuvent mettre à la portée de ces personnes peu familiarisées avec la justice le déroulement et l’issue des débats contradictoires.
L’intérêt du public pour les procès criminels à sensation n’a pas pour motivation principale la volonté de participer au contrôle démocratique de la fonction juridictionnelle, il s’y mêle souvent un attrait pour la dépravation du milieu criminel, renforcé d’une curiosité malsaine pour la vie privée des protagonistes du procès et notamment pour leur vie intime.
On le sait, les crimes passionnels et les délits sexuels sont ceux qui attirent le plus de désir d’information du public. D’où le devoir de la presse d’éviter toute complaisance en ce domaine afin que soit préservé le droit au respect de la réputation des personnes impliquées à des titres divers dans le procès pénal : accusé mais aussi victime et témoins.
En ce qui concerne les deux dernières catégories de personnes, la prévention de toute publicité dommageable s’impose d’autant que certaines victimes, par exemple, les victimes d’attentats sexuels, hésitent à déposer plainte ou que des témoins ne désirent pas comparaitre en justice, même à ce titre, en raison de l’atteinte à leur réputation que risque d’entrainer l’association ainsi établie avec l’auteur d’une infraction.
A coup sûr, les journalistes vont nous demander de situer le point d’équilibre entre la publicité des débats et la liberté de la presse. Nous leur dirons tout simplement qu’il y a des informations que la presse a le droit d’entendre mais qu’elle n’a le droit de diffuser que sous certaines conditions. Ici, nous faisons allusions aux restrictions imposées par la loi. Ceci dit : la presse a un devoir de prudence dans la diffusion des informations qu’elle détient.
Heidi FORTUNÉ
Magistrat, Juge d’Instruction
Cap-Haïtien, Haïti
Ce 02 décembre 2007
dimanche 25 novembre 2007
L’UTILISATION ARBITRAIRE DES MANDATS DE JUSTICE
L’UTILISATION ARBITRAIRE DES MANDATS DE JUSTICE
Un mandat est un acte que peut prendre un magistrat à l’égard des personnes suspectes et qui peut porter atteinte à leurs libertés individuelles. Dans le droit pénal haïtien, il existe quatre types de mandats : le mandat de comparution, le mandat d’amener, le mandat d’arrêt et le mandat de dépôt. Ils sont exclusivement de la compétence du juge d’instruction. Exception faite pour les mandats d’amener et de dépôt qui peuvent être émis par le commissaire du gouvernement ou le juge de paix, mais seulement en cas de flagrant délit quand la personne n’est pas présente sur les lieux.
Cependant, quand on va consulter le registre d’écrou des diverses prisons du pays, on constate que sous les préventions génériques d’abus de confiance, de menaces ou d’association de malfaiteurs, de nombreuses personnes sont arrêtées suite à des mandats d’amener décernés par des juges de paix ou certains parquetiers, en dehors de toute flagrance. C’est en fait, la principale cause de la surpopulation carcérale en Haiti.
Il y a certaines infractions emportant des peines d’emprisonnement dont le minimum est tellement faible que le fait incriminé ne nécessite pas une détention préventive. Nous citons comme exemple, les délits punis de six jours d’emprisonnement au moins et les contraventions de quatrième classe punies de cinq à vingt-cinq jours d’emprisonnement suivi d’amende.
Le fait que les contrevenants ne soient pas poursuivis ou sanctionnés, la loi est, de plus en plus, violée. Parfois, pour des raisons inavouées, des détenus sont gardés pendant de longs mois et même plusieurs années en prison au mépris des normes procédurales, sans être traduits par-devant les instances de jugement. Ces irrégularités contribuent à fragiliser davantage le système déjà moribond.
La population souhaite que la justice soit forte et efficace. L’efficacité exige la dotation aux tribunaux de ressources humaines et matérielles, entre autres : rémunération décente, infrastructures, équipements, communication, internet, formation continue des acteurs de la chaîne pénale, capacité d’effectuer des enquêtes, renforcement de la police scientifique, recours à la médecine légale, respect des droits de la personne humaine et de la loi en générale.
La réforme ne se fera pas à coup de millions ou de mots pieux, mais à coup de bons principes. On aura beau éjecter de l’argent dans le système, on aura beau parler, il continuera son agonie. Les haïtiens, toutes couches sociales confondues, n’ont plus confiance en leur justice et la justice n’a plus confiance en elle-même. Ce n’est plus une simple crise, mais une maladie mortelle.
Il faut un changement de mentalité dans la magistrature. La profession est trop noble pour la permettre à n’importe qui. Il faut être moral pour être juge. C’est vrai que la possibilité d’y accéder est reconnue à tout le monde...on y a tous droit, mais il faut avoir, avant tout, la vertu, l’étoffe et le charisme exigés. Un magistrat qui viole systématiquement la loi n’a aucune moralité pour juger un délinquant parce qu’il n’y a pas vraiment de différence entre eux.
En conlusion, c’est au magistrat instructeur qu’est dévolu le droit de décerner des mandats. Cette prérogative n’est attribuée qu’exceptionellement, s’agissant des mandats d’amener et de dépôt, au commissaire du gouvernement et au juge de paix dans le cas de flagrant délit et celui que la loi assimile au flagrant delit quand la personne suspectée n’est pas présente sur les lieux de l’infraction conformément aux prescrits des articles 22, 30, 36 et 39 du code d’instruction criminelle. Et le législateur a pris le soin de souligner que le commissaire du gouvernement doit transmettre sans délai les pièces au juge d’instruction.
La loi a une double vocation, celle d’être appliquée et...respectée !
Heidi FORTUNÉ
Magistrat, Juge d’Instruction
Cap-Haïtien, Haïti
Ce 25 novembre 2007
Un mandat est un acte que peut prendre un magistrat à l’égard des personnes suspectes et qui peut porter atteinte à leurs libertés individuelles. Dans le droit pénal haïtien, il existe quatre types de mandats : le mandat de comparution, le mandat d’amener, le mandat d’arrêt et le mandat de dépôt. Ils sont exclusivement de la compétence du juge d’instruction. Exception faite pour les mandats d’amener et de dépôt qui peuvent être émis par le commissaire du gouvernement ou le juge de paix, mais seulement en cas de flagrant délit quand la personne n’est pas présente sur les lieux.
Cependant, quand on va consulter le registre d’écrou des diverses prisons du pays, on constate que sous les préventions génériques d’abus de confiance, de menaces ou d’association de malfaiteurs, de nombreuses personnes sont arrêtées suite à des mandats d’amener décernés par des juges de paix ou certains parquetiers, en dehors de toute flagrance. C’est en fait, la principale cause de la surpopulation carcérale en Haiti.
Il y a certaines infractions emportant des peines d’emprisonnement dont le minimum est tellement faible que le fait incriminé ne nécessite pas une détention préventive. Nous citons comme exemple, les délits punis de six jours d’emprisonnement au moins et les contraventions de quatrième classe punies de cinq à vingt-cinq jours d’emprisonnement suivi d’amende.
Le fait que les contrevenants ne soient pas poursuivis ou sanctionnés, la loi est, de plus en plus, violée. Parfois, pour des raisons inavouées, des détenus sont gardés pendant de longs mois et même plusieurs années en prison au mépris des normes procédurales, sans être traduits par-devant les instances de jugement. Ces irrégularités contribuent à fragiliser davantage le système déjà moribond.
La population souhaite que la justice soit forte et efficace. L’efficacité exige la dotation aux tribunaux de ressources humaines et matérielles, entre autres : rémunération décente, infrastructures, équipements, communication, internet, formation continue des acteurs de la chaîne pénale, capacité d’effectuer des enquêtes, renforcement de la police scientifique, recours à la médecine légale, respect des droits de la personne humaine et de la loi en générale.
La réforme ne se fera pas à coup de millions ou de mots pieux, mais à coup de bons principes. On aura beau éjecter de l’argent dans le système, on aura beau parler, il continuera son agonie. Les haïtiens, toutes couches sociales confondues, n’ont plus confiance en leur justice et la justice n’a plus confiance en elle-même. Ce n’est plus une simple crise, mais une maladie mortelle.
Il faut un changement de mentalité dans la magistrature. La profession est trop noble pour la permettre à n’importe qui. Il faut être moral pour être juge. C’est vrai que la possibilité d’y accéder est reconnue à tout le monde...on y a tous droit, mais il faut avoir, avant tout, la vertu, l’étoffe et le charisme exigés. Un magistrat qui viole systématiquement la loi n’a aucune moralité pour juger un délinquant parce qu’il n’y a pas vraiment de différence entre eux.
En conlusion, c’est au magistrat instructeur qu’est dévolu le droit de décerner des mandats. Cette prérogative n’est attribuée qu’exceptionellement, s’agissant des mandats d’amener et de dépôt, au commissaire du gouvernement et au juge de paix dans le cas de flagrant délit et celui que la loi assimile au flagrant delit quand la personne suspectée n’est pas présente sur les lieux de l’infraction conformément aux prescrits des articles 22, 30, 36 et 39 du code d’instruction criminelle. Et le législateur a pris le soin de souligner que le commissaire du gouvernement doit transmettre sans délai les pièces au juge d’instruction.
La loi a une double vocation, celle d’être appliquée et...respectée !
Heidi FORTUNÉ
Magistrat, Juge d’Instruction
Cap-Haïtien, Haïti
Ce 25 novembre 2007
samedi 17 novembre 2007
AU NOM DE LA DIGNITÉ
AU NOM DE LA DIGNITÉ
Quand nous disons que la magistrature haitienne va mal, on nous reproche d’être un aigri et un éternel insatisfait. Mais comment ne pas le clamer quand les nominations ne sont plus le reflet de la compétence mais plutôt d’allégeance à une personnalité ou une classe politique ? Comment ne pas le dire quand l’obtention d’une simple mutation, d’une promotion, d’une bourse d’études, la participation à un séminaire ou à un stage à l’extérieur, dépendent de son appartenance à un clan bien déterminé ? Comment rester muet quand la promptitude des autorités judiciaires ou leur volonté délibérée de sanctionner ou non est fonction de degré de soumission du magistrat en déphasage avec la déontologie ? Comment ne pas être triste quand des collègues salissent l’image, jadis noble, de la magistrature ?
Il y a des magistrats, assis et debout, qui donnent des consultations juridiques dans leur bureau ou à leur domicile. Il y a des magistrats qui disent haut et fort : « ce n’est pas la peine de prendre un avocat, c’est moi qui décide ». Oui, nous prenons le risque de le dire. Ainsi, ce qui devrait revenir normalement à l’avocat, reviendra à celui qui décide. Il y a des magistrats qui ont des avocats précis avec lesquels ils travaillent. Quand ils ont un avantage particulier, c’est toujours à eux qu’ils recourent et vice versa. Il y a des magistrats qui écrivent des plaintes et des conclusions pour des justiciables, argent comptant, faisant ainsi de la justice un commerce. Il y a même des gens qui déclarent innocemment à l’audience que « tel juge m’a dit d’aller voir tel avocat ».
Tout cela, nous les vivons à contre coeur. Mais, même dans cet environnement polluant et malsain, il y a des magistrats qui sont intègres. On les voit à l’audience ou dans la rue traîner mais ils sont dignes. Nous souhaitons ardemment que les indignes ne les depassent pas en nombre.
Ceux-là qui se comportent en hommes d’affaires sont invités à se ressaisir. Nous avons un pays à sauver et un état de droit à instaurer. Nous avons un peuple à instruire et une démocratie à consolider. Nous avons une jeunesse à guider et un futur à préparer.
Le monde nous regarde, la diaspora nous attend, nos enfants nous observent, nos actes nous suivront, l’histoire nous jugera...
Au nom de la dignité qui caractérise la profession, nous demandons aux magistrats qui se donnent libre cours à ces pratiques deshonorantes d’amender leurs comportements ou tout simplement donner leur démission car les citoyens comme les institutions doivent pouvoir compter désormais sur une justice qui ne les surprend pas et une magistrature lavée de toute corruption.
Heidi FORTUNÉ
Magistrat, Juge d’Instruction
Cap-Haïtien, Haïti
Ce 18 novembre 2007
Quand nous disons que la magistrature haitienne va mal, on nous reproche d’être un aigri et un éternel insatisfait. Mais comment ne pas le clamer quand les nominations ne sont plus le reflet de la compétence mais plutôt d’allégeance à une personnalité ou une classe politique ? Comment ne pas le dire quand l’obtention d’une simple mutation, d’une promotion, d’une bourse d’études, la participation à un séminaire ou à un stage à l’extérieur, dépendent de son appartenance à un clan bien déterminé ? Comment rester muet quand la promptitude des autorités judiciaires ou leur volonté délibérée de sanctionner ou non est fonction de degré de soumission du magistrat en déphasage avec la déontologie ? Comment ne pas être triste quand des collègues salissent l’image, jadis noble, de la magistrature ?
Il y a des magistrats, assis et debout, qui donnent des consultations juridiques dans leur bureau ou à leur domicile. Il y a des magistrats qui disent haut et fort : « ce n’est pas la peine de prendre un avocat, c’est moi qui décide ». Oui, nous prenons le risque de le dire. Ainsi, ce qui devrait revenir normalement à l’avocat, reviendra à celui qui décide. Il y a des magistrats qui ont des avocats précis avec lesquels ils travaillent. Quand ils ont un avantage particulier, c’est toujours à eux qu’ils recourent et vice versa. Il y a des magistrats qui écrivent des plaintes et des conclusions pour des justiciables, argent comptant, faisant ainsi de la justice un commerce. Il y a même des gens qui déclarent innocemment à l’audience que « tel juge m’a dit d’aller voir tel avocat ».
Tout cela, nous les vivons à contre coeur. Mais, même dans cet environnement polluant et malsain, il y a des magistrats qui sont intègres. On les voit à l’audience ou dans la rue traîner mais ils sont dignes. Nous souhaitons ardemment que les indignes ne les depassent pas en nombre.
Ceux-là qui se comportent en hommes d’affaires sont invités à se ressaisir. Nous avons un pays à sauver et un état de droit à instaurer. Nous avons un peuple à instruire et une démocratie à consolider. Nous avons une jeunesse à guider et un futur à préparer.
Le monde nous regarde, la diaspora nous attend, nos enfants nous observent, nos actes nous suivront, l’histoire nous jugera...
Au nom de la dignité qui caractérise la profession, nous demandons aux magistrats qui se donnent libre cours à ces pratiques deshonorantes d’amender leurs comportements ou tout simplement donner leur démission car les citoyens comme les institutions doivent pouvoir compter désormais sur une justice qui ne les surprend pas et une magistrature lavée de toute corruption.
Heidi FORTUNÉ
Magistrat, Juge d’Instruction
Cap-Haïtien, Haïti
Ce 18 novembre 2007
samedi 10 novembre 2007
LA NOMINATION DES JUGES : 20 ANS APRÈS
LA NOMINATION DES JUGES : 20 ANS APRÈS
Depuis la naissance de la constitution de 1987, il n’y a pas un seul juge haïtien, en tout cas, au niveau des Cours d’Appel et des Tribunaux de Première Instance, qui soit nommé régulièrement. La faute est due à l’inapplicabilité de l’article 175 qui stipule : « Les juges de la Cour de Cassation sont nommés par le Président de la république sur une liste de trois personnes par siège soumise par le Sénat. Ceux des Cours d’Appel et des Tribunaux de Première Instance sont nommés sur une liste préparée par l’Assemblée Départementale concernée ; les juges de paix sur une liste préparée par les Assemblées Communales ». Vingt ans après, ces Assemblées n’existent pas encore. Heureusement ! Car, ce serait pour le malheur de la justice.
Ne voulant pas laisser entre les mains du seul Chef de l’État le privilège de faire, en même temps, le choix et la nomination des juges, les constituants ont adopté un système mixte où les assemblées choisissent et le président nomme. Ils pensaient que cette méthode pouvait être un remède contre l’ingérence des autres pouvoirs, particulièrement l’exécutif, dans le judiciaire. Ils se trompaient grandement.
Il n’y a aucune raison de croire que cette façon énoncée qui n’a pas, jusque-là, été expérimentée, allait garantir l’indépendance, l’impartialité, la compétence morale et professionnelle de la magistrature. La raison est simple : pour être eux-mêmes membres de partis politiques ou représentants d’une classe politique, leur choix serait outrageusement partisan et ne tiendrait pas compte des qualités nécessaires au bon magistrat.
Et puis, nous devons nous interroger sur la raison d’être de l’École de la Magistrature prévue par l’article 176 de cette même constitution. Car le texte ne fait pas injonction aux membres des Assemblées Départementales ou Communales de faire leur choix parmi les diplomés de cette école qui représente, à notre sens, une fabrique de juges.
Nous devons admettre qu’il y a trop de contradictions et trop de brèches dans la constitution. Quand nous entendons des hommes politiques qui, autrefois, plaidaient pour un nouveau contrat social, dire aujourd’hui qu’il ne faut pas y toucher, et mettre en garde le gouvernement contre un possible amendement... franchement ! Cela saute aux yeux que cette constitution, à bien des égards, ne répond pas aux aspirations du peuple. Alors, combien de temps devons-nous attendre encore avant de réagir ?
Nous réfléchissons en tant que juriste et rien d’autre. A la lumière de notre considération et de notre préoccupation, l’article 175 ne marche pas et ne pourra jamais marcher. En France, on devient magistrat en passant par une école. Et l’on a ensuite entre ses mains le pouvoir de décider du sort de ses semblables pour la vie. Aux États-Unis, il n’y a pas une fabrique de juges. Il faut passer par la voie des urnes pour briguer la fonction, et aucune étude supérieure n’est exigée sinon sa réputation d’honnêteté et son autorité morale. Un modèle non souhaité pour Haïti.
Le débat reste ouvert sur le meilleur système de sélection. Somme toute, la révision constitutionnelle ne peut être entreprise qu’avec la participation des forces vives de la nation tout en tenant compte des opinions de la grande majorité des citoyens.
Heidi FORTUNÉ
Magistrat, Juge d’Instruction
Cap-Haïtien, Haïti
Ce 11 novembre 2007
Depuis la naissance de la constitution de 1987, il n’y a pas un seul juge haïtien, en tout cas, au niveau des Cours d’Appel et des Tribunaux de Première Instance, qui soit nommé régulièrement. La faute est due à l’inapplicabilité de l’article 175 qui stipule : « Les juges de la Cour de Cassation sont nommés par le Président de la république sur une liste de trois personnes par siège soumise par le Sénat. Ceux des Cours d’Appel et des Tribunaux de Première Instance sont nommés sur une liste préparée par l’Assemblée Départementale concernée ; les juges de paix sur une liste préparée par les Assemblées Communales ». Vingt ans après, ces Assemblées n’existent pas encore. Heureusement ! Car, ce serait pour le malheur de la justice.
Ne voulant pas laisser entre les mains du seul Chef de l’État le privilège de faire, en même temps, le choix et la nomination des juges, les constituants ont adopté un système mixte où les assemblées choisissent et le président nomme. Ils pensaient que cette méthode pouvait être un remède contre l’ingérence des autres pouvoirs, particulièrement l’exécutif, dans le judiciaire. Ils se trompaient grandement.
Il n’y a aucune raison de croire que cette façon énoncée qui n’a pas, jusque-là, été expérimentée, allait garantir l’indépendance, l’impartialité, la compétence morale et professionnelle de la magistrature. La raison est simple : pour être eux-mêmes membres de partis politiques ou représentants d’une classe politique, leur choix serait outrageusement partisan et ne tiendrait pas compte des qualités nécessaires au bon magistrat.
Et puis, nous devons nous interroger sur la raison d’être de l’École de la Magistrature prévue par l’article 176 de cette même constitution. Car le texte ne fait pas injonction aux membres des Assemblées Départementales ou Communales de faire leur choix parmi les diplomés de cette école qui représente, à notre sens, une fabrique de juges.
Nous devons admettre qu’il y a trop de contradictions et trop de brèches dans la constitution. Quand nous entendons des hommes politiques qui, autrefois, plaidaient pour un nouveau contrat social, dire aujourd’hui qu’il ne faut pas y toucher, et mettre en garde le gouvernement contre un possible amendement... franchement ! Cela saute aux yeux que cette constitution, à bien des égards, ne répond pas aux aspirations du peuple. Alors, combien de temps devons-nous attendre encore avant de réagir ?
Nous réfléchissons en tant que juriste et rien d’autre. A la lumière de notre considération et de notre préoccupation, l’article 175 ne marche pas et ne pourra jamais marcher. En France, on devient magistrat en passant par une école. Et l’on a ensuite entre ses mains le pouvoir de décider du sort de ses semblables pour la vie. Aux États-Unis, il n’y a pas une fabrique de juges. Il faut passer par la voie des urnes pour briguer la fonction, et aucune étude supérieure n’est exigée sinon sa réputation d’honnêteté et son autorité morale. Un modèle non souhaité pour Haïti.
Le débat reste ouvert sur le meilleur système de sélection. Somme toute, la révision constitutionnelle ne peut être entreprise qu’avec la participation des forces vives de la nation tout en tenant compte des opinions de la grande majorité des citoyens.
Heidi FORTUNÉ
Magistrat, Juge d’Instruction
Cap-Haïtien, Haïti
Ce 11 novembre 2007
samedi 3 novembre 2007
LE MINISTÈRE PUBLIC AU PROCÈS CIVIL : QUELLE UTILITÉ ?
LE MINISTÈRE PUBLIC AU PROCÈS CIVIL : QUELLE UTILITÉ ?
Le procès civil se révèle de nos jours très embarrassant. Tout d’abord, par les frais et dépens exorbitants, les délais interminables, les procédures décourageantes, les échanges d’écritures chicanières qui accompagnent l’action judiciaire, mais aussi par les interventions inutiles du Ministère Public qui font perdurer les débats. Avec de telles préoccupations, le justiciable ne risque pas d’oublier la réalité qu’il côtoie quotidiennement sous ses aspects les plus tristes.
Le procès civil apparait donc comme un luxe destiné à ceux qui ont des moyens et de la patience. Son domaine s’amenuise et suscite l’inquiétude.
« Le droit civil est trop vaste et trop complexe pour laisser le soin au seul magistrat de siège de dire le mot du droit ». C’est l’argument évoqué pour justifier la présence accomodante du Ministère Public au procès civil. Son principal rôle consiste à veiller à la stricte application de la loi et à maintenir l’équilibre entre les parties. Il est partie jointe, dit-on.
Avant même d’entrer dans le vif du sujet, il faudrait se rappeler de cette vérité d’évidence. Le Ministère Public, représentant de la société, ne peut prétendre à la neutralité, les protagonistes au procès étant des éléments du tissu social ; d’autant qu’il doit prendre position et ne peut se référer à la sagesse du tribunal.
La résolution du procès civil s’inspire uniquement et directement de la décision consacrée par le juge d’instance. Son rôle est d’appliquer la loi et de rendre justice à qui elle est due. La vérité judiciaire ne s’invente pas, elle se constate. La décision finale, c’est la formulation des principes auxquels correspondent la cause pendante par-devant le tribunal, et pour laquelle deux parties ne sont pas parvenues à s’entendre.
Le législateur était convaincu de la nécessité de rendre le procès civil plus simple et plus cohérent avec la présence du Ministère Public au prétoire, cependant, la réalité est tout autrement.
On doit être d’accord que le représentant du Ministère Public, organe de la loi, n’est pas indispensable au procès civil comme on le pense. Ses interventions et ses réquisitoires ne sont vraiment pas nécessaires dans la mesure où le juge de céans a la latitude et la capacité, selon le cas, de trancher ou de joindre au fond toutes les exceptions soulevées au cours de l’audience.
De plus, les membres du parquet se plaignent toujours de surcharge de dossiers et d’un trop plein d’attributions, il est grand temps que l’on commence par leur retirer certaines tâches marginales pour lesquelles ils ne sont pas utiles.
On peut toujours plaider que le Ministère Public contribue à la découverte d’une certaine cohérence pour arriver à une certaine forme de justice. Notre position est claire et arrêtée : quelle que soit la valeur des arguments qu’on va évoquer, la place du Ministère Public n’est d’aucune utilité au procès civil étant donné que la mission qui lui est attribuée est déjà dévolue au magistrat de siège qui, d’ailleurs, n’est pas lié par ses conclusions.
Nous persistons !
Heidi FORTUNÉ
Magistrat, Juge d’Instruction
Cap-Haïtien, Haïti
Ce 04 novembre 2007
Le procès civil se révèle de nos jours très embarrassant. Tout d’abord, par les frais et dépens exorbitants, les délais interminables, les procédures décourageantes, les échanges d’écritures chicanières qui accompagnent l’action judiciaire, mais aussi par les interventions inutiles du Ministère Public qui font perdurer les débats. Avec de telles préoccupations, le justiciable ne risque pas d’oublier la réalité qu’il côtoie quotidiennement sous ses aspects les plus tristes.
Le procès civil apparait donc comme un luxe destiné à ceux qui ont des moyens et de la patience. Son domaine s’amenuise et suscite l’inquiétude.
« Le droit civil est trop vaste et trop complexe pour laisser le soin au seul magistrat de siège de dire le mot du droit ». C’est l’argument évoqué pour justifier la présence accomodante du Ministère Public au procès civil. Son principal rôle consiste à veiller à la stricte application de la loi et à maintenir l’équilibre entre les parties. Il est partie jointe, dit-on.
Avant même d’entrer dans le vif du sujet, il faudrait se rappeler de cette vérité d’évidence. Le Ministère Public, représentant de la société, ne peut prétendre à la neutralité, les protagonistes au procès étant des éléments du tissu social ; d’autant qu’il doit prendre position et ne peut se référer à la sagesse du tribunal.
La résolution du procès civil s’inspire uniquement et directement de la décision consacrée par le juge d’instance. Son rôle est d’appliquer la loi et de rendre justice à qui elle est due. La vérité judiciaire ne s’invente pas, elle se constate. La décision finale, c’est la formulation des principes auxquels correspondent la cause pendante par-devant le tribunal, et pour laquelle deux parties ne sont pas parvenues à s’entendre.
Le législateur était convaincu de la nécessité de rendre le procès civil plus simple et plus cohérent avec la présence du Ministère Public au prétoire, cependant, la réalité est tout autrement.
On doit être d’accord que le représentant du Ministère Public, organe de la loi, n’est pas indispensable au procès civil comme on le pense. Ses interventions et ses réquisitoires ne sont vraiment pas nécessaires dans la mesure où le juge de céans a la latitude et la capacité, selon le cas, de trancher ou de joindre au fond toutes les exceptions soulevées au cours de l’audience.
De plus, les membres du parquet se plaignent toujours de surcharge de dossiers et d’un trop plein d’attributions, il est grand temps que l’on commence par leur retirer certaines tâches marginales pour lesquelles ils ne sont pas utiles.
On peut toujours plaider que le Ministère Public contribue à la découverte d’une certaine cohérence pour arriver à une certaine forme de justice. Notre position est claire et arrêtée : quelle que soit la valeur des arguments qu’on va évoquer, la place du Ministère Public n’est d’aucune utilité au procès civil étant donné que la mission qui lui est attribuée est déjà dévolue au magistrat de siège qui, d’ailleurs, n’est pas lié par ses conclusions.
Nous persistons !
Heidi FORTUNÉ
Magistrat, Juge d’Instruction
Cap-Haïtien, Haïti
Ce 04 novembre 2007
dimanche 28 octobre 2007
DE L’INAMOVIBILITÉ DES MAGISTRATS
DE L’INAMOVIBILITÉ DES MAGISTRATS
L’étude qui va suivre vise à fournir aux juristes avertis, aux journalistes spécialisés dans l’actualité judiciaire et aux citoyens les plus avisés matière à méditer sur le concept « inamovibilité des magistrats ».
Pour plus de commodité, nous soumettons d’emblée à l’attention de tous l’article 177 de la constitution qui stipule :
‘’Les juges de la Cour de Cassation, ceux des Cours d’Appel et des Tribunaux de Première Instance sont inamovibles. Ils ne peuvent être destitués que pour forfaiture légalement prononcée ou suspendus qu’à la suite d’une inculpation. Ils ne peuvent être l’objet d’affectation nouvelle, sans leur consentement, même en cas de promotion. Il ne peut être mis fin à leur service durant leur mandat qu’en cas d’incapacité physique ou mentale permanente dument constatée.’’ (Souligné par nous).
En vertu de l’inamovibilité, le juge, fut-il nommé ou élu, ne peut être ni révoqué, ni suspendu, ni même mis à la retraite prématurément, ni déplacé arbitrairement en dehors des cas et sans observation des formes et conditions prévues par la loi.
Y avait-il vraiment une difficulté d’interprétation ou tout simplement une volonté manifeste de ne faire qu’à notre tête ?
Les géniteurs de la constitution de 1987 ont fait une lecture erronée d’un principe de droit universellement accepté et reconnu. Les juges sont inamovibles, pourtant ils ne sont pas nommés à vie, mais sur la base d’un mandat. Flagrante contradiction !
L’inamovibilité suppose une durée indéterminée. Ce principe s’oppose, en outre, à ce qu’un juge soit révoqué ou destitué mais aussi à ce qu’il soit déplacé d’une juridiction à une autre ou promu sans son consentement. Mais nos respectables et valeureux constituants se sont perdus dans l’euphorie de la ‘’bamboche démocratique’’ en octroyant aux magistrats, à l’exception des juges de paix et des parquetiers, une durée de service.
En instituant le système des mandats pour les magistrats, la constitution abolit tout bonnement leur carrière. Et c’est là un paradoxe !
L’inamovibilité se perd dans le temps et n’est pas mesurable en terme de durée. Si nous restons dans l’étymologie du concept, les juges devraient conserver leur fonction toute leur vie. Cependant, l’épuration politique à chaque changement de régime reste pour eux une menace perpétuelle et un cauchemar.
Le mot ‘’inamovible’’ signifie : ancré, indestructible, indéfectible, inébranlable, immuable, immobile, assuré, stable, solide, indéboulonnable, intouchable, éternel (Le Nouveau Petit Robert, page 1143). Il est traduit en anglais « for life » (Media Dico : dictionnaire). Et dans toutes les autres langues, il a la même signification.
Quand on est magistrat, on l’est pour la vie, sous réserve d’être destitué ou révoqué pour forfaiture et autres manquements graves et incapacités physiques ou mentales permanentes. Cette définition est complétée par l’impossibilité de les nommer ou les muter sans leur consentement.
Nous avons la désagréable impression que les membres de l’assemblée constituante, composée à l’époque de quelques grosses pointures de la judicature et des éléments de la société civile dans sa grande majorité, n’avaient pas bien débattu la question. Elle a été mal cernée, mal dosée, mal traitée, mal interprêtée.
La constitution haitienne de 1987 est peut-être un chef-d’oeuvre du point de vue de l’esprit ; somme toute, elle est trop ambiguë. Non seulement elle est truffée de failles mais on y rencontre également des contradictions à chaque passage. C’est pourquoi, bon nombre de juristes, d’intellectuels et de personnalités politiques réclament sa révision ou l’amendement de certains articles.
A force d’y vouloir mettre des gardes-fou, on a accouché des hérésies et des frasques non sans conséquences sur la vie et la survie nationale. Les parapets qui y sont érigés n’ont servi, en fait, qu’à nous diviser et à nous dresser les uns contre les autres.
De manière générale, la république d’Haiti, à travers sa charte fondamentale, montre son attachement à ce qui est précaire, petit, mesquin et médiocre. Le débat est d’ores et déjà lancé mais pour notre part, nous pensons très sincèrement que la nomination des Juges pour une durée déterminée est une source d’instabilité qui peut déboucher sur des actes de corruption. Leur inamovibilité, au sens strict, serait essentiellement une garantie d’une bonne administration de la justice. Elle permettrait aux justiciables de pouvoir compter sur des juges qui ne sacrifient point la justice, ni la vérité à des considérations particulières.
Heidi FORTUNÉ
Magistrat, Juge d’Instruction
Cap-Haïtien, Haïti
Ce 28 octobre 2007
L’étude qui va suivre vise à fournir aux juristes avertis, aux journalistes spécialisés dans l’actualité judiciaire et aux citoyens les plus avisés matière à méditer sur le concept « inamovibilité des magistrats ».
Pour plus de commodité, nous soumettons d’emblée à l’attention de tous l’article 177 de la constitution qui stipule :
‘’Les juges de la Cour de Cassation, ceux des Cours d’Appel et des Tribunaux de Première Instance sont inamovibles. Ils ne peuvent être destitués que pour forfaiture légalement prononcée ou suspendus qu’à la suite d’une inculpation. Ils ne peuvent être l’objet d’affectation nouvelle, sans leur consentement, même en cas de promotion. Il ne peut être mis fin à leur service durant leur mandat qu’en cas d’incapacité physique ou mentale permanente dument constatée.’’ (Souligné par nous).
En vertu de l’inamovibilité, le juge, fut-il nommé ou élu, ne peut être ni révoqué, ni suspendu, ni même mis à la retraite prématurément, ni déplacé arbitrairement en dehors des cas et sans observation des formes et conditions prévues par la loi.
Y avait-il vraiment une difficulté d’interprétation ou tout simplement une volonté manifeste de ne faire qu’à notre tête ?
Les géniteurs de la constitution de 1987 ont fait une lecture erronée d’un principe de droit universellement accepté et reconnu. Les juges sont inamovibles, pourtant ils ne sont pas nommés à vie, mais sur la base d’un mandat. Flagrante contradiction !
L’inamovibilité suppose une durée indéterminée. Ce principe s’oppose, en outre, à ce qu’un juge soit révoqué ou destitué mais aussi à ce qu’il soit déplacé d’une juridiction à une autre ou promu sans son consentement. Mais nos respectables et valeureux constituants se sont perdus dans l’euphorie de la ‘’bamboche démocratique’’ en octroyant aux magistrats, à l’exception des juges de paix et des parquetiers, une durée de service.
En instituant le système des mandats pour les magistrats, la constitution abolit tout bonnement leur carrière. Et c’est là un paradoxe !
L’inamovibilité se perd dans le temps et n’est pas mesurable en terme de durée. Si nous restons dans l’étymologie du concept, les juges devraient conserver leur fonction toute leur vie. Cependant, l’épuration politique à chaque changement de régime reste pour eux une menace perpétuelle et un cauchemar.
Le mot ‘’inamovible’’ signifie : ancré, indestructible, indéfectible, inébranlable, immuable, immobile, assuré, stable, solide, indéboulonnable, intouchable, éternel (Le Nouveau Petit Robert, page 1143). Il est traduit en anglais « for life » (Media Dico : dictionnaire). Et dans toutes les autres langues, il a la même signification.
Quand on est magistrat, on l’est pour la vie, sous réserve d’être destitué ou révoqué pour forfaiture et autres manquements graves et incapacités physiques ou mentales permanentes. Cette définition est complétée par l’impossibilité de les nommer ou les muter sans leur consentement.
Nous avons la désagréable impression que les membres de l’assemblée constituante, composée à l’époque de quelques grosses pointures de la judicature et des éléments de la société civile dans sa grande majorité, n’avaient pas bien débattu la question. Elle a été mal cernée, mal dosée, mal traitée, mal interprêtée.
La constitution haitienne de 1987 est peut-être un chef-d’oeuvre du point de vue de l’esprit ; somme toute, elle est trop ambiguë. Non seulement elle est truffée de failles mais on y rencontre également des contradictions à chaque passage. C’est pourquoi, bon nombre de juristes, d’intellectuels et de personnalités politiques réclament sa révision ou l’amendement de certains articles.
A force d’y vouloir mettre des gardes-fou, on a accouché des hérésies et des frasques non sans conséquences sur la vie et la survie nationale. Les parapets qui y sont érigés n’ont servi, en fait, qu’à nous diviser et à nous dresser les uns contre les autres.
De manière générale, la république d’Haiti, à travers sa charte fondamentale, montre son attachement à ce qui est précaire, petit, mesquin et médiocre. Le débat est d’ores et déjà lancé mais pour notre part, nous pensons très sincèrement que la nomination des Juges pour une durée déterminée est une source d’instabilité qui peut déboucher sur des actes de corruption. Leur inamovibilité, au sens strict, serait essentiellement une garantie d’une bonne administration de la justice. Elle permettrait aux justiciables de pouvoir compter sur des juges qui ne sacrifient point la justice, ni la vérité à des considérations particulières.
Heidi FORTUNÉ
Magistrat, Juge d’Instruction
Cap-Haïtien, Haïti
Ce 28 octobre 2007
samedi 20 octobre 2007
UNE PROFESSION EN PERTE DE CRÉDIBILITÉ
UNE PROFESSION EN PERTE DE CRÉDIBILITÉ
La justice c’est comme l’hôpital, personne ne s’y rend sans être malade. Quand on y recourt, c’est parce qu’on a un problème qu’on veut régler. Mais, à la différence de l’hôpital, souventes fois on a besoin de la science d’un homme de l’art maîtrisant les techniques de la procédure et pouvant traduire parfaitement le jargon juridique.
L’on a coutume de dire que « l’avocat est le défenseur de la veuve et de l’orphelin ». Mais cette affirmation est battue en brèche par le comportement peu honorable de certains membres du corps qui spolient leurs clients, croyant qu’ils ont le droit de tout faire et ne seront jamais sanctionnés.
Le Conseil de discipline, cet organe du barreau chargé de gérer et de discipliner le membres de l’Ordre, manque de fermeté ou tout simplement, n’existe pas. C’est son laxisme même qui permet à certains avocats de faire ce qu’ils sont en train de faire, surtout, s’ils sont convaincus qu’ils ne courent aucun risque sur le plan disciplinaire. Devant certaines indélicatesses, l’opinion publique retire sa confiance et n’accorde plus de crédit à ceux qui embrassent cette profession.
Si les avocats veulent redorer leur blason, ils doivent cesser de corrompre les magistrats car ce faisant, ils détruisent l’institution la plus importante de l’État-nation.
Combien de juges ont reçu des pots-de-vin de ces respectables chers maîtres et qui sont aujourd’hui renvoyés de la magistrature ? Combiens d’honnêtes citoyens se sont faits plumer par ces messieurs ? Les prisons regorgent de démunis, combien parmi eux ont reçu la visite, même providentielle, de ces disciples de Saint-Yves ?
De nos jours, il y a peu de bons avocats. Ils ne sont pas nombreux mais il en existe quelques-uns, des personnalités d’une intégrité à toute épreuve et d’une érudition considérable. Nous les félicitons et ils méritent notre respect.
Par honnêteté, on doit toujours dire ce qui est vrai. De même, l’avocat doit toujours dire la vérité...à son client. Rares sont ceux qui respectent ce principe moral. Ils se font passer pour des prestidigitateurs qui, par un simple tour de passe-passe, croient pouvoir gagner un procès ou obtenir quelque chose de la justice.
La vérité est dans les livres. Le droit est une science, on n’est pas grand avocat par son nom de famille. Le fait d’avoir un solide compte en banque, de posséder une jolie maison et de rouler une voiture de luxe ne fait pas de soi un bon avocat. ‘’L’habit ne fait pas le moine’’.
Et contrairement au Pic de la Mirandole, le savoir juridique de certains est exécrable. Ceci est la conséquence directe de la dérive de l’enseignement supérieure en Haïti.
Le bon avocat est celui qui connait ses limites, qui respecte ses consoeurs et confrères, qui est sincère avec son client et qui ne corrompt pas les magistrats, les greffiers et les huissiers. Le bon avocat s’abstient à toute action malhonnête pouvant jeter l’opprobre sur son patronyme. Le bon avocat est celui qui se respecte, qui ne se livre pas à la concurrence déloyale et ne porte pas de coups bas à un collègue. Le bon avocat n’impute pas la responsabilité de sa défaite ou de son échec à un juge ou un ministère public. Le bon avocat est celui qui accepte de perdre tout en reconnaissant que le bon droit n’était pas de son côté ou, à contrario, exerce des recours en cas d’insatisfaction. Le bon avocat, enfin, est celui qui obtient gain de cause sans passer par des chemins détournés et qui a confiance dans la justice de son pays.
Quelle vanité peut-on tirer quand on exploite la misère ou les problèmes socio-économiques d’un juge pour le porter à rendre une décision ou à prendre position en sa faveur ? Ce faisant, on n’est pas seulement un corrupteur, on est une pourriture. Il n’y a là aucune vertu...aucune grandeur.
On ne peut, sous le motif fallacieux d’être avocat, profiter des honnêtes gens ou du malheur des autres pour faire sa fortune en les dépossedant de leur argent ou de leurs biens. C’est de l’argent mal acquis, au même titre que les avoirs provenant du trafic de la drogue ou autres infractions graves.
Sous prétexte d’exercer une profession libérale, tous les moyens sont bons pour réussir, « tous les coups sont permis ». Imaginez qu’un beau jour, un de ces jurisconsultes sans scrupules, par accointances politiques, combines ou autres magouilles, rentre dans la magistrature...nous laissons le soin à chacun de deviner la suite.
Certains laissent aller leur colère jusqu’à dire que tous les avocats sont des voleurs. Nous disons non. Ceux-là qui se comportent comme tels l’étaient bien avant d’embrasser la profession car il n’y a pas plus noble que le Droit, considéré, à juste titre, comme la véritable science éternelle.
Nous pensons que les responsables de l’Université d’État d’Haiti doivent insérer dans le programme des facultés de droit un cours d’éthique et de déontologie obligatoire dès la troisième année ; l’école du barreau étant inexistante pour n’être pas prévue par les lois républicaines.
Le philosophe francais Albert CAMUS eut à dire une chose très intéressante à propos de l’Avocature.
‘’Si tu veux être heureux un jour dans la vie : saoûle-toi. Si tu veux être heureux deux jours dans la vie : marie-toi. Si tu veux être heureux toute ta vie : sois avocat’’.
Nous ajouterions... « honnête » !
Heidi FORTUNÉ
Magistrat, Juge d’Instruction
Cap-Haïtien, Haïti
Ce 21 octobre 2007
La justice c’est comme l’hôpital, personne ne s’y rend sans être malade. Quand on y recourt, c’est parce qu’on a un problème qu’on veut régler. Mais, à la différence de l’hôpital, souventes fois on a besoin de la science d’un homme de l’art maîtrisant les techniques de la procédure et pouvant traduire parfaitement le jargon juridique.
L’on a coutume de dire que « l’avocat est le défenseur de la veuve et de l’orphelin ». Mais cette affirmation est battue en brèche par le comportement peu honorable de certains membres du corps qui spolient leurs clients, croyant qu’ils ont le droit de tout faire et ne seront jamais sanctionnés.
Le Conseil de discipline, cet organe du barreau chargé de gérer et de discipliner le membres de l’Ordre, manque de fermeté ou tout simplement, n’existe pas. C’est son laxisme même qui permet à certains avocats de faire ce qu’ils sont en train de faire, surtout, s’ils sont convaincus qu’ils ne courent aucun risque sur le plan disciplinaire. Devant certaines indélicatesses, l’opinion publique retire sa confiance et n’accorde plus de crédit à ceux qui embrassent cette profession.
Si les avocats veulent redorer leur blason, ils doivent cesser de corrompre les magistrats car ce faisant, ils détruisent l’institution la plus importante de l’État-nation.
Combien de juges ont reçu des pots-de-vin de ces respectables chers maîtres et qui sont aujourd’hui renvoyés de la magistrature ? Combiens d’honnêtes citoyens se sont faits plumer par ces messieurs ? Les prisons regorgent de démunis, combien parmi eux ont reçu la visite, même providentielle, de ces disciples de Saint-Yves ?
De nos jours, il y a peu de bons avocats. Ils ne sont pas nombreux mais il en existe quelques-uns, des personnalités d’une intégrité à toute épreuve et d’une érudition considérable. Nous les félicitons et ils méritent notre respect.
Par honnêteté, on doit toujours dire ce qui est vrai. De même, l’avocat doit toujours dire la vérité...à son client. Rares sont ceux qui respectent ce principe moral. Ils se font passer pour des prestidigitateurs qui, par un simple tour de passe-passe, croient pouvoir gagner un procès ou obtenir quelque chose de la justice.
La vérité est dans les livres. Le droit est une science, on n’est pas grand avocat par son nom de famille. Le fait d’avoir un solide compte en banque, de posséder une jolie maison et de rouler une voiture de luxe ne fait pas de soi un bon avocat. ‘’L’habit ne fait pas le moine’’.
Et contrairement au Pic de la Mirandole, le savoir juridique de certains est exécrable. Ceci est la conséquence directe de la dérive de l’enseignement supérieure en Haïti.
Le bon avocat est celui qui connait ses limites, qui respecte ses consoeurs et confrères, qui est sincère avec son client et qui ne corrompt pas les magistrats, les greffiers et les huissiers. Le bon avocat s’abstient à toute action malhonnête pouvant jeter l’opprobre sur son patronyme. Le bon avocat est celui qui se respecte, qui ne se livre pas à la concurrence déloyale et ne porte pas de coups bas à un collègue. Le bon avocat n’impute pas la responsabilité de sa défaite ou de son échec à un juge ou un ministère public. Le bon avocat est celui qui accepte de perdre tout en reconnaissant que le bon droit n’était pas de son côté ou, à contrario, exerce des recours en cas d’insatisfaction. Le bon avocat, enfin, est celui qui obtient gain de cause sans passer par des chemins détournés et qui a confiance dans la justice de son pays.
Quelle vanité peut-on tirer quand on exploite la misère ou les problèmes socio-économiques d’un juge pour le porter à rendre une décision ou à prendre position en sa faveur ? Ce faisant, on n’est pas seulement un corrupteur, on est une pourriture. Il n’y a là aucune vertu...aucune grandeur.
On ne peut, sous le motif fallacieux d’être avocat, profiter des honnêtes gens ou du malheur des autres pour faire sa fortune en les dépossedant de leur argent ou de leurs biens. C’est de l’argent mal acquis, au même titre que les avoirs provenant du trafic de la drogue ou autres infractions graves.
Sous prétexte d’exercer une profession libérale, tous les moyens sont bons pour réussir, « tous les coups sont permis ». Imaginez qu’un beau jour, un de ces jurisconsultes sans scrupules, par accointances politiques, combines ou autres magouilles, rentre dans la magistrature...nous laissons le soin à chacun de deviner la suite.
Certains laissent aller leur colère jusqu’à dire que tous les avocats sont des voleurs. Nous disons non. Ceux-là qui se comportent comme tels l’étaient bien avant d’embrasser la profession car il n’y a pas plus noble que le Droit, considéré, à juste titre, comme la véritable science éternelle.
Nous pensons que les responsables de l’Université d’État d’Haiti doivent insérer dans le programme des facultés de droit un cours d’éthique et de déontologie obligatoire dès la troisième année ; l’école du barreau étant inexistante pour n’être pas prévue par les lois républicaines.
Le philosophe francais Albert CAMUS eut à dire une chose très intéressante à propos de l’Avocature.
‘’Si tu veux être heureux un jour dans la vie : saoûle-toi. Si tu veux être heureux deux jours dans la vie : marie-toi. Si tu veux être heureux toute ta vie : sois avocat’’.
Nous ajouterions... « honnête » !
Heidi FORTUNÉ
Magistrat, Juge d’Instruction
Cap-Haïtien, Haïti
Ce 21 octobre 2007
mercredi 17 octobre 2007
LE MÉTIER DE JUGER, UNE PROFESSION NOBLE...
LE MÉTIER DE JUGER
La magistrature est un sacerdoce. On doit avoir la vocation pour pouvoir la professer. Tous ceux qui y entrent pour gagner de l’argent sont de sacrés imbéciles. Nous connaissons quelques vendus qui avaient cette motivation. Certains s’en sont sortis par la petite porte, d’autres sont devenus très riches... mais ont perdu le peu qui leur restait de personnalité.
Dans cette même rubrique, il y en a qui ont choisi de rester intègres, de mener une vie modeste, de s’adonner à la culture juridique et se vouer corps et âme à la cause des Magistrats. On n’a pas besoin d’être pourvu de conforts matériels et de possibilités somptuaires pour être un homme de bien.
Le métier de juger ! Il n’y a rien d’aussi passionnant et de plus beau au monde. C’est la raison pour laquelle, malgré les insatisfactions et les frustations, il est difficile de l’abandonner une fois qu’on y a goûté.
La plus grande vertu de la justice c’est de ne pas se laisser attendrir par l’émotion. Un juge doit inspirer le respect, l’honnêteté, la sagesse, la crainte...et, c’est là toute la richesse de la profession. Par amour du prétoire et par souci de bien faire les choses, parfois, aux prix de grands sacrifices, il finit, peu à peu, par considérer que c’est une part de sa vie et prend cette responsabilité comme une évidence...tout simplement...aussi inéluctable que le ciel, le soleil, les nuages, la nuit, la lune et les étoiles.
Il est condamné à être en tout temps, en tout lieu, en toute chose et en toute circonstance, un modèle. Pour des raisons qui vont au-delà de la pudeur, il doit éviter d’attirer sur lui la honte, le mépris et l’anathème.
Le jugement qu’il est appelé à porter sur des actes extérieurs de libre volonté d’autrui se formule ainsi : « sincère approbation et probe désapprobation ». Ou bien l’acte incriminé parait de nature à faire encourir à celui ou celle qui le commet ou l’omet une peine, un blâme ou une réparation, ou bien ledit acte revêt un caractère tel que son accomplissement ou son omission excite l’admiration.
Rendre justice à quelqu’un c’est reconnaitre ses droits et son mérite et non tout simplement prononcer, au voeu de la loi, la condamnation de son vis-à-vis.
Par notre manière de concevoir, nous pensons que le critérium d’après lequel se déterminent les qualités pour devenir un bon Magistrat réside dans la conscience individuelle de chaque aspirant ou soupirant.
Juger ses semblables, c’est un don de Dieu. Ceux-là qui sont choisis pour remplir cette fonction si noble doivent lui rendre gloire de leur avoir accordé un si grand privilège.
Juger ses semblables, c’est un travail qui demande de longues heures d’appréciation afin d’arriver au dernier mot qui mettra un terme à une contestation et d’où sortira la ‘’ vérité ’’ judiciaire.
Juger ses semblables, c’est également la générosité suprême, c’est prendre le gage d’assurer la stabilité de la société et la pérennité des valeurs...c’est le moyen par excellence de régulation sociale.
Juger ses semblables enfin, c’est la manifestation d’un pouvoir universel permettant à chaque Magistrat de dire, de tout son être, sans ambage aucune, aux gens du monde entier : hommes et femmes, petits et grands, riches et pauvres, jeunes et vieux, noirs et blancs, paysans et citadins, intellectuels et illettrés, catholiques, protestants et vodouisants, qu’ils sont tous égaux, pas seulement devant la mort mais également devant...la loi.
Heidi FORTUNÉ
Magistrat, Juge d’Instruction
Cap-Haïtien, Haïti
Ce 14 octobre 2007
La magistrature est un sacerdoce. On doit avoir la vocation pour pouvoir la professer. Tous ceux qui y entrent pour gagner de l’argent sont de sacrés imbéciles. Nous connaissons quelques vendus qui avaient cette motivation. Certains s’en sont sortis par la petite porte, d’autres sont devenus très riches... mais ont perdu le peu qui leur restait de personnalité.
Dans cette même rubrique, il y en a qui ont choisi de rester intègres, de mener une vie modeste, de s’adonner à la culture juridique et se vouer corps et âme à la cause des Magistrats. On n’a pas besoin d’être pourvu de conforts matériels et de possibilités somptuaires pour être un homme de bien.
Le métier de juger ! Il n’y a rien d’aussi passionnant et de plus beau au monde. C’est la raison pour laquelle, malgré les insatisfactions et les frustations, il est difficile de l’abandonner une fois qu’on y a goûté.
La plus grande vertu de la justice c’est de ne pas se laisser attendrir par l’émotion. Un juge doit inspirer le respect, l’honnêteté, la sagesse, la crainte...et, c’est là toute la richesse de la profession. Par amour du prétoire et par souci de bien faire les choses, parfois, aux prix de grands sacrifices, il finit, peu à peu, par considérer que c’est une part de sa vie et prend cette responsabilité comme une évidence...tout simplement...aussi inéluctable que le ciel, le soleil, les nuages, la nuit, la lune et les étoiles.
Il est condamné à être en tout temps, en tout lieu, en toute chose et en toute circonstance, un modèle. Pour des raisons qui vont au-delà de la pudeur, il doit éviter d’attirer sur lui la honte, le mépris et l’anathème.
Le jugement qu’il est appelé à porter sur des actes extérieurs de libre volonté d’autrui se formule ainsi : « sincère approbation et probe désapprobation ». Ou bien l’acte incriminé parait de nature à faire encourir à celui ou celle qui le commet ou l’omet une peine, un blâme ou une réparation, ou bien ledit acte revêt un caractère tel que son accomplissement ou son omission excite l’admiration.
Rendre justice à quelqu’un c’est reconnaitre ses droits et son mérite et non tout simplement prononcer, au voeu de la loi, la condamnation de son vis-à-vis.
Par notre manière de concevoir, nous pensons que le critérium d’après lequel se déterminent les qualités pour devenir un bon Magistrat réside dans la conscience individuelle de chaque aspirant ou soupirant.
Juger ses semblables, c’est un don de Dieu. Ceux-là qui sont choisis pour remplir cette fonction si noble doivent lui rendre gloire de leur avoir accordé un si grand privilège.
Juger ses semblables, c’est un travail qui demande de longues heures d’appréciation afin d’arriver au dernier mot qui mettra un terme à une contestation et d’où sortira la ‘’ vérité ’’ judiciaire.
Juger ses semblables, c’est également la générosité suprême, c’est prendre le gage d’assurer la stabilité de la société et la pérennité des valeurs...c’est le moyen par excellence de régulation sociale.
Juger ses semblables enfin, c’est la manifestation d’un pouvoir universel permettant à chaque Magistrat de dire, de tout son être, sans ambage aucune, aux gens du monde entier : hommes et femmes, petits et grands, riches et pauvres, jeunes et vieux, noirs et blancs, paysans et citadins, intellectuels et illettrés, catholiques, protestants et vodouisants, qu’ils sont tous égaux, pas seulement devant la mort mais également devant...la loi.
Heidi FORTUNÉ
Magistrat, Juge d’Instruction
Cap-Haïtien, Haïti
Ce 14 octobre 2007
samedi 13 octobre 2007
LA RENTRÉE JUDICIAIRE 2007-2008
LA RENTRÉE JUDICIAIRE 2007-2008
La justice haitienne a repris du service ce premier lundi d’octobre pour l’année judiciaire 2007-2008. Une reprise qui marque en même temps la réouverture officielle de tous les tribunaux de la république.
Le moment solennel qu’est la rentrée judiciaire nous permet de prendre un temps d’arrêt pour faire le point sur nos déceptions, nos espoirs et nos souhaits.
Nous considérons que l’heure n’est plus aux interrogations mais à l’action. Donc, la réforme apparait comme étant une voie à privilégier et se justifie entièrement devant la situation lamentable de la justice. Mais, qu’il soit dit entre nous, les trois nouvelles lois votées par le parlement ne vont pas changer les choses.
Nous insistons pour dire aujourd’hui plus que jamais que les réformes en profondeur dont la justice a besoin nécessitent du temps et de la sérénité. Ce qu’il faut présentement, c’est renforcer l’indépendance et la force des juges.
Nous ne pouvons pas aborder ce nouvel exercice sans mentionner la nécessité pour les magistrats de s’adapter aux nouvelles réalités tout en préservant les valeurs fondamentales de la profession, disons-le, en pleine mutation. Nous pensons, entre autres, à la mondialisation, à l’évolution du droit, à la mobilité des avocats, à la concurrence accrue, phénomènes inévitables auxquels nous devons faire face en faisant preuve d’originalité et de créativité.
A ce sujet, l’État doit nous permettre de moderniser les véhicules de la pratique professionnelle. Sans une telle modernisation, il nous sera quasi impossible de relever les nombreux défis que nous devons affronter tous ensemble, plus unis que jamais et cela toujours dans la poursuite de l’excellence.
Nous avons constaté que la justice n’est pas la même pour tout le monde. Elle va au ralenti ou à plusieurs vitesses, selon les critères sociaux ou économiques, alors que selon les prescrits républicains, le riche et le pauvre sont égaux devant la loi. Il y a une tendance discriminatoire dans la distribution de la justice. « Aux grands corrompus, miséricorde ! Aux petits corrompus, misère et corde » !
Nous dénoncons, avec force, les inégalités de traitement relevées au niveau de l’institution judiciaire, parfois au sein d’une même juridiction en raison d’accointances politiques. Par exemple, la différence de moyens et de traitement se manifeste entre les membres du parquet soumis au gouvernement et les juges d’instruction sur qui aucun pouvoir n’a d’autorité.
Autre remarque : les promotions sont accordées sur des critères politiques ou de docilité et non de compétence.
Des juges de paix, sont en poste depuis quinze ans et ne sont jamais l’objet d’affectation nouvelle ni de promotion pendant que des individus qui ont à peine leur licence en droit sont nommés directement en première instance, au mépris des considérations liées à la carrière professionnelle.
Nous ne terminerons pas sans aborder le problème de la corruption. Pour enrayer ce fléau au niveau de la justice, il faut un grand ménage dans la magistrature, la police, les greffes, le notariat, chez les huissiers, les officiers d’Etat civil et les arpenteurs...
La loi est une pour tous, c’est la condition « sine qua non » de la liberté. Elle doit être obéie non pas par peur de sanction, mais par devoir.
Espérons que nos inquiétudes et nos recommandations auront retenu l’attention des autorités concernées.
Excellente année judiciaire à tous !
Heidi FORTUNÉ
Magistrat, juge d’Instruction
Cap-Haïtien, Haïti
Ce 07 octobre 2007 http://heidifortune.blogspot.com
La justice haitienne a repris du service ce premier lundi d’octobre pour l’année judiciaire 2007-2008. Une reprise qui marque en même temps la réouverture officielle de tous les tribunaux de la république.
Le moment solennel qu’est la rentrée judiciaire nous permet de prendre un temps d’arrêt pour faire le point sur nos déceptions, nos espoirs et nos souhaits.
Nous considérons que l’heure n’est plus aux interrogations mais à l’action. Donc, la réforme apparait comme étant une voie à privilégier et se justifie entièrement devant la situation lamentable de la justice. Mais, qu’il soit dit entre nous, les trois nouvelles lois votées par le parlement ne vont pas changer les choses.
Nous insistons pour dire aujourd’hui plus que jamais que les réformes en profondeur dont la justice a besoin nécessitent du temps et de la sérénité. Ce qu’il faut présentement, c’est renforcer l’indépendance et la force des juges.
Nous ne pouvons pas aborder ce nouvel exercice sans mentionner la nécessité pour les magistrats de s’adapter aux nouvelles réalités tout en préservant les valeurs fondamentales de la profession, disons-le, en pleine mutation. Nous pensons, entre autres, à la mondialisation, à l’évolution du droit, à la mobilité des avocats, à la concurrence accrue, phénomènes inévitables auxquels nous devons faire face en faisant preuve d’originalité et de créativité.
A ce sujet, l’État doit nous permettre de moderniser les véhicules de la pratique professionnelle. Sans une telle modernisation, il nous sera quasi impossible de relever les nombreux défis que nous devons affronter tous ensemble, plus unis que jamais et cela toujours dans la poursuite de l’excellence.
Nous avons constaté que la justice n’est pas la même pour tout le monde. Elle va au ralenti ou à plusieurs vitesses, selon les critères sociaux ou économiques, alors que selon les prescrits républicains, le riche et le pauvre sont égaux devant la loi. Il y a une tendance discriminatoire dans la distribution de la justice. « Aux grands corrompus, miséricorde ! Aux petits corrompus, misère et corde » !
Nous dénoncons, avec force, les inégalités de traitement relevées au niveau de l’institution judiciaire, parfois au sein d’une même juridiction en raison d’accointances politiques. Par exemple, la différence de moyens et de traitement se manifeste entre les membres du parquet soumis au gouvernement et les juges d’instruction sur qui aucun pouvoir n’a d’autorité.
Autre remarque : les promotions sont accordées sur des critères politiques ou de docilité et non de compétence.
Des juges de paix, sont en poste depuis quinze ans et ne sont jamais l’objet d’affectation nouvelle ni de promotion pendant que des individus qui ont à peine leur licence en droit sont nommés directement en première instance, au mépris des considérations liées à la carrière professionnelle.
Nous ne terminerons pas sans aborder le problème de la corruption. Pour enrayer ce fléau au niveau de la justice, il faut un grand ménage dans la magistrature, la police, les greffes, le notariat, chez les huissiers, les officiers d’Etat civil et les arpenteurs...
La loi est une pour tous, c’est la condition « sine qua non » de la liberté. Elle doit être obéie non pas par peur de sanction, mais par devoir.
Espérons que nos inquiétudes et nos recommandations auront retenu l’attention des autorités concernées.
Excellente année judiciaire à tous !
Heidi FORTUNÉ
Magistrat, juge d’Instruction
Cap-Haïtien, Haïti
Ce 07 octobre 2007 http://heidifortune.blogspot.com
UCREF, MAGISTRATURE ET CORRUPTION
UCREF, MAGISTRATURE ET CORRUPTION
Le code d’instruction criminelle haïtien traite essentiellement des pouvoirs des divers acteurs de la chaîne pénale, et de la procédure devant les tribunaux pour sanctionner les infractions et indemniser les victimes.
L’attribution d’une prime forfaitaire par l’Unité Centrale de Renseignements Financiers (UCREF) à certains magistrats de Port-au-Prince ne repose sur aucune justification ni aucune disposition légale. Une telle situation constitue évidemment une forme de corruption de nature à autoriser des pressions directes de cette institution sur l’activité juridictionnelle de ces magistrats. En outre, elle expose les agents concernés à un traitement inégalitaire par rapport aux autres magistrats de la république, particulièrement ceux de la province.
Avec ce nouveau scandale, la justice vient de perdre sa sacralité et le peu qui lui restait de sa crédibilité. Il y a quelque chose de très déroutant dans cette affaire. Cette triste illustration marque, en effet, une dérive sans précédent dans l’organisation judiciaire en Haïti. L’émotion est trop grande. Le pire : des magistrats que l’on croyait au-dessus de tout soupçon y sont mêlés.
Ah ! « L’argent brise les pierres ».
D’après une feuille de paie rendue publique et qui concerne le mois de juillet 2007, il s’agit de primes accordées dans le cadre d’un Projet de Constitution d’une Chaîne Pénale et d’Aide ponctuelle au renforcement de certaines institutions luttant contre la drogue, le blanchiment et la corruption. Il importe de se questionner sur la légalité de la constitution de cette cellule dorée.
Parlant de chaîne pénale, que viennent chercher des chauffeurs, des secrétaires, des greffiers et des huissiers dans tout cela ? L’on se doit aussi de se demander : d’où proviennent les fonds utilisés par l’UCREF pour primer ces privilégiés ? Est-ce du trésor public ou s’agit-il tout simplement de fonds séquestrés dans le cadre de ses activités ?
On dira ce qu’on voudra mais ce mode de procéder de l’UCREF est mené de façon cavalière, sans aucune concertation ; ce qui dénote une sorte de clientélisme, de copinage et de favoritisme...des termes intimement liés à la corruption. En plus, cette approche est susceptible de porter atteinte à l’indépendance des juges.
En France par exemple, il existe des « primes au mérite » pour les magistrats mais elles se donnent en vertu d’un décret relatif au régime indemnitaire des magistrats de l’ordre judiciaire, en fonction de la contribution du magistrat au bon fonctionnement de la justice. Ces sommes accordées à titre d’encouragement s’octroient annuellement et se comptabilisent en pourcentages clairement définis. Pour cela, toute une gamme de mesures de contrôle et d’inspection est mise en place pour éviter toute discrimination ou magouille.
Tel n’est pas le cas ici, eu égard aux montants perçus mensuellement par les magistrats impliqués dans cette sale combine. Notre système judiciaire est malade à tout point de vue, et nous estimons que sa mise à plat est nécessaire. Même quand cela va choquer, nous pensons également qu’il faut questionner l’intégrité de ces magistrats dont nous déplorons la conduite.
Nous désavouons publiquement cette pratique de l’UCREF qui met en péril, non seulement, l’indépendance de la magistrature mais également l’avenir du pays tout entier. Si, en tant qu’institution légalement prévue par la loi, sa mission consiste à enquêter sur des cas de malversation, de gabegie administrative et de blanchiment d’argent provenant du trafic illicite de la drogue et autres infractions graves, en étroite collaboration avec la justice, cela ne sous-entend nullement qu’elle peut soudoyer voire corrompre les divers acteurs de la chaîne pénale qui lui apportent leur concours. Ce faisant, elle outrepasse ses limites, brise sa sphère de compétence, va au-delà de son champ d’action et viole la loi. Les auteurs et complices de cette infamie devront tirer les conséquences qui en découlent.
Un État de Droit, une vraie Démocratie
doit répondre par l’action publique
des crimes de Magistrats.
Heidi FORTUNÉ
Magistrat, Juge d’Instruction
Cap-Haïtien, Haïti
Ce 30 septembre 2007
Le code d’instruction criminelle haïtien traite essentiellement des pouvoirs des divers acteurs de la chaîne pénale, et de la procédure devant les tribunaux pour sanctionner les infractions et indemniser les victimes.
L’attribution d’une prime forfaitaire par l’Unité Centrale de Renseignements Financiers (UCREF) à certains magistrats de Port-au-Prince ne repose sur aucune justification ni aucune disposition légale. Une telle situation constitue évidemment une forme de corruption de nature à autoriser des pressions directes de cette institution sur l’activité juridictionnelle de ces magistrats. En outre, elle expose les agents concernés à un traitement inégalitaire par rapport aux autres magistrats de la république, particulièrement ceux de la province.
Avec ce nouveau scandale, la justice vient de perdre sa sacralité et le peu qui lui restait de sa crédibilité. Il y a quelque chose de très déroutant dans cette affaire. Cette triste illustration marque, en effet, une dérive sans précédent dans l’organisation judiciaire en Haïti. L’émotion est trop grande. Le pire : des magistrats que l’on croyait au-dessus de tout soupçon y sont mêlés.
Ah ! « L’argent brise les pierres ».
D’après une feuille de paie rendue publique et qui concerne le mois de juillet 2007, il s’agit de primes accordées dans le cadre d’un Projet de Constitution d’une Chaîne Pénale et d’Aide ponctuelle au renforcement de certaines institutions luttant contre la drogue, le blanchiment et la corruption. Il importe de se questionner sur la légalité de la constitution de cette cellule dorée.
Parlant de chaîne pénale, que viennent chercher des chauffeurs, des secrétaires, des greffiers et des huissiers dans tout cela ? L’on se doit aussi de se demander : d’où proviennent les fonds utilisés par l’UCREF pour primer ces privilégiés ? Est-ce du trésor public ou s’agit-il tout simplement de fonds séquestrés dans le cadre de ses activités ?
On dira ce qu’on voudra mais ce mode de procéder de l’UCREF est mené de façon cavalière, sans aucune concertation ; ce qui dénote une sorte de clientélisme, de copinage et de favoritisme...des termes intimement liés à la corruption. En plus, cette approche est susceptible de porter atteinte à l’indépendance des juges.
En France par exemple, il existe des « primes au mérite » pour les magistrats mais elles se donnent en vertu d’un décret relatif au régime indemnitaire des magistrats de l’ordre judiciaire, en fonction de la contribution du magistrat au bon fonctionnement de la justice. Ces sommes accordées à titre d’encouragement s’octroient annuellement et se comptabilisent en pourcentages clairement définis. Pour cela, toute une gamme de mesures de contrôle et d’inspection est mise en place pour éviter toute discrimination ou magouille.
Tel n’est pas le cas ici, eu égard aux montants perçus mensuellement par les magistrats impliqués dans cette sale combine. Notre système judiciaire est malade à tout point de vue, et nous estimons que sa mise à plat est nécessaire. Même quand cela va choquer, nous pensons également qu’il faut questionner l’intégrité de ces magistrats dont nous déplorons la conduite.
Nous désavouons publiquement cette pratique de l’UCREF qui met en péril, non seulement, l’indépendance de la magistrature mais également l’avenir du pays tout entier. Si, en tant qu’institution légalement prévue par la loi, sa mission consiste à enquêter sur des cas de malversation, de gabegie administrative et de blanchiment d’argent provenant du trafic illicite de la drogue et autres infractions graves, en étroite collaboration avec la justice, cela ne sous-entend nullement qu’elle peut soudoyer voire corrompre les divers acteurs de la chaîne pénale qui lui apportent leur concours. Ce faisant, elle outrepasse ses limites, brise sa sphère de compétence, va au-delà de son champ d’action et viole la loi. Les auteurs et complices de cette infamie devront tirer les conséquences qui en découlent.
Un État de Droit, une vraie Démocratie
doit répondre par l’action publique
des crimes de Magistrats.
Heidi FORTUNÉ
Magistrat, Juge d’Instruction
Cap-Haïtien, Haïti
Ce 30 septembre 2007
Libellés :
UN JUGE QUI OSE DIRE LE MOT DU DROIT...
mardi 4 septembre 2007
BILAN DE L'ANNÉE JUDICIAIRE 2006-2007
L’année judiciaire qui se termine au moment où nous écrivons ces lignes n’a pas été vraiment riche en réalisations. Le bilan est plutot mitigé. Mise à part la ratification par le parlement de deux des trois projets de lois relatifs à la réforme et quelques rencontres de sensibilisation au palais national, rien de concret n’a été fait. Tout au contraire, certaines indécences politiques sont venues affaiblir davantage le système. Quelques magistrats ont fermé la porte derrière eux...et la disparition tragique du président de la cour d’appel des Gonaives, Me Hugues Saint-Pierre, dans des conditions troublantes, a été reçue comme un coup de massue au sein de la magistrature haïtienne.
Pour finir, le phénomène des prisons, au moment où la police fait de son mieux pour mettre hors d’état de nuire certains gros bandits, suscite de nombreuses inquiétudes de la part des organisations des droits humains et de la société civile.
2007 fut donc une année, à la fois, triste et tiède pour la justice. Les problèmes restent les mêmes et sont nombreux.
Nous écrivions, il y a quelques mois, que les perspectives de la réforme restaient peu attrayantes à beaucoup de point de vue et la réalite n’a malheureusement pas démenti le pessimisme dont nous faisions preuve.
Notre justice va mal non pas parce qu’elle ne dispose pas de moyens mais bien plus parce que les moyens qui lui sont dévolus sont excessivement mal pensés ou incomplets.
A l’image de bien d’autres activités d’intérêt général, la justice haitienne souffre du manque de volonté et de cohérence des décisions politiques.
Elle est bien trop souvent l’objet d’enjeu et de positionnement idéologique alors même qu’elle devait tout simplement être prise pour ce qu’elle est, à savoir, un service public régalien consacré par la constitution.
La perte de confiance du justiciable en la justice induit une crise d’identité et de légitimité d’autant plus grave qu’il s’agit de l’institution suprême, de l’ultime recours contre l’injustice.
Avec un budget ridicule, lamentable, honteux, indigne...peut-on espérer grand-chose des acteurs judiciaires ?
Les Magistrats ne sont pas confortables dans l’exercice de leur profession, et ceci, à tout point de vue. C’est pourquoi bon nombre d’entre-eux, excellents professionnels d’une rare qualité intellectuelle ont abandonné car non seulement le salaire n’est valorisant pour des journées entières d’instruction mais aussi les conditions de travail ne font pas honneur à leur statut.
Tout le monde est d’accord pour la modernisation de la justice mais cependant cela n’a pas l’air d’être une priorité politique. L’Etat préfère investir l’argent des contribuables ailleurs, ce qui nous semble complètement démentiel et irraisonné.
Il faut le dire, certains signaux illustrent la volonté de maintenir la justice parmi les priorités gouvernementales. Cependant, en notre qualité de praticien, et malgré certaines déclarations rassurantes, nous disons que la réforme judiciaire n’est pas pour demain.
Nous serons encore là à l’ouverture de la nouvelle année judiciaire 2007-2008 pour scruter le paysage juridique, observer la vie dans les cours et tribunaux, dénoncer les irrégularites et y donner le plus large écho.
Nous critiquons tous ceux qui utilisent le dysfonctionnement et la faiblesse de la justice à des fins mercantiles, qu’ils soient juges mafieux, politiciens véreux, responsables de droits humains intéressés, organisations non gouvernementales (ONG) bidons ou autres...
Nous envoyons une pensée spéciale à toutes celles et à tous ceux qui militent véritablement en faveur d’un nouveau système judiciaire. Nous pensons à la difficulté de leur tâche et au poids de leurs responsabilités.
Une autre justice est possible, il suffit tout simplement d’avoir un peu de volonté politique agrémentée d’une bonne organisation de traitement et de recruter à cette fin un personnel qualifié.
Heidi FORTUNÉ
Magistrat, Juge d’instruction
Cap-Haïtien, Haïti
Ce 12 août 2007
Pour finir, le phénomène des prisons, au moment où la police fait de son mieux pour mettre hors d’état de nuire certains gros bandits, suscite de nombreuses inquiétudes de la part des organisations des droits humains et de la société civile.
2007 fut donc une année, à la fois, triste et tiède pour la justice. Les problèmes restent les mêmes et sont nombreux.
Nous écrivions, il y a quelques mois, que les perspectives de la réforme restaient peu attrayantes à beaucoup de point de vue et la réalite n’a malheureusement pas démenti le pessimisme dont nous faisions preuve.
Notre justice va mal non pas parce qu’elle ne dispose pas de moyens mais bien plus parce que les moyens qui lui sont dévolus sont excessivement mal pensés ou incomplets.
A l’image de bien d’autres activités d’intérêt général, la justice haitienne souffre du manque de volonté et de cohérence des décisions politiques.
Elle est bien trop souvent l’objet d’enjeu et de positionnement idéologique alors même qu’elle devait tout simplement être prise pour ce qu’elle est, à savoir, un service public régalien consacré par la constitution.
La perte de confiance du justiciable en la justice induit une crise d’identité et de légitimité d’autant plus grave qu’il s’agit de l’institution suprême, de l’ultime recours contre l’injustice.
Avec un budget ridicule, lamentable, honteux, indigne...peut-on espérer grand-chose des acteurs judiciaires ?
Les Magistrats ne sont pas confortables dans l’exercice de leur profession, et ceci, à tout point de vue. C’est pourquoi bon nombre d’entre-eux, excellents professionnels d’une rare qualité intellectuelle ont abandonné car non seulement le salaire n’est valorisant pour des journées entières d’instruction mais aussi les conditions de travail ne font pas honneur à leur statut.
Tout le monde est d’accord pour la modernisation de la justice mais cependant cela n’a pas l’air d’être une priorité politique. L’Etat préfère investir l’argent des contribuables ailleurs, ce qui nous semble complètement démentiel et irraisonné.
Il faut le dire, certains signaux illustrent la volonté de maintenir la justice parmi les priorités gouvernementales. Cependant, en notre qualité de praticien, et malgré certaines déclarations rassurantes, nous disons que la réforme judiciaire n’est pas pour demain.
Nous serons encore là à l’ouverture de la nouvelle année judiciaire 2007-2008 pour scruter le paysage juridique, observer la vie dans les cours et tribunaux, dénoncer les irrégularites et y donner le plus large écho.
Nous critiquons tous ceux qui utilisent le dysfonctionnement et la faiblesse de la justice à des fins mercantiles, qu’ils soient juges mafieux, politiciens véreux, responsables de droits humains intéressés, organisations non gouvernementales (ONG) bidons ou autres...
Nous envoyons une pensée spéciale à toutes celles et à tous ceux qui militent véritablement en faveur d’un nouveau système judiciaire. Nous pensons à la difficulté de leur tâche et au poids de leurs responsabilités.
Une autre justice est possible, il suffit tout simplement d’avoir un peu de volonté politique agrémentée d’une bonne organisation de traitement et de recruter à cette fin un personnel qualifié.
Heidi FORTUNÉ
Magistrat, Juge d’instruction
Cap-Haïtien, Haïti
Ce 12 août 2007
EXTRAIT DE LA COMMUNICATION DE ME HEIDI FORTUNÉ
COLLOQUE SUR LA GOUVERNANCE ET LA CORRUPTION ORGANISÉ PAR L’ULCC DU 20 AU 23 AOÛT 2007-
EXTRAIT DE SON INTERVENTION -
Lorsqu’en décembre 2000, j’ai accédé au corps judiciaire, j’étais fier d’appartenir à la seule institution de l’État dont le nom est une vertu : la justice. Ma conception de la magistrature était simple. Elle se fondait sur la signification du mot qui évoque la grandeur, la supériorité, et sur le rôle social des juges. Pour moi, du magistrat, on devait attendre plus que des qualités. C’est donc, tout naturellement que j’espérais pouvoir m’épanouir dans la magistrature.
Mais, après plus de six années d’exercice de cette profession que j’aime tant et pour laquelle je me suis investi sans compter, je constate avec regret et amertume que l’organisation administrative dans laquelle sont enserrés les magistrats met en danger les plus vulnérables et jette la suspicion sur les plus courageux.
Cela ne correspond ni à mes idéaux de justice, ni à ma conception de la magistrature. Dans ces conditions, il ne me reste pas beaucoup d’alternatives : en fait, elles sont deux. Soit je me confonds dans la moule, soit je rentre en rebellion.
Comme je n’ai pas été éduqué dans l’acceptation de compromission, j’ai choisi de défendre le système en dénoncant ses malheurs et son dysfonctionnement avec toutes les conséquences que cela peut entrainer.
Je me bats pour la justice de mon pays comme je l’aurais fait pour n’importe quelle autre cause noble...
La corruption est devenue un principe. Soit tu rentres dans le mouvement, et tu deviens riche. Soit tu restes en marge de ce phénomène, et tu auras du mal à voir le bout du tunnel. Peu importe ce qu’on dit ou ce qu’on pense, je fais mon choix.
Quand un magistrat accepte de l’argent ou des biens de quelqu’un qui a son dossier devant lui, peu importe ce qu’ils se sont dits, moi, j’y vois la corruption. Les justifications du genre « ce sont des cadeaux, des dons » me semblent fallacieuses. Personnellement, je considère que s’il y a un seul magistrat corrompu, cela est très grave parce qu’il va brimer un citoyen en faveur d’un autre, voire quand c’est plusieurs.
Il ne faut pas se voiler la face, l’ampleur de la corruption au sein de la justice est plus que modérée, je suis bien placé pour le dire. Il faut simplement avoir le courage de sanctionner les magistrats indélicats, ceux-là qui, avec un salaire de dix mille, quinze mille ou vintg mille gourdes, une épouse qui ne travaille pas, des maîtresses et des enfants, sont capables de mener une vie de nabab. Ils doivent s’expliquer et partager leur secret, sinon ils doivent payer leur corruption.
Si l’on attend de voir des contrats de corruption avant de sanctionner, je vous jure qu’on attendra bien longtemps.
‘’La corruption qui sévit dans la société haitienne n’épargne pas le monde judiciaire, le juge n’étant pas isolé de son milieu’’. Je suis d’accord. Cependant, j’insiste sur le fait que celui qui prétend juger les autres devraient se mettre au-dessus de la mêlée.
Aujourd’hui, pour beaucoup de citoyens, la justice est aux ordres et donne raison à celui qui a de l’argent pour corrompre. Ainsi, le combat contre la corruption ne doit pas être mené isolément dans la mesure où « s’il y a des corrompus, il y a des corrupteurs ». Ce qui implique une responsabilité partagée.
Il faudra finalement que l’haitien se convainc qu’il est possible d’avoir raison en justice, sans avoir à user des pots-de-vin ou des relations.
Je m’appelle Heidi Fortuné. Je suis Magistrat, Juge d’Instruction Près le Tribunal de Première Instance du Cap-Haïtien.
Merci !
EXTRAIT DE SON INTERVENTION -
Lorsqu’en décembre 2000, j’ai accédé au corps judiciaire, j’étais fier d’appartenir à la seule institution de l’État dont le nom est une vertu : la justice. Ma conception de la magistrature était simple. Elle se fondait sur la signification du mot qui évoque la grandeur, la supériorité, et sur le rôle social des juges. Pour moi, du magistrat, on devait attendre plus que des qualités. C’est donc, tout naturellement que j’espérais pouvoir m’épanouir dans la magistrature.
Mais, après plus de six années d’exercice de cette profession que j’aime tant et pour laquelle je me suis investi sans compter, je constate avec regret et amertume que l’organisation administrative dans laquelle sont enserrés les magistrats met en danger les plus vulnérables et jette la suspicion sur les plus courageux.
Cela ne correspond ni à mes idéaux de justice, ni à ma conception de la magistrature. Dans ces conditions, il ne me reste pas beaucoup d’alternatives : en fait, elles sont deux. Soit je me confonds dans la moule, soit je rentre en rebellion.
Comme je n’ai pas été éduqué dans l’acceptation de compromission, j’ai choisi de défendre le système en dénoncant ses malheurs et son dysfonctionnement avec toutes les conséquences que cela peut entrainer.
Je me bats pour la justice de mon pays comme je l’aurais fait pour n’importe quelle autre cause noble...
La corruption est devenue un principe. Soit tu rentres dans le mouvement, et tu deviens riche. Soit tu restes en marge de ce phénomène, et tu auras du mal à voir le bout du tunnel. Peu importe ce qu’on dit ou ce qu’on pense, je fais mon choix.
Quand un magistrat accepte de l’argent ou des biens de quelqu’un qui a son dossier devant lui, peu importe ce qu’ils se sont dits, moi, j’y vois la corruption. Les justifications du genre « ce sont des cadeaux, des dons » me semblent fallacieuses. Personnellement, je considère que s’il y a un seul magistrat corrompu, cela est très grave parce qu’il va brimer un citoyen en faveur d’un autre, voire quand c’est plusieurs.
Il ne faut pas se voiler la face, l’ampleur de la corruption au sein de la justice est plus que modérée, je suis bien placé pour le dire. Il faut simplement avoir le courage de sanctionner les magistrats indélicats, ceux-là qui, avec un salaire de dix mille, quinze mille ou vintg mille gourdes, une épouse qui ne travaille pas, des maîtresses et des enfants, sont capables de mener une vie de nabab. Ils doivent s’expliquer et partager leur secret, sinon ils doivent payer leur corruption.
Si l’on attend de voir des contrats de corruption avant de sanctionner, je vous jure qu’on attendra bien longtemps.
‘’La corruption qui sévit dans la société haitienne n’épargne pas le monde judiciaire, le juge n’étant pas isolé de son milieu’’. Je suis d’accord. Cependant, j’insiste sur le fait que celui qui prétend juger les autres devraient se mettre au-dessus de la mêlée.
Aujourd’hui, pour beaucoup de citoyens, la justice est aux ordres et donne raison à celui qui a de l’argent pour corrompre. Ainsi, le combat contre la corruption ne doit pas être mené isolément dans la mesure où « s’il y a des corrompus, il y a des corrupteurs ». Ce qui implique une responsabilité partagée.
Il faudra finalement que l’haitien se convainc qu’il est possible d’avoir raison en justice, sans avoir à user des pots-de-vin ou des relations.
Je m’appelle Heidi Fortuné. Je suis Magistrat, Juge d’Instruction Près le Tribunal de Première Instance du Cap-Haïtien.
Merci !
dimanche 5 août 2007
JUSTICE, SOCIÉTÉ ET CORRUPTION
JUSTICE, SOCIÉTÉ ET CORRUPTION
On ne se demande jamais pourquoi nous sommes toujours aussi mal classés dans les rapports de ‘’TranparencyInternational’’. C’est très simple : par l’attitude irresponsable de nos dirigeants, également par le jeu des lois et des jugements de complaisance, façonné en faveur de « notables » qui vagabondent en toute liberté sur le territoire pendant qu’ils devraient être en prison pour les détournements, forfaitures et concussions qu’ils ont commis.
Si on sanctionnait les corrompus sans parti-pris, Haiti occuperait une position favorable et ne serait pas considérée comme la mauvaise graine du continent.
L’Etat est confronté à de véritables organisations mafieuses et occultes liées à des élus, des responsables politiques, des magistrats et des éléments du secteur privé... regroupés en associations de malfaiteurs.
Justice ne sera vraiment rendue si le juge est lui-même trempé dans des combines.
Il faut aussi mettre de l’ordre dans la boutique des notaires qui ne font l’objet d’aucun contrôle, et qui accumulent des malversations jamais sanctionnées.
Il y a une carence dans les enquêtes sur la corruptionet cela a un rapport de cause à effet sur l’état de déliquescence des institutions haitiennes. C’est pourquoi nous plaidons toujours pour la spécialisation des magistrats.
Il faut des juges anti-corruption dans le système judiciaire qui s’occuperaient de détournements defonds publics, de blanchiment d’argent, et autres crimes organisés... et non des commissions montées de toutes pièces, créées un bon matin et constituées par des proches du pouvoir.
Il faudrait mettre en place dans chaque département une brigade spéciale ‘’anti-corruption’’ pour nettoyer les institutions de l’Etat.
Malgré la création de l’UCREF (Unité centrale de renseignements financiers) et de l’ULCC (unité delutte contre la corruption), les réseaux continuent leurs extorsions tranquillement, sans être inquiétés.
Le laxisme des autorités et le dysfonctionnement de la justice favorisent et contribuent à la promotion de tous les débordements et malversations dans tous les domaines. C’est ainsi que des médecins peuvent fairetout et n’importe quoi en toute impunité.
On assiste à une destruction systématique de notre société. Une grande majorité de l’élite se livre à la corruption de fonctionnaires et ne respecte pas les lois, et certains les violent allègrement, à des fins d’enrichissement personnel ou du copinage.
Des jugements de complaisance sont rendus en faveur d’escrocs, voleurs et assassins. Les magistrats complices ne sont ni sanctionnés ni mis hors circuit. Il n’y a jamais de renvoi même quand les résultats des enquêtes sont accablants. Ce qui revient à dire qu’un truand a intérêt à devenir magistrat, car il ne pourra jamais être véritablement inquiété et poursuivi, ou encore les sanctions seront faibles voire symboliques pour dissuader tout autre acte de filouterie.
Voilà, entre autres, pourquoi ‘’ TransparencyInternational ’’ classe Haiti, à chaque fois, parmi les derniers dans le classement des pays les plus corrompus au monde.
Heidi FORTUNÉ
Magistrat,
Juge d’Instruction
Cap-Haïtien, Haïti
Ce 05 août 2007
On ne se demande jamais pourquoi nous sommes toujours aussi mal classés dans les rapports de ‘’TranparencyInternational’’. C’est très simple : par l’attitude irresponsable de nos dirigeants, également par le jeu des lois et des jugements de complaisance, façonné en faveur de « notables » qui vagabondent en toute liberté sur le territoire pendant qu’ils devraient être en prison pour les détournements, forfaitures et concussions qu’ils ont commis.
Si on sanctionnait les corrompus sans parti-pris, Haiti occuperait une position favorable et ne serait pas considérée comme la mauvaise graine du continent.
L’Etat est confronté à de véritables organisations mafieuses et occultes liées à des élus, des responsables politiques, des magistrats et des éléments du secteur privé... regroupés en associations de malfaiteurs.
Justice ne sera vraiment rendue si le juge est lui-même trempé dans des combines.
Il faut aussi mettre de l’ordre dans la boutique des notaires qui ne font l’objet d’aucun contrôle, et qui accumulent des malversations jamais sanctionnées.
Il y a une carence dans les enquêtes sur la corruptionet cela a un rapport de cause à effet sur l’état de déliquescence des institutions haitiennes. C’est pourquoi nous plaidons toujours pour la spécialisation des magistrats.
Il faut des juges anti-corruption dans le système judiciaire qui s’occuperaient de détournements defonds publics, de blanchiment d’argent, et autres crimes organisés... et non des commissions montées de toutes pièces, créées un bon matin et constituées par des proches du pouvoir.
Il faudrait mettre en place dans chaque département une brigade spéciale ‘’anti-corruption’’ pour nettoyer les institutions de l’Etat.
Malgré la création de l’UCREF (Unité centrale de renseignements financiers) et de l’ULCC (unité delutte contre la corruption), les réseaux continuent leurs extorsions tranquillement, sans être inquiétés.
Le laxisme des autorités et le dysfonctionnement de la justice favorisent et contribuent à la promotion de tous les débordements et malversations dans tous les domaines. C’est ainsi que des médecins peuvent fairetout et n’importe quoi en toute impunité.
On assiste à une destruction systématique de notre société. Une grande majorité de l’élite se livre à la corruption de fonctionnaires et ne respecte pas les lois, et certains les violent allègrement, à des fins d’enrichissement personnel ou du copinage.
Des jugements de complaisance sont rendus en faveur d’escrocs, voleurs et assassins. Les magistrats complices ne sont ni sanctionnés ni mis hors circuit. Il n’y a jamais de renvoi même quand les résultats des enquêtes sont accablants. Ce qui revient à dire qu’un truand a intérêt à devenir magistrat, car il ne pourra jamais être véritablement inquiété et poursuivi, ou encore les sanctions seront faibles voire symboliques pour dissuader tout autre acte de filouterie.
Voilà, entre autres, pourquoi ‘’ TransparencyInternational ’’ classe Haiti, à chaque fois, parmi les derniers dans le classement des pays les plus corrompus au monde.
Heidi FORTUNÉ
Magistrat,
Juge d’Instruction
Cap-Haïtien, Haïti
Ce 05 août 2007
Libellés :
JUSTICE,
SOCIÉTÉ ET CORRUPTION...
lundi 30 juillet 2007
JUSTICE POUR LA JUSTICE ...
Me Heidi Fortuné n'a pas cessé de dire tout haut ce que les autres pensent tout bas des conditions déplorables du pouvoir judiciaire haitien. Il demande justice pour le pouvoir judiciaire auquel il est membre à part entière. Il n'est pas un politicien, mais un juriste qui a coeur un système judiciaire efficace dépourvu de l'ingérence politique et des fonctionnaires corrompus. Le texte ci-dessous constitue un vibrant plaidoyer d'un ancien procureur (substitut du gouvernement) qui cherche à denoncer le statu quo pour faire bouger les responsables du pays. Il refuse de rester les bras croisés par devant les injustices subies du pouvoir judiciaire. Il a bien plaidé sa cause en faveur du 3e pouvoir qui est toujours considéré comme parent pauvre de l'État haïtien. Ses propos incitent à une profonde réflexion sur les conditions lamentables de l'appareil judiciaire haïtien. Pour lui, le pouvoir exécutif se doit de conserver l'équilibre entre les trois pouvoirs (Legislatif, judiciaire, exécutif) et réparer les dommages causés par sa négligence de doter le pouvoir judiciaire des moyens adéquats pour bien remplir sa mission selon les prescriptions de la Constitution de 1987. Le juriste haïtien invite ses lecteurs et lectrices à lire le texte Me Heidi Fortuné, juge d'instruction du Cap-haïtien qui n'a pas peur de dire la vérité même lorsque cela pourrait lui attirer des ennuis des gens malintentionnés du pays. JMMondésir
JUSTICE POUR LA JUSTICE
Par Me Heidi Fortuné
Il y a des vérités qui sont dites et redites mais malgré tout, il faut toujours les évoquer et les répéter avec obstination parce qu’elles touchent au manque de moyens mis à la disposition de la justice, dont la magistrature est la principale victime.
Les revendications n’ont pas changé et les urgences restent les mêmes : tout d’abord, un salaire décent et l’ensemble des problèmes matériels et techniques liés, en général, à la gestion de l’appareil judiciaire, à l’informatisation des greffes, à la spécialisation des Magistrats dans des domaines spécifiques, à la refonte des codes de lois, pour la plupart, trop désuets et enfin, à la situation des bâtiments logeant les tribunaux, les cours et les parquets dont l’état de délabrement de certains est catastrophique.
Ces exigences sont dépourvues de médiocrité et d’intérêt particulier. Elles s’adressent autant à la conscience qu’à l’intelligence des membres des deux autres pouvoirs. Ça concerne chaque citoyen...ça concerne la nation.
La justice haitienne, à l’image de l’Etat, est en retard par rapport à nos voisins dominicains. Et, il est important de penser à un plan de redressement de notre système. Il doit être conçu dans un souci d’efficacité, au-delà des pensées politiques ou médiatiques. Il reste maintenant à déterminer les moyens à dégager et les mesures à prendre. Les Magistrats doivent être partie prenante à cette démarche, ils sont incontournables.
Malheureusement, nous nageons en eaux troubles. Il y a un dialogue de sourds entre le pouvoir judiciaire et les deux autres pouvoirs. Et quand une telle situation se présente, c’est le pays et les fondements de l’état de droit qui sont menacés. Il devrait y avoir une communion, une certaine intimité entre les Magistrats, les parlementaires et le gouvernement. Pourtant, c’est l’inverse qui est vrai.
Il y a trop d’anomalies au sein de l’appareil étatique.
Les honorables juges de la cour de cassation ont reçu copie des trois projets de loi portant sur la réforme de la justice pour y donner leur point de vue pendant que ceux-ci se trouvaient déjà devant le sénat de la république pour ratification. C’est pas normal !
Il y a également trop de discriminations entre les pouvoirs.
On ne compte plus les voitures « tout terrain » qui ornent les entrées des ministères tant les parcs de stationnement sont débordés. Même le chef du gouvernement ne peut, avec certitude, donner le nombre exact de véhicules à l’actif de l’exécutif.
Les parlementaires aussi sont gâtés. Chaque membre du corps législatif reçoit une voiture de fonction après sa prestation de serment ; ceux qui n’en trouvent pas, bénéficient d’une généreuse gratification en devises américaines pour s’en procurer une.
C’est bien beau mais...et le judiciaire dans tout ça ?
La seule juridiction du Cap-Haitien compte près de soixante-dix magistrats, toutes catégories confondues, et couvre dix-neuf communes : elle n’a que deux véhicules. Ceux-ci ont été remises au chef du parquet et au doyen du tribunal de première instance.
Les juges de la cour d’appel, spécialement le président, viennent au bureau à pied, s’exposant ainsi au danger de se faire renverser par un chauffard non avisé, comme ce fut le cas pour l’autre. Et ceux qui habitent en banlieue prennent le ‘’tap-tap’’ ou recourent au ‘’taxi-moto’’ à leurs risques et périls.
Et, paradoxalement, on les appelle : Votre Honneur !
Mais, c’est quoi cette plaisanterie ?
Les magistrats instructeurs n’arrivent pas à mener les enquêtes criminelles nécessitant des transports sur les lieux et éprouvent beaucoup de difficultés à boucler à temps leurs dossiers et à respecter le délai d’information qui leur est imparti par la loi car il n’y a pas de matériels roulants à leur service. Or, le cabinet d’instruction est le noyau de la chaîne pénale, dit-on.
Les juridictions de Hinche, de Fort-Liberté et de Grande-Rivière du nord ont chacune une voiture et sont tout aussi mal loties.
Aujourd’hui, les magistrats de tous les coins et recoins d’Haïti réclament une redéfinition et une redistribution de la « res publica ».
Le chef de l’Etat n’est pas seulement le garant des institutions, il est également le garant de l’équilibre entre les pouvoirs.
Pourquoi les membres du pouvoir judiciaire ne bénéficient pas, eux aussi, de certains avantages, à l’instar des membres des deux autres pouvoirs ?
Pourquoi ils n’ont pas aussi de frais de fonctionnement et leur propre plaque d’immatriculation de véhicules avec l’inscription ‘’Corps Judiciaire’’ ?
Même le minimum n’est pris en considération.
Il faut comprendre qu’il n’y a pas de petites fonctions, il y a de petits hommes.
Dire que la justice est traitée en parent pauvre est un euphémisme. La vérité, c’est qu’elle est méprisée.
Il est indispensable de donner aux Magistrats le statut social qu’ils méritent et des appointements dignes qui correspondent à leurs responsabilités et aussi à leurs risques. Les traiter en « petits fonctionnaires » est une cause de déclenchement de frustations compréhensibles et légitimes.
Un jour ou l’autre, l’Exécutif et le Législatif devront compter avec le Judiciaire. Mais, cela ne sera possible que si tous les Magistrats se tiennent la main, collaborent loyalement et prennent consience de leur situation. Ils doivent faire l’écho des difficultés qu’ils rencontrent quotidiennement dans l’exercice de la profession jusqu’à ce que justice leur soit rendue.
Quand l’Exécutif et le Législatif rendront-ils au pouvoir Judiciaire ce qui lui revient ?
Heidi FORTUNÉ
Magistrat, Juge d’Instruction
Cap-Haïtien, Haïti
Ce 29 juillet 2007
JUSTICE POUR LA JUSTICE
Par Me Heidi Fortuné
Il y a des vérités qui sont dites et redites mais malgré tout, il faut toujours les évoquer et les répéter avec obstination parce qu’elles touchent au manque de moyens mis à la disposition de la justice, dont la magistrature est la principale victime.
Les revendications n’ont pas changé et les urgences restent les mêmes : tout d’abord, un salaire décent et l’ensemble des problèmes matériels et techniques liés, en général, à la gestion de l’appareil judiciaire, à l’informatisation des greffes, à la spécialisation des Magistrats dans des domaines spécifiques, à la refonte des codes de lois, pour la plupart, trop désuets et enfin, à la situation des bâtiments logeant les tribunaux, les cours et les parquets dont l’état de délabrement de certains est catastrophique.
Ces exigences sont dépourvues de médiocrité et d’intérêt particulier. Elles s’adressent autant à la conscience qu’à l’intelligence des membres des deux autres pouvoirs. Ça concerne chaque citoyen...ça concerne la nation.
La justice haitienne, à l’image de l’Etat, est en retard par rapport à nos voisins dominicains. Et, il est important de penser à un plan de redressement de notre système. Il doit être conçu dans un souci d’efficacité, au-delà des pensées politiques ou médiatiques. Il reste maintenant à déterminer les moyens à dégager et les mesures à prendre. Les Magistrats doivent être partie prenante à cette démarche, ils sont incontournables.
Malheureusement, nous nageons en eaux troubles. Il y a un dialogue de sourds entre le pouvoir judiciaire et les deux autres pouvoirs. Et quand une telle situation se présente, c’est le pays et les fondements de l’état de droit qui sont menacés. Il devrait y avoir une communion, une certaine intimité entre les Magistrats, les parlementaires et le gouvernement. Pourtant, c’est l’inverse qui est vrai.
Il y a trop d’anomalies au sein de l’appareil étatique.
Les honorables juges de la cour de cassation ont reçu copie des trois projets de loi portant sur la réforme de la justice pour y donner leur point de vue pendant que ceux-ci se trouvaient déjà devant le sénat de la république pour ratification. C’est pas normal !
Il y a également trop de discriminations entre les pouvoirs.
On ne compte plus les voitures « tout terrain » qui ornent les entrées des ministères tant les parcs de stationnement sont débordés. Même le chef du gouvernement ne peut, avec certitude, donner le nombre exact de véhicules à l’actif de l’exécutif.
Les parlementaires aussi sont gâtés. Chaque membre du corps législatif reçoit une voiture de fonction après sa prestation de serment ; ceux qui n’en trouvent pas, bénéficient d’une généreuse gratification en devises américaines pour s’en procurer une.
C’est bien beau mais...et le judiciaire dans tout ça ?
La seule juridiction du Cap-Haitien compte près de soixante-dix magistrats, toutes catégories confondues, et couvre dix-neuf communes : elle n’a que deux véhicules. Ceux-ci ont été remises au chef du parquet et au doyen du tribunal de première instance.
Les juges de la cour d’appel, spécialement le président, viennent au bureau à pied, s’exposant ainsi au danger de se faire renverser par un chauffard non avisé, comme ce fut le cas pour l’autre. Et ceux qui habitent en banlieue prennent le ‘’tap-tap’’ ou recourent au ‘’taxi-moto’’ à leurs risques et périls.
Et, paradoxalement, on les appelle : Votre Honneur !
Mais, c’est quoi cette plaisanterie ?
Les magistrats instructeurs n’arrivent pas à mener les enquêtes criminelles nécessitant des transports sur les lieux et éprouvent beaucoup de difficultés à boucler à temps leurs dossiers et à respecter le délai d’information qui leur est imparti par la loi car il n’y a pas de matériels roulants à leur service. Or, le cabinet d’instruction est le noyau de la chaîne pénale, dit-on.
Les juridictions de Hinche, de Fort-Liberté et de Grande-Rivière du nord ont chacune une voiture et sont tout aussi mal loties.
Aujourd’hui, les magistrats de tous les coins et recoins d’Haïti réclament une redéfinition et une redistribution de la « res publica ».
Le chef de l’Etat n’est pas seulement le garant des institutions, il est également le garant de l’équilibre entre les pouvoirs.
Pourquoi les membres du pouvoir judiciaire ne bénéficient pas, eux aussi, de certains avantages, à l’instar des membres des deux autres pouvoirs ?
Pourquoi ils n’ont pas aussi de frais de fonctionnement et leur propre plaque d’immatriculation de véhicules avec l’inscription ‘’Corps Judiciaire’’ ?
Même le minimum n’est pris en considération.
Il faut comprendre qu’il n’y a pas de petites fonctions, il y a de petits hommes.
Dire que la justice est traitée en parent pauvre est un euphémisme. La vérité, c’est qu’elle est méprisée.
Il est indispensable de donner aux Magistrats le statut social qu’ils méritent et des appointements dignes qui correspondent à leurs responsabilités et aussi à leurs risques. Les traiter en « petits fonctionnaires » est une cause de déclenchement de frustations compréhensibles et légitimes.
Un jour ou l’autre, l’Exécutif et le Législatif devront compter avec le Judiciaire. Mais, cela ne sera possible que si tous les Magistrats se tiennent la main, collaborent loyalement et prennent consience de leur situation. Ils doivent faire l’écho des difficultés qu’ils rencontrent quotidiennement dans l’exercice de la profession jusqu’à ce que justice leur soit rendue.
Quand l’Exécutif et le Législatif rendront-ils au pouvoir Judiciaire ce qui lui revient ?
Heidi FORTUNÉ
Magistrat, Juge d’Instruction
Cap-Haïtien, Haïti
Ce 29 juillet 2007
LE SYSTÈME INFORMATIQUE FACE AU SYSTÈME PÉNAL HAITIEN
LE SYSTÈME INFORMATIQUE FACE AU SYSTÈME PÉNAL HAITIEN
Par Heidi FORTUNÉ
Peut-on poursuivre une personne pénalement pour vol à l’aide de fausse clé et abus de confiance, le fait par elle d’accéder illicitement à un système informatique privé en utilisant des codes ou des mots de passe d’utilisateurs légitimes de ce système ?
En l’absence de règlementation spécifique, les diverses formes de criminalité ou de piraterie informatique ne seront vraiment pas condamnables. Tout d’abord, par les difficultés tant de détection que de preuve de ce type d’infraction, ou encore par le silence gardé par les victimes qui préfèrent ne pas ébruiter les failles de leur sécurité informatique et recouvrent bien souvent, lorsque la fuite est le fait d’un membre de leur personnel, à des modes de règlement des différends.
Dans tous les cas, les qualifications de vol à l’aide de fausse clé et d’abus de confiance sont sujettes à bon nombre de controverses dans la mesure où les données informatiques, qui sont de simples impulsions magnétiques, n’ont pas de caractère physique et ne peuvent dès lors pas faire l’objet d’une soustraction ou d’un détournement et que de plus, le propriétaire du programme n’est pas dépossédé de celui-ci, une fois la copie réalisée. Enfin, comment assimiler un mot de passe à une fausse clé ?
Certains répondent par l’affirmative en considérant au regard de l’évolution de l’informatique que l’introduction d’une donnée ou d’une impulsion électronique ou magnétique dans une serrure moderne correspond à l’utilisation d’une fausse clé. Et ils ont raison.
Somme toute, au regard du droit d’auteur consacré par la loi, nous pensons que des poursuites pénales sont possibles. Car, font partie du patrimoine du propriétaire du programme d’origine toute copie, ou plus précisément, toute duplication susceptible d’être transmise ou dupliquée à son tour. Donc, un logiciel peut faire l’objet d’une soustraction frauduleuse. Faut-il remarquer que les programmes d’ordinateurs ont une valeur économique réelle et sont susceptibles d’un transfert de possession. On entend des avocats dire que ce sont des biens immatériels, nous soutenons le contraire. Ici, la notion de soustraction doit s’interpréter de manière évolutive et ne suppose pas une dépossession du propriétaire des programmes copiés.
En conclusion : dans l’état actuel de notre système judiciaire, ce type d’infraction dépasse de loin le champ d’étude du droit haïtien.Comment demander à un magistrat de trancher sur quelque chose qui lui est inconnu ? La justice haïtienne n’est pas informatisée, 99% des juges ne sont pas versés en informatique et ne connaissent pas les notions les plus élémentaires. Le droit évolue ailleurs mais pas en Haiti. Allez parler de nouvelles technologies et des progrès de la science dans le domaine de l’informatique à un magistrat haïtien et il vous dira...
Ce 13 Mai 2007.
Heidi FORTUNÉ
Magistrat,
Juge d’Instruction
Cap-Haïtien, Haïti
*****
Par Heidi FORTUNÉ
Peut-on poursuivre une personne pénalement pour vol à l’aide de fausse clé et abus de confiance, le fait par elle d’accéder illicitement à un système informatique privé en utilisant des codes ou des mots de passe d’utilisateurs légitimes de ce système ?
En l’absence de règlementation spécifique, les diverses formes de criminalité ou de piraterie informatique ne seront vraiment pas condamnables. Tout d’abord, par les difficultés tant de détection que de preuve de ce type d’infraction, ou encore par le silence gardé par les victimes qui préfèrent ne pas ébruiter les failles de leur sécurité informatique et recouvrent bien souvent, lorsque la fuite est le fait d’un membre de leur personnel, à des modes de règlement des différends.
Dans tous les cas, les qualifications de vol à l’aide de fausse clé et d’abus de confiance sont sujettes à bon nombre de controverses dans la mesure où les données informatiques, qui sont de simples impulsions magnétiques, n’ont pas de caractère physique et ne peuvent dès lors pas faire l’objet d’une soustraction ou d’un détournement et que de plus, le propriétaire du programme n’est pas dépossédé de celui-ci, une fois la copie réalisée. Enfin, comment assimiler un mot de passe à une fausse clé ?
Certains répondent par l’affirmative en considérant au regard de l’évolution de l’informatique que l’introduction d’une donnée ou d’une impulsion électronique ou magnétique dans une serrure moderne correspond à l’utilisation d’une fausse clé. Et ils ont raison.
Somme toute, au regard du droit d’auteur consacré par la loi, nous pensons que des poursuites pénales sont possibles. Car, font partie du patrimoine du propriétaire du programme d’origine toute copie, ou plus précisément, toute duplication susceptible d’être transmise ou dupliquée à son tour. Donc, un logiciel peut faire l’objet d’une soustraction frauduleuse. Faut-il remarquer que les programmes d’ordinateurs ont une valeur économique réelle et sont susceptibles d’un transfert de possession. On entend des avocats dire que ce sont des biens immatériels, nous soutenons le contraire. Ici, la notion de soustraction doit s’interpréter de manière évolutive et ne suppose pas une dépossession du propriétaire des programmes copiés.
En conclusion : dans l’état actuel de notre système judiciaire, ce type d’infraction dépasse de loin le champ d’étude du droit haïtien.Comment demander à un magistrat de trancher sur quelque chose qui lui est inconnu ? La justice haïtienne n’est pas informatisée, 99% des juges ne sont pas versés en informatique et ne connaissent pas les notions les plus élémentaires. Le droit évolue ailleurs mais pas en Haiti. Allez parler de nouvelles technologies et des progrès de la science dans le domaine de l’informatique à un magistrat haïtien et il vous dira...
Ce 13 Mai 2007.
Heidi FORTUNÉ
Magistrat,
Juge d’Instruction
Cap-Haïtien, Haïti
*****
mercredi 25 juillet 2007
PROFIL DE Me HEIDI FORTUNÉ...
Il est des hommes qui
bâtissent leur carrière, il en est d’autres qui laissent faire les
circonstances et s’y adaptent à ce point que leur parcours, qu’elles qu’en
soient les étapes, parait n’avoir servi qu’à les préparer à occuper comme par
nécessite la fonction que le hasard, en définitive, leur a confiée.
Heidi Fortuné est de ceux-ci. Lorsqu’il fallait en décembre 2000, désigner
pour la première fois dans le système judiciaire haïtien, en tout cas, au
Cap-Haïtien, le plus jeune Magistrat du Parquet, il s’impose comme l’archétype
de la fonction si bien que nul ne songea à ce moment qu’un autre put remplir
mieux ce rôle.
L’existence d’un homme est marquée par le sceau de ce qu’il a vu, fait, entendu, senti, goûté, reçu au
début de sa carrière. A vingt ans déjà, il avait en lui de grandes
vertus : courage, ténacité, abnégation, générosité.
Fraîchement diplômé de l’École de la Magistrature, le voici, le même jour
de ses vingt-huit ans, Substitut du Commissaire du Gouvernement, hantant les
salles d’audiences du Palais de Justice du Cap-Haïtien, sa ville natale où il a
étudié le Droit et côtoyé ceux qui deviendront ses collègues et adversaires.
Capois dans l’âme et jusque dans le sang ; Homme de principes, de
convictions plutôt que de passions, il pressent déjà qu’il est moins enclin à
faire triompher une thèse, sa thèse, qu’à rechercher la pacification des
conflits dans une vérité consentie.
Aspirait-il au métier de Juge depuis son enfance ? Ce qui est
certain, aussitôt nommé, il a fait valoir son esprit de rigueur et sa
méticulosité, son dévouement au service public, sa modestie et aussi ses
qualités de loyauté et d’amitié si précieuses pour calmer les tourmentes qui
agitent un Parquet en crise perpétuelle, administré, dans la plupart des cas,
soit par un partisan zélé du pouvoir en place, soit par un homme d’affaires
sans scrupules cherchant à se refaire sur les justiciables.
Il le dit tout le temps : il a gardé et garde encore des souvenirs
émus des cinq années qu’il y a passées. Cependant, il apprendra aussi, à ses
dépens, le poids du formalisme des rapports hiérarchiques non conformes à
l’éthique, à la morale et à l’honnêteté. Il se rappelle aujourd’hui encore, non
sans dégoût, de ses déboires avec un chef du Parquet. Il a failli claquer la
porte, n’était-ce l’intervention fulgurante du ministre de la justice d’alors. Ses
plus anciens amis le savent : avant même l’Université, il avait choisi ce
qui est beau, ce qui est vrai, ce qui est juste et de bannir sans indulgence vanité,
mesquinerie, faux-semblant, hypocrisie et corruption.
En 2006 commence un nouvel épisode : on le retrouve au Tribunal de
Première Instance où il exercera les fonctions de Juge et Juge d’Instruction.
La justice contient toutes les autres vertus ; c’est pourquoi Heidi
Fortuné n’a jamais imaginé d’être autre chose que Magistrat. Rien ne laisse cet
homme au grand caractère indifférent : la douleur d’un détenu, le désarroi
du monde, le chant des oiseaux, le coucher du soleil, la beauté des choses de
la vie, l’éducation de ses deux enfants Leila Heidi et Chris Heidi...
Cet époux délicat, ce jeune père de famille attentif a connu aussi la
souffrance comme tout homme, tant dans sa vie privée que professionnelle. Il
est convaincu de la nécessite d’une réforme en profondeur dans le système
judiciaire mais ne sait quoi faire pour porter les dirigeants politiques à
réagir et à prendre conscience de l’urgence.
C’est le Magistrat Instructeur le plus compétent et le plus prolifique du
système judiciaire haïtien en termes de rendement. Son indépendance et son
intégrité se passent de commentaires. Jusqu’ici, il a fait un parcours sans
faute avec une issue prévisible... Le verrait-on terminer sa carrière à la tête
de la Cour de Cassation de la République ?
Il n’a que 41 ans. Qui vivra verra !
Avril 2014
Libellés :
PAS COMME LES AUTRES,
UN JEUNE JUGE D'INSTRUCTION
mardi 24 juillet 2007
HOMMAGE À UN GRAND MAGISTRAT
Ce texte a été conçu par Me Fortuné pour témoigner la souffrance, le vide laissé par le départ précipité du président de la Cour d'appel des Gonaïves, Me Hugues Saint- Pierre en date du 5 avril 2007, suite à un accident de voiture pendant qu'il descendait un véhicule faisant le trajet en commun. Le texte de Me Fortuné exprime non seulement la douleur de la famille, mais aussi la perte d'un grand magistrat qui a su contribuer à la formation des jeunes juristes haïtiens. En aprenant le décès de ce grand homme de la communauté juridique, le juriste haitien a adressé un message de sympathie sur son blogue à tous les gens qui le connaissaient...
HOMMAGE À UN GRAND MAGISTRAT
Par Me Heidi Fortuné
26 avril 2007
Nous sommes obligé , à contre coeur, de faire nos adieux et rendre un dernier hommage à une personne remarquable dont tout un monde pleure la disparition ;une personne que nous avons estimée, admirée, aimée.Nous devons dire la crainte que nous inspire cet hommage nécessairement superficiel et qui, pour les proches, pour les gens qui l’ont connu, ne peut jamais dire l’essentiel, ne peut restituer la vérité d’un homme quand il est de cette qualité. Nous pensons à sa famille, à ses amis, à ceux qui l’ont côtoyé, qu’il s’agisse de ses collègues ou de ses étudiants, qui tous aujourd’hui, partagent un même chagrin, en communion intense avec son souvenir.
Il était pour nous autres, avec ses 75 ans, une référence, un recours permanent. Son départ brutal nous rappelle combien était forte cette présence qui tissait en nous, autour du vide, une sécurité et un bonheur d’être.Quelle fin injuste ! Et dans quelle condition !Un Magistrat ne meurt pas dans pareille circonstance.Qui pis est, Hugues Saint-Pierre. Non... pas lui. Convoqué par le ministère de la justice sur le‘’massacre de la Scierie’’ et se fait renverser par une voiture à sa descente d’autobus. C’est plus que choquant. « La mort n’a pas de klaxon » dit le proverbe, en ce sens qu’elle peut arriver, n’importe où et n’importe quand, sans avertissement mais s’il avait une voiture et un chauffeur à sa disposition, en sa qualité de Président de la cour d’appel des Gonaives, il n’aurait pas recours au transport en commun et probablement, laProvidence lui aurait épargné cette fin de vie odieuse marquée par le sang et la souffrance physique.Malheureusement, nous devons nous résigner à l’inadmissible. Mais, un être tel que lui, laisse des traces profondes chez tous ceux qui lui ont serré la main, même une seule fois, comme ce fut notre cas. Nous repensons avec émotions à notre rencontre avec lui le 05 mars dernier, lors d’une formation sur la gestion administrative et financière, à l’hôtel Villa Saint-Louis à Bourdon, Port-au-Prince, et à l’estime qu’il a suscité parmi les participants. Puisse la mémoire de ce Magistrat, qui fut grand,puisse la mémoire de cet homme qui fut un modèle, dece patriarche de la magistrature haitienne, s’épanouir en nous, de loin en loin, en souvenir ému des moments heureux. Au nom de tous les Magistrats de la juridiction duCap-Haitien, nous lui souhaitons bon voyage.Que la terre lui soit...alors là, vraiment légère !
Heidi FORTUNÉ
Magistrat,
Juge d’Instruction
Cap-Haïtien, Haïti
26 Avril 2007
HOMMAGE À UN GRAND MAGISTRAT
Par Me Heidi Fortuné
26 avril 2007
Nous sommes obligé , à contre coeur, de faire nos adieux et rendre un dernier hommage à une personne remarquable dont tout un monde pleure la disparition ;une personne que nous avons estimée, admirée, aimée.Nous devons dire la crainte que nous inspire cet hommage nécessairement superficiel et qui, pour les proches, pour les gens qui l’ont connu, ne peut jamais dire l’essentiel, ne peut restituer la vérité d’un homme quand il est de cette qualité. Nous pensons à sa famille, à ses amis, à ceux qui l’ont côtoyé, qu’il s’agisse de ses collègues ou de ses étudiants, qui tous aujourd’hui, partagent un même chagrin, en communion intense avec son souvenir.
Il était pour nous autres, avec ses 75 ans, une référence, un recours permanent. Son départ brutal nous rappelle combien était forte cette présence qui tissait en nous, autour du vide, une sécurité et un bonheur d’être.Quelle fin injuste ! Et dans quelle condition !Un Magistrat ne meurt pas dans pareille circonstance.Qui pis est, Hugues Saint-Pierre. Non... pas lui. Convoqué par le ministère de la justice sur le‘’massacre de la Scierie’’ et se fait renverser par une voiture à sa descente d’autobus. C’est plus que choquant. « La mort n’a pas de klaxon » dit le proverbe, en ce sens qu’elle peut arriver, n’importe où et n’importe quand, sans avertissement mais s’il avait une voiture et un chauffeur à sa disposition, en sa qualité de Président de la cour d’appel des Gonaives, il n’aurait pas recours au transport en commun et probablement, laProvidence lui aurait épargné cette fin de vie odieuse marquée par le sang et la souffrance physique.Malheureusement, nous devons nous résigner à l’inadmissible. Mais, un être tel que lui, laisse des traces profondes chez tous ceux qui lui ont serré la main, même une seule fois, comme ce fut notre cas. Nous repensons avec émotions à notre rencontre avec lui le 05 mars dernier, lors d’une formation sur la gestion administrative et financière, à l’hôtel Villa Saint-Louis à Bourdon, Port-au-Prince, et à l’estime qu’il a suscité parmi les participants. Puisse la mémoire de ce Magistrat, qui fut grand,puisse la mémoire de cet homme qui fut un modèle, dece patriarche de la magistrature haitienne, s’épanouir en nous, de loin en loin, en souvenir ému des moments heureux. Au nom de tous les Magistrats de la juridiction duCap-Haitien, nous lui souhaitons bon voyage.Que la terre lui soit...alors là, vraiment légère !
Heidi FORTUNÉ
Magistrat,
Juge d’Instruction
Cap-Haïtien, Haïti
26 Avril 2007
lundi 23 juillet 2007
LA JUSTICE ET LA PRESSE : UNE RELATION “ JE T’AIME MOI NON PLUS ”
Si elles ne font pas le même chemin, elles se dirigent vers les mêmes objectifs d’équité et de transparence. La justice travaille pour régler les conflits entre les citoyens, dire le mot du droit, faire la part des choses conformément aux prescrits de la loi. C’est le moyen par excellence de régulation sociale. La presse, elle, s’adresse aussi au citoyen, donne la parole aux sans voix, communique, commente et argumente l’action du pouvoir judiciaire soit pour en relever les faiblesses, soit pour critiquer le mode de fonctionnement. Elles ont toutes deux une fonction sociale. La presse et la justice sont deux piliers de la démocratie, pourtant, elles entretiennent, depuis toujours, des rapports souvent tendus.
La source du conflit demeure, d’une part, les moyens d’information auxquels peuvent légitimement recourir les journalistes dans leur travail d’investigation, et d’autre part, le respect des limites et des contraintes, à eux imposées, par le législateur. En effet, alors que les médias invoquent la liberté d’expression, le droit à l’information et le secret des sources, la justice leur rappelle qu’ils sont aussi tenus de respecter certaines règles relatives à la vie privée, aux droits de la défense, au secret de l’enquête ou encore à la présomption d’innocence. Le constat est fait : beaucoup de journalistes traitent de domaines pour lesquelles ils ne sont pasoutillés.
Cela ne veut pas dire qu’ils ont une intention de nuire ou sont guidés par la mauvaise foi. Nous voulons dire tout simplement par-là qu’une formation générale est insuffisante pour permettre à un journaliste de rendre compte d’un domaine aussi technique que celui couvert par la justice. Dans l’accomplissement de leur mission, les journalistes doivent founir au public une information exacte, aussi complète et objective que possible et faire preuve de la plus grande circonspection tant dans la recherche de l’information que dans sa diffusion, sans porter atteinte au crédit desindividus ou déformer les faits.
Certes, la presse a le droit de porter un jugement, de critiquer, de formuler des appréciations relatives aux actes des personnes qui exercent particulièrement une fonction publique, telles les juges par exemple, mais cette liberté est néanmoins limitée, d’un côté, par l’obligation de vérité au sujet des faits et, de l’autre, par l’interdiction de tenir, à leur endroit, des propos calomnieux, injurieux, malveillants, dénigrants, infamants ou deshonorants. Dans sa mission d’information, la presse doit veiller à ne pas répandre des rumeurs qui pourraient causer un préjudice à des tiers, lorsqu’elle n’en a vérifié ni la provenance ni la conformité à la vérité.
En aucun cas, le journaliste professionnel ne doit faire un usage démesuré ou encore un abus excessif de son statut. Si la constitution haitienne garantit expressément la liberté de la presse et consacre sans équivoque le droit à la parole, cela ne veut pas dire que tout détenteur d’un micro et d’un magnéto peut en profiter pour nuire aux gens et porter atteinte à leur réputation. En ce qui concerne la justice, nous disons aux journalistes que « le fait de publier les actes d’accusation et de procédure, les commentaires tendant, avant une décision de justice, à influencer les témoins, les jurés ou les juges sont considérés comme délit de presse », infraction prévue et punie par l’article 16 de la loi du 31 juillet 1986...afin qu’ils n’en ignorent et n’en prétextent cause d’ignorance. Les informations liées à l’actualité judiciaire doivent être traitées et analysées par des spécialistes et non par n’importe quel profane.
Heidi FORTUNÉ
Magistrat,
Juge d’Instruction
Cap-Haïtien, Haïti
Ce 22 juillet 2007
La source du conflit demeure, d’une part, les moyens d’information auxquels peuvent légitimement recourir les journalistes dans leur travail d’investigation, et d’autre part, le respect des limites et des contraintes, à eux imposées, par le législateur. En effet, alors que les médias invoquent la liberté d’expression, le droit à l’information et le secret des sources, la justice leur rappelle qu’ils sont aussi tenus de respecter certaines règles relatives à la vie privée, aux droits de la défense, au secret de l’enquête ou encore à la présomption d’innocence. Le constat est fait : beaucoup de journalistes traitent de domaines pour lesquelles ils ne sont pasoutillés.
Cela ne veut pas dire qu’ils ont une intention de nuire ou sont guidés par la mauvaise foi. Nous voulons dire tout simplement par-là qu’une formation générale est insuffisante pour permettre à un journaliste de rendre compte d’un domaine aussi technique que celui couvert par la justice. Dans l’accomplissement de leur mission, les journalistes doivent founir au public une information exacte, aussi complète et objective que possible et faire preuve de la plus grande circonspection tant dans la recherche de l’information que dans sa diffusion, sans porter atteinte au crédit desindividus ou déformer les faits.
Certes, la presse a le droit de porter un jugement, de critiquer, de formuler des appréciations relatives aux actes des personnes qui exercent particulièrement une fonction publique, telles les juges par exemple, mais cette liberté est néanmoins limitée, d’un côté, par l’obligation de vérité au sujet des faits et, de l’autre, par l’interdiction de tenir, à leur endroit, des propos calomnieux, injurieux, malveillants, dénigrants, infamants ou deshonorants. Dans sa mission d’information, la presse doit veiller à ne pas répandre des rumeurs qui pourraient causer un préjudice à des tiers, lorsqu’elle n’en a vérifié ni la provenance ni la conformité à la vérité.
En aucun cas, le journaliste professionnel ne doit faire un usage démesuré ou encore un abus excessif de son statut. Si la constitution haitienne garantit expressément la liberté de la presse et consacre sans équivoque le droit à la parole, cela ne veut pas dire que tout détenteur d’un micro et d’un magnéto peut en profiter pour nuire aux gens et porter atteinte à leur réputation. En ce qui concerne la justice, nous disons aux journalistes que « le fait de publier les actes d’accusation et de procédure, les commentaires tendant, avant une décision de justice, à influencer les témoins, les jurés ou les juges sont considérés comme délit de presse », infraction prévue et punie par l’article 16 de la loi du 31 juillet 1986...afin qu’ils n’en ignorent et n’en prétextent cause d’ignorance. Les informations liées à l’actualité judiciaire doivent être traitées et analysées par des spécialistes et non par n’importe quel profane.
Heidi FORTUNÉ
Magistrat,
Juge d’Instruction
Cap-Haïtien, Haïti
Ce 22 juillet 2007
LA RÉFORME PÉNITENTIAIRE : L’AUTRE DÉFI...
Le terme ‘’régime pénitentiaire ou carcéral’’ s’entendde la condition des personnes emprisonnées ouincarcérées à la suite d’une condamnation prononcée par l’autorité judiciaire compétente pour infraction.Tout détenu doit être traité avec le respect dû à la dignité et à la valeur inhérentes à l’être humain. Les prisons doivent s’acquitter de leurs responsabilités conformément aux objectifs sociaux de l’Etat et aux responsabilités fondamentales qui lui incombent pour promouvoir le bien-être etl’épanouissement de tous les membres de la société.
Les normes internationales en matière de détention imposent un certain nombre de règles relatives à laprison. Le droit haïtien fournit les règles minima nécessaires à la protection des droits des prisonniers. Aussi, la constitution dispose-t-elle : ‘’ le régime des prisons doit répondre aux normes attachées aurespect de la dignité humaine selon la loi sur la matière’’ (art.51). Ces principes sont-ils vraiment respectés et dans quel état se trouvent nos centres de détention ?Le problème ainsi posé est important et d’actualité. La situation s’est détériorée à travers tout le pays et les causes sont variées.
Les établissements pénitentiaires sont prêts à exploser compte tenu du manque chronique de place etd’infrastructures. La population carcérale a augmenté mais ni les locaux, ni l’institution ne sont adaptés à l’évolution de la nouvelle génération de condamnés, pour la plupart, très dangereux. Le profil des détenus a changé. Il sont d’horizons divers : trafiquants de drogue, auteurs d’enlèvements, criminels expulsés des Etats-Unis et du Canada, sans oublier, les puissants chefs de gang récemment épinglés. La vétusté des bâtiments, l’absence de soins médicaux, la violence entre détenus, l’inadéquation de la nourriture et le développement des maladies sexuellement transmissibles suite à des viols et les évasions répétées doivent être soulignés. Le dysfonctionnement du système judiciaire favorise également la surpopulation carcérale. Cinquante-quatre personnes dans une cellule dépourvue de lits et d’installations sanitaires.
Une pièce de quatres mètres carrés, à peine aérée, dégageant une chaleur d’enfer et une odeur nauséabonde. Seuls quelques-uns arrivent à s’allonger pour dormir. Les autres restent debout ou recroquevillés dans un coin, attendant le lever du jour. Dans une autre cellule, les détenus se couchent par relais, certains dorment le matin, d’autres, le soir. Nous pensons que cela doit interpeller des consciences. Il ne faut pas dire la prison c’est pour les autres car on ne sait jamais... Nous risquons de voir, sous peu, notre système carcéral s’effondrer comme un château de cartes si rien n’est fait dans l’immédiat. Un plan de redressement serait naturellement souhaité même si nous doutons de la volonté réelle des responsables de l’Etat pour améliorer les choses. En Haïti, la politique de l’autruche reste une constante, et c’est très désolant. S’occuper des prisons est une urgence républicaine.
Certains évoquent la nécessité d’une loi pénitentiaire mais de même ‘’qu’on ne change pas la société par décret’’, nous sommes persuadé qu’on ne changera pas les prisons par la seule loi. Car la situation actuelle montre que la majorité des problèmes s’explique non pas en raison de l’application des règlements existants, mais par l’inapplication de ces règlements, confrontée à l’épreuve des faits. La vie dans les centres carcéraux haïtiens est une véritable monotonie, les détenus sont en commun dejour et de nuit, ce qui donne lieu à des abus regrettables : promiscuité odieuse, corruption morale et physique, constitution de véritables associations de malfaiteurs, etc.…On n’a pas besoin d’être grand clerc pour comprendre que la formation professionnelle des délinquants peut contribuer directement à leur rééducation, mais là nous sommes en train de rêver. S’il y a beaucoup à faire pour améliorer les conditions de détention, nous estimons que priorité doit être donnée au désengorgement des maisons d’arrêt, dont la situation est aujourd’hui indigne d’une démocratie. La nécessité d’effectuer un véritable audit de la situation est impérieuse mais il reste à savoir lequel de nos dirigeants sera assez courageux pour le lancer.
Heidi FORTUNÉ
Magistrat,
Juge d’instruction
Cap-Haïtien, Haïti
Ce 15 juillet 2007
Les normes internationales en matière de détention imposent un certain nombre de règles relatives à laprison. Le droit haïtien fournit les règles minima nécessaires à la protection des droits des prisonniers. Aussi, la constitution dispose-t-elle : ‘’ le régime des prisons doit répondre aux normes attachées aurespect de la dignité humaine selon la loi sur la matière’’ (art.51). Ces principes sont-ils vraiment respectés et dans quel état se trouvent nos centres de détention ?Le problème ainsi posé est important et d’actualité. La situation s’est détériorée à travers tout le pays et les causes sont variées.
Les établissements pénitentiaires sont prêts à exploser compte tenu du manque chronique de place etd’infrastructures. La population carcérale a augmenté mais ni les locaux, ni l’institution ne sont adaptés à l’évolution de la nouvelle génération de condamnés, pour la plupart, très dangereux. Le profil des détenus a changé. Il sont d’horizons divers : trafiquants de drogue, auteurs d’enlèvements, criminels expulsés des Etats-Unis et du Canada, sans oublier, les puissants chefs de gang récemment épinglés. La vétusté des bâtiments, l’absence de soins médicaux, la violence entre détenus, l’inadéquation de la nourriture et le développement des maladies sexuellement transmissibles suite à des viols et les évasions répétées doivent être soulignés. Le dysfonctionnement du système judiciaire favorise également la surpopulation carcérale. Cinquante-quatre personnes dans une cellule dépourvue de lits et d’installations sanitaires.
Une pièce de quatres mètres carrés, à peine aérée, dégageant une chaleur d’enfer et une odeur nauséabonde. Seuls quelques-uns arrivent à s’allonger pour dormir. Les autres restent debout ou recroquevillés dans un coin, attendant le lever du jour. Dans une autre cellule, les détenus se couchent par relais, certains dorment le matin, d’autres, le soir. Nous pensons que cela doit interpeller des consciences. Il ne faut pas dire la prison c’est pour les autres car on ne sait jamais... Nous risquons de voir, sous peu, notre système carcéral s’effondrer comme un château de cartes si rien n’est fait dans l’immédiat. Un plan de redressement serait naturellement souhaité même si nous doutons de la volonté réelle des responsables de l’Etat pour améliorer les choses. En Haïti, la politique de l’autruche reste une constante, et c’est très désolant. S’occuper des prisons est une urgence républicaine.
Certains évoquent la nécessité d’une loi pénitentiaire mais de même ‘’qu’on ne change pas la société par décret’’, nous sommes persuadé qu’on ne changera pas les prisons par la seule loi. Car la situation actuelle montre que la majorité des problèmes s’explique non pas en raison de l’application des règlements existants, mais par l’inapplication de ces règlements, confrontée à l’épreuve des faits. La vie dans les centres carcéraux haïtiens est une véritable monotonie, les détenus sont en commun dejour et de nuit, ce qui donne lieu à des abus regrettables : promiscuité odieuse, corruption morale et physique, constitution de véritables associations de malfaiteurs, etc.…On n’a pas besoin d’être grand clerc pour comprendre que la formation professionnelle des délinquants peut contribuer directement à leur rééducation, mais là nous sommes en train de rêver. S’il y a beaucoup à faire pour améliorer les conditions de détention, nous estimons que priorité doit être donnée au désengorgement des maisons d’arrêt, dont la situation est aujourd’hui indigne d’une démocratie. La nécessité d’effectuer un véritable audit de la situation est impérieuse mais il reste à savoir lequel de nos dirigeants sera assez courageux pour le lancer.
Heidi FORTUNÉ
Magistrat,
Juge d’instruction
Cap-Haïtien, Haïti
Ce 15 juillet 2007
Libellés :
LA RÉFORME PÉNITENTIAIRE : L’AUTRE DÉFI
lundi 9 juillet 2007
JUSTICE : QUI VEUT SON RESPECT SE LE PROCURE...
JUSTICE : QUI SE VEUT SON RESPECT SE LE PROCURE...
Par Me Heidi Fortuné
Juge d'instruction, Cap-Haïtien
On ne se prive jamais de discourir sur l’institution judiciaire, autorité théoriquement pérenne dans les principes, mais dans la pratique, méprisée, manipulée en certains cas, voire contournée selon les intérêts.
Il n’est pas sûr que cette réalité soit toujours comprise du public.
Ce que nous voulons, c’est d’être entendu. Ce que nous pensons, c’est que le pouvoir politique est responsable de la situation. Ce que nous souhaitons, c’est que des dispositions soient prises rapidement pour apporter les correctifs nécessaires.
La justice haitienne évolue dans le misérabilisme.
Donc, il est tout-à-fait normal que son horizon soit scruté, que ses pannes ne soient pas tues et que ses faiblesses soient dénoncées au quotidien.
Nous sommes conscient que les maux dont souffre notre justice se retrouvent dans presque toutes nos institutions publiques, à notre grand regret, mais cela ne nous autorise pas à rester les bras croisés ni à blanchir les responsables.
Nous espérons que nos remarques seront percues, en tous cas, comme une contribution positive au redressement du système judiciaire et à la réforme tant espérée.
D’un autre côté, si la justice veut son respect, elle ne doit pas s’appliquer au seul justiciable. Elle doit également tirer sa force dans sa capacité à frapper, sans faiblesses, ses membres pourris. Les juges corrompus doivent répondre devant elle.
Malheureusement, à ce niveau, ‘’Tolérance zéro’’ reste un simple slogan qui ne résout rien et l’opération « Mains propres » n’est pas pour demain. On est toujours complaisant devant les comportements contraires et incompatibles avec les règles de la profession comme si la loi est faite pour les autres et non pour soi.
Les rares fois où un membre corrompu du corps judiciaire est « sanctionné », cela se termine toujours dans la clandestinité par un arrangement, et le plus souvent, par une promotion ou une mutation de l’agent reproché sans même saisir le conseil supérieur de la magistrature.
Le ministère de la justice doit cesser ses pratiques ; cela nous aidera à nous retrouver et à être digne de respect.
En Haiti, hélas, la dicipline judiciaire est encore à l’âge de velours, que le gant soit ou non tenu d’une main de fer.
Il nous faut une justice renovée avec une magistrature autonome au sens strict, des policiers véritablement professionnels, des juges indépendants des côteries locales et des commissaires du gouvernement appliqués à poursuivre des anarchistes et des délinquants qu’à taquiner les adversaires politiques de chaque pouvoir en place.
On nous reprochera sans doute notre entêtement à vouloir redresser un système irrémédiablement moribond et notre excessive sévérité envers les dirigeants politiques et certains acteurs judiciaires. A cela, nous ne changerons rien.
Pour le pays et pour nos frères, pour la postérité, pour l’histoire et pour nous-même...nous sommes condamné à défendre, envers et contre tous, loin de tout panache, la cause de la justice, cette cause noble dont notre vie est tissée.
Heidi FORTUNÉ
Magistrat, Juge d’Instruction
Cap-Haïtien, Haïti
Ce 8 juillet 2007
Par Me Heidi Fortuné
Juge d'instruction, Cap-Haïtien
On ne se prive jamais de discourir sur l’institution judiciaire, autorité théoriquement pérenne dans les principes, mais dans la pratique, méprisée, manipulée en certains cas, voire contournée selon les intérêts.
Il n’est pas sûr que cette réalité soit toujours comprise du public.
Ce que nous voulons, c’est d’être entendu. Ce que nous pensons, c’est que le pouvoir politique est responsable de la situation. Ce que nous souhaitons, c’est que des dispositions soient prises rapidement pour apporter les correctifs nécessaires.
La justice haitienne évolue dans le misérabilisme.
Donc, il est tout-à-fait normal que son horizon soit scruté, que ses pannes ne soient pas tues et que ses faiblesses soient dénoncées au quotidien.
Nous sommes conscient que les maux dont souffre notre justice se retrouvent dans presque toutes nos institutions publiques, à notre grand regret, mais cela ne nous autorise pas à rester les bras croisés ni à blanchir les responsables.
Nous espérons que nos remarques seront percues, en tous cas, comme une contribution positive au redressement du système judiciaire et à la réforme tant espérée.
D’un autre côté, si la justice veut son respect, elle ne doit pas s’appliquer au seul justiciable. Elle doit également tirer sa force dans sa capacité à frapper, sans faiblesses, ses membres pourris. Les juges corrompus doivent répondre devant elle.
Malheureusement, à ce niveau, ‘’Tolérance zéro’’ reste un simple slogan qui ne résout rien et l’opération « Mains propres » n’est pas pour demain. On est toujours complaisant devant les comportements contraires et incompatibles avec les règles de la profession comme si la loi est faite pour les autres et non pour soi.
Les rares fois où un membre corrompu du corps judiciaire est « sanctionné », cela se termine toujours dans la clandestinité par un arrangement, et le plus souvent, par une promotion ou une mutation de l’agent reproché sans même saisir le conseil supérieur de la magistrature.
Le ministère de la justice doit cesser ses pratiques ; cela nous aidera à nous retrouver et à être digne de respect.
En Haiti, hélas, la dicipline judiciaire est encore à l’âge de velours, que le gant soit ou non tenu d’une main de fer.
Il nous faut une justice renovée avec une magistrature autonome au sens strict, des policiers véritablement professionnels, des juges indépendants des côteries locales et des commissaires du gouvernement appliqués à poursuivre des anarchistes et des délinquants qu’à taquiner les adversaires politiques de chaque pouvoir en place.
On nous reprochera sans doute notre entêtement à vouloir redresser un système irrémédiablement moribond et notre excessive sévérité envers les dirigeants politiques et certains acteurs judiciaires. A cela, nous ne changerons rien.
Pour le pays et pour nos frères, pour la postérité, pour l’histoire et pour nous-même...nous sommes condamné à défendre, envers et contre tous, loin de tout panache, la cause de la justice, cette cause noble dont notre vie est tissée.
Heidi FORTUNÉ
Magistrat, Juge d’Instruction
Cap-Haïtien, Haïti
Ce 8 juillet 2007
Libellés :
LA JUSTICE DOIT RESONNER DANS LE PAYS...
mardi 3 juillet 2007
LE RENFORCEMENT DE L'IMPUNITÉ EN HAITI
Me Heidi Fortuné
Le droit est l’ensemble des préceptes ou règles de conduite à l’observation desquels il est permis d’astreindre l’homme par une coercition extérieure ou physique.
L’objet du droit étant de régler la vie sociale, il en résulte que l’organisation de l’Etat et le règlement de ses rapports avec les individus rentrent essentiellement dans la sphère d’un système judiciaire bien encadré.
On dit que le sens moral d’une nation se modifie suivant le degré de sa civilisation. Et les principes légitimement susceptibles de devenir l’objet de cette coercition doivent résider dans la conscience de chaque autorité légalement établie.
Mais qu’en est-il de la moralité des grands fonctionnaires et des hauts responsables étatiques ?
On parle souvent de l’impunité qui règne en maître en Haiti, nous sommes tout-à-fait d’accord. On n’a qu’à visiter les prisons du pays pour comprendre.
99% des personnes incarcérées ou condamnées sont des démunis. Comme quoi, seuls les éléments de la classe défavorisée commettent des infractions.
Le constat est fait : les riches ne vont pas en prison, même quand ils sont fautifs. Et pour cause, ils ont toujours quelqu’un en haut lieu ou de haut rang pour faire classer les dossiers et suspendre les poursuites.
Certains parlementaires s’adonnent à coeur joie à ce commerce lucratif et profitable.
Comment un député peut-il s’arroger le droit d’appeler un Juge d’Instruction pour lui demander de ne pas poursuivre un riche homme d’affaire ayant séquestré des personnes sous le motif indécent que ce dernier avait financé sa campagne électorale. Quelle laideur !
Monsieur le député, en agissant ainsi, non seulement vous affaiblissez la justice mais vous vous faites également un homme de petite vertu. Vous n’avez pas votre place au parlement et vous n’avez ni le niveau ni l’étoffe pour porter un titre aussi honorifique.
Vous êtes la honte de votre famille, de vos collègues et de la nation toute entière.
Des sénateurs s’y mêlent et vont même à demander à un directeur départemental de police de ne pas exécuter le mandat d’amener décerné contre cette personne par la justice. Alors que ceux-ci mènent tambour battant une politique anti-corruption et ne cachent pas leur dédain pour l’impunité. C’est de l’immoralité, messieurs !
Vous n’êtes pas payés pour encourager la délinquance et cautionner la criminalité mais plutôt pour les contrecarrer.
Et lorsque c’est un responsable du ministère de la justice qui appelle un autre Magistrat Instructeur pour lui dicter, par téléphone, l’orientation à donner à un dossier criminel, alors là, nous disons : stop.
Il faut arrêter ça. Personne n’est au-dessus de la loi.
Qu’est-ce qu’on peut espérer de la réforme judiciaire si les pouvoirs exécutif et législatif se comportent de cette facon ?
Nous en faisons appel au président de la république, au président de l’assemblée nationale et au président de la cour de cassation...
Les avocats, les citoyens, la diaspora et la communauté internationale doivent être informés des menées subversives de ces parlementaires racketteurs.
Nul doute qu’il y a de grandes personnalités au sein de cette 48eme législature mais il faut admettre aussi qu’il y en a plein de médiocres, d’ignares et de corrompus qui n’ont leur place nulle part... même pas en enfer.
La justice haitienne, en tant qu’institution, n’est peut-être pas indépendante mais, soyez-en assurés, il y a des Magistrats indépendants sur qui les plus faibles peuvent compter. Des Magistrats intègres et entiers, conscients de leur rôle de cordon ombilical entre les nantis et les démunis de notre société.
Nous voulons parler de ceux-là qui ne marchandent pas leur courage, leur honnêteté et leur devoir pour rendre justice à qui justice est due. Certes, ils ne sont pas nombreux mais ils sont là. Et nous les supportons de toute notre force.
Heidi FORTUNÉ
Magistrat, Juge d’Instruction
Cap-Haïtien, Haïti
Ce 1er Juillet 2007
Le droit est l’ensemble des préceptes ou règles de conduite à l’observation desquels il est permis d’astreindre l’homme par une coercition extérieure ou physique.
L’objet du droit étant de régler la vie sociale, il en résulte que l’organisation de l’Etat et le règlement de ses rapports avec les individus rentrent essentiellement dans la sphère d’un système judiciaire bien encadré.
On dit que le sens moral d’une nation se modifie suivant le degré de sa civilisation. Et les principes légitimement susceptibles de devenir l’objet de cette coercition doivent résider dans la conscience de chaque autorité légalement établie.
Mais qu’en est-il de la moralité des grands fonctionnaires et des hauts responsables étatiques ?
On parle souvent de l’impunité qui règne en maître en Haiti, nous sommes tout-à-fait d’accord. On n’a qu’à visiter les prisons du pays pour comprendre.
99% des personnes incarcérées ou condamnées sont des démunis. Comme quoi, seuls les éléments de la classe défavorisée commettent des infractions.
Le constat est fait : les riches ne vont pas en prison, même quand ils sont fautifs. Et pour cause, ils ont toujours quelqu’un en haut lieu ou de haut rang pour faire classer les dossiers et suspendre les poursuites.
Certains parlementaires s’adonnent à coeur joie à ce commerce lucratif et profitable.
Comment un député peut-il s’arroger le droit d’appeler un Juge d’Instruction pour lui demander de ne pas poursuivre un riche homme d’affaire ayant séquestré des personnes sous le motif indécent que ce dernier avait financé sa campagne électorale. Quelle laideur !
Monsieur le député, en agissant ainsi, non seulement vous affaiblissez la justice mais vous vous faites également un homme de petite vertu. Vous n’avez pas votre place au parlement et vous n’avez ni le niveau ni l’étoffe pour porter un titre aussi honorifique.
Vous êtes la honte de votre famille, de vos collègues et de la nation toute entière.
Des sénateurs s’y mêlent et vont même à demander à un directeur départemental de police de ne pas exécuter le mandat d’amener décerné contre cette personne par la justice. Alors que ceux-ci mènent tambour battant une politique anti-corruption et ne cachent pas leur dédain pour l’impunité. C’est de l’immoralité, messieurs !
Vous n’êtes pas payés pour encourager la délinquance et cautionner la criminalité mais plutôt pour les contrecarrer.
Et lorsque c’est un responsable du ministère de la justice qui appelle un autre Magistrat Instructeur pour lui dicter, par téléphone, l’orientation à donner à un dossier criminel, alors là, nous disons : stop.
Il faut arrêter ça. Personne n’est au-dessus de la loi.
Qu’est-ce qu’on peut espérer de la réforme judiciaire si les pouvoirs exécutif et législatif se comportent de cette facon ?
Nous en faisons appel au président de la république, au président de l’assemblée nationale et au président de la cour de cassation...
Les avocats, les citoyens, la diaspora et la communauté internationale doivent être informés des menées subversives de ces parlementaires racketteurs.
Nul doute qu’il y a de grandes personnalités au sein de cette 48eme législature mais il faut admettre aussi qu’il y en a plein de médiocres, d’ignares et de corrompus qui n’ont leur place nulle part... même pas en enfer.
La justice haitienne, en tant qu’institution, n’est peut-être pas indépendante mais, soyez-en assurés, il y a des Magistrats indépendants sur qui les plus faibles peuvent compter. Des Magistrats intègres et entiers, conscients de leur rôle de cordon ombilical entre les nantis et les démunis de notre société.
Nous voulons parler de ceux-là qui ne marchandent pas leur courage, leur honnêteté et leur devoir pour rendre justice à qui justice est due. Certes, ils ne sont pas nombreux mais ils sont là. Et nous les supportons de toute notre force.
Heidi FORTUNÉ
Magistrat, Juge d’Instruction
Cap-Haïtien, Haïti
Ce 1er Juillet 2007
JUSTICE : SI ON N’EN PARLE PAS…ÇA N’EXISTE PAS
Texte de Me Heidi Fortuné
24 juin 2007
Il faut être conscient que les penseurs de nos prisons n’ont jamais eu le souci de prévoir dans nos maisons d’arrêt une section pour le placement des mineurs. Ces derniers sont gardés dans des cellules où logent des adultes ; ils vivent la vie de la prison à travers les cris, les bruits et les conversations de leurs ainés.
L’abandon dans lequel ils sont laissés tant du Magistrat qui a pris la mesure que de l’ensemble du système pénitentiaire contraste avec le prescrit des textes.
Qu’ils soient agents infracteurs aux yeux de la loi, de telles mesures pour le moins inhumaines à leur égard ne peuvent servir de cause de justification à leur situation carcérale.
Ils subissent la même promiscuité que les adultes et la surpopulation endémique des maisons d’arrêt les affecte considérablement. Si on ajoute à ce tableau le fait de dormir à même le sol, on aura compris que leur intérêt supérieur n’est pas pris en considération par les juges.
Comme il est dit dans les Règles de Beijing, l’objectif principal de la justice pour mineurs est de rechercher leur bien-être. Et la loi du 07 Septembre
1961 prévoit pour eux une procédure spéciale et des centres spéciaux pour la durée de leur internement.
Cependant, la plupart des juges passent outre et ne s’intéressent même pas à la situation des mineurs en prison. Tant qu’ils sont là, ils sont tranquilles disent certains d’entre eux. Faut-il croire que pour eux, la prison s’assimile à une affaire classée ?
Mais si promesse est soeur jumelle de l’espérance, on ne saurait tolérer qu’elle devienne cousine germaine de la mauvaise foi.
Nous insistons sur le principe de base selon lequel aucun mineur ou jeune délinquant ne devrait être détenu dans un établissement où il est susceptible de subir l’influence négative de délinquants adultes, et qu’il faudrait toujours tenir compte des besoins particuliers à son stade de développement sinon...
Eh bien sinon, en ce qui a trait à sa personnalité, il sortira plus délinquant qu’auparavant. Et c’est évident. Il côtoie de grands criminels à longueur de journée ; ces derniers deviennent ses modèles ; qui voulez-vous qu’il incarne ?
A sa sortie de prison, il n’aura pas un caractère propre à lui, une personnalité qui lui est sienne, mais celle de ses « professeurs » de prison, ses camarades de cellules qui lui ont inculqué toute leur science, à savoir : ruses, astuces et violence.
Un enfant rentre, un criminel sort...pour y revenir car nous avons noté que ce sont les mêmes, en général, qui récidivent et reviennent en prison. C’est normal !
En Haiti, un enfant se trouve derrière les barreaux, faute de structures correctionnelles adaptées à son statut et à la nature du délit qui lui est reproché ; sans oublier les mauvais traitements, il est battu, soit pendant l’arrestation, soit à son arrivée au centre pénitentiaire.
Il importe de souligner de surcroit que selon la loi, les mineurs devraient bénéficier d’un traitement tout autrement. En effet, des centres de rééducation ou de traitement et des maisons de correction sont prévus.
Or, la réalité est bien différente.
Consciemment ou inconciemment, les prescrits de la loi concernant les mineurs ne sont pas respectés parce que l’Etat n’a pas tenu ses engagements ni pris ses responsabilités. Nous espérons porter la société, la communauté, le parlement et le gouvernement à prendre conscience de leur existence et de leurs problèmes.
Il est évident que l’impasse économique chronique dans laquelle se trouve le pays ne va pas débloquer la situation d’autant que la construction de maisons d’accueil pour enfants en difficultés ne fait pas partie du programme politique du gouvernement actuel.
Cependant, un minimum doit être dégagé en acord avec les principes et les objectifs de l’ensemble des dispositions. Et si nous ne faisons rien, ils deviendront, un jour, une plaie à la nuque de cette société irresponsable et un danger public.
Nous concevons très mal que les mineurs haitiens, nos enfants, nos petits frères, soient traités de cette façon. L’Etat les néglige et n’accorde que peu de soin et d’intérêt à leur endroit.
En tant que membre du système judiciaire, nous serions complice si nous gardions le silence devant cette situation lamentable.
Et si nous continuons à observer, sans rien faire, cette injustice criante qui met en péril l’avenir de notre pays, nous ne pourrons pas mériter l’estime et l’honneur des générations à venir.
Heidi FORTUNÉ
Magistrat, Juge d’Instruction
Cap-Haïtien, Haïti
Ce 24 Juin 2007
24 juin 2007
Il faut être conscient que les penseurs de nos prisons n’ont jamais eu le souci de prévoir dans nos maisons d’arrêt une section pour le placement des mineurs. Ces derniers sont gardés dans des cellules où logent des adultes ; ils vivent la vie de la prison à travers les cris, les bruits et les conversations de leurs ainés.
L’abandon dans lequel ils sont laissés tant du Magistrat qui a pris la mesure que de l’ensemble du système pénitentiaire contraste avec le prescrit des textes.
Qu’ils soient agents infracteurs aux yeux de la loi, de telles mesures pour le moins inhumaines à leur égard ne peuvent servir de cause de justification à leur situation carcérale.
Ils subissent la même promiscuité que les adultes et la surpopulation endémique des maisons d’arrêt les affecte considérablement. Si on ajoute à ce tableau le fait de dormir à même le sol, on aura compris que leur intérêt supérieur n’est pas pris en considération par les juges.
Comme il est dit dans les Règles de Beijing, l’objectif principal de la justice pour mineurs est de rechercher leur bien-être. Et la loi du 07 Septembre
1961 prévoit pour eux une procédure spéciale et des centres spéciaux pour la durée de leur internement.
Cependant, la plupart des juges passent outre et ne s’intéressent même pas à la situation des mineurs en prison. Tant qu’ils sont là, ils sont tranquilles disent certains d’entre eux. Faut-il croire que pour eux, la prison s’assimile à une affaire classée ?
Mais si promesse est soeur jumelle de l’espérance, on ne saurait tolérer qu’elle devienne cousine germaine de la mauvaise foi.
Nous insistons sur le principe de base selon lequel aucun mineur ou jeune délinquant ne devrait être détenu dans un établissement où il est susceptible de subir l’influence négative de délinquants adultes, et qu’il faudrait toujours tenir compte des besoins particuliers à son stade de développement sinon...
Eh bien sinon, en ce qui a trait à sa personnalité, il sortira plus délinquant qu’auparavant. Et c’est évident. Il côtoie de grands criminels à longueur de journée ; ces derniers deviennent ses modèles ; qui voulez-vous qu’il incarne ?
A sa sortie de prison, il n’aura pas un caractère propre à lui, une personnalité qui lui est sienne, mais celle de ses « professeurs » de prison, ses camarades de cellules qui lui ont inculqué toute leur science, à savoir : ruses, astuces et violence.
Un enfant rentre, un criminel sort...pour y revenir car nous avons noté que ce sont les mêmes, en général, qui récidivent et reviennent en prison. C’est normal !
En Haiti, un enfant se trouve derrière les barreaux, faute de structures correctionnelles adaptées à son statut et à la nature du délit qui lui est reproché ; sans oublier les mauvais traitements, il est battu, soit pendant l’arrestation, soit à son arrivée au centre pénitentiaire.
Il importe de souligner de surcroit que selon la loi, les mineurs devraient bénéficier d’un traitement tout autrement. En effet, des centres de rééducation ou de traitement et des maisons de correction sont prévus.
Or, la réalité est bien différente.
Consciemment ou inconciemment, les prescrits de la loi concernant les mineurs ne sont pas respectés parce que l’Etat n’a pas tenu ses engagements ni pris ses responsabilités. Nous espérons porter la société, la communauté, le parlement et le gouvernement à prendre conscience de leur existence et de leurs problèmes.
Il est évident que l’impasse économique chronique dans laquelle se trouve le pays ne va pas débloquer la situation d’autant que la construction de maisons d’accueil pour enfants en difficultés ne fait pas partie du programme politique du gouvernement actuel.
Cependant, un minimum doit être dégagé en acord avec les principes et les objectifs de l’ensemble des dispositions. Et si nous ne faisons rien, ils deviendront, un jour, une plaie à la nuque de cette société irresponsable et un danger public.
Nous concevons très mal que les mineurs haitiens, nos enfants, nos petits frères, soient traités de cette façon. L’Etat les néglige et n’accorde que peu de soin et d’intérêt à leur endroit.
En tant que membre du système judiciaire, nous serions complice si nous gardions le silence devant cette situation lamentable.
Et si nous continuons à observer, sans rien faire, cette injustice criante qui met en péril l’avenir de notre pays, nous ne pourrons pas mériter l’estime et l’honneur des générations à venir.
Heidi FORTUNÉ
Magistrat, Juge d’Instruction
Cap-Haïtien, Haïti
Ce 24 Juin 2007
lundi 18 juin 2007
LA RÉFORME JUDICIAIRE EN HAITI
Me Fortuné est un homme de parole; un juge qui se respecte malgré la carence des gens honnêtes dans ce pays. Me Fortuné est un juriste qui se sert de la Constitution et les lois de son pays comme boussole pour guider l'ensemble de ses décisions. C'est un juge instructeur qui n'a pas peur de dire tout haut ce que les autres n'osent pas prononcer tout bas. C'est un Capois qui a hérité les valeurs de Henri Christophe pour faire honneur à sa profession. Il denonce certains faits sans porter préjudice à quiconque. Il utilise un langage clair pour exprimer ses idées sans chercher la confrontation. Me Fortune est un juriste doué d'une plume savante qui sait allier la frustration à la colère par la magie des mots. Par respect pour ses fidèles lecteurs et lectrices, il s'est proposé d'offrir chaque semaine un texte de réflexion sur la situation de la justice en Haiti. Jusqu'à présent, il tient parole. Encore une fois, il nous livre son analyse à partir de ce qui suit... Mondésir
LA RÉFORME JUDICIAIRE EN HAITI
Par Me Heidi Fortuné
On en a beaucoup parlé. Il semble maintenant qu’on soit décidé à entrer dans la voie de la réalisation.
La réforme doit passer par le renforcement de l’état de droit et la renovation des incriminations, en tenant compte de la mutabilité du monde, par le respect des droits de l’homme, la défense de la personne humaine et la protection des plus faibles.
Elle doit tenir compte de la multiplication des infractions par rapport aux défauts de notre législation actuelle qui sont : archaïque, inadaptée, contradictoire, incomplète. Elle doit simplifier les textes et rajeunir le vocabulaire juridique. Les lois doivent être précises et accessibles. L’Etat doit prévoir un fonds d’entraide pour les victimes et une aide juridique au profit des démunis.
La réforme doit protéger les droits de la personne humaine, garantir une justice transparente, impartiale, efficace, rapide et accessible à tous.
Elle doit répondre à une double exigence, à la fois juridique et éthique. C’est-à-dire : doter notre arsenal juridique d’un ensemble cohérent de lois adaptées et exprimer les valeurs de notre société.
Dans leur évolution respective, il ne faut pas chercher à adapter les faits au droit mais bien le droit aux faits.
Une réforme qui ne revoit pas les délais, principalement d’instruction, les amendes, les sanctions pénales et les procédures scabreuses n’est pas une réforme.
Peut-on parler de réforme si les tarifs judiciaires ne sont pas redéfinis, si elle ne consacre pas le sursis assorti de mise à l’épreuve pour décompresser les centres de détention ? Quid du casier judiciaire ?
Quelle réforme il y aura si l’Etat ne prévoit pas la spécialisation des magistrats, la formation continue, l’informatisation des greffes, la traduction des textes de lois et des décisions judiciaires en créole, la construction de tribunaux et de prisons sans oublier des maisons d’accueil pour mineurs ?
On doit penser également à une réelle prise en charge de l’école de la magistrature, à revoir à la hausse les salaires judiciaires, à l’octroi de bourses d’études aux meilleurs performances en vue de recompenser les mérites et favoriser la concurrence vers l’excellence, à changer le statut des magistrats du parquet et l’appellation « commissaire du gouvernement » et enfin à une redéfinition du rôle du ministère de la justice et de la sécurité publique.
Et pendant qu’on y est : pourquoi ne pas initier, une fois pour toutes, la collégialité de juges en matière criminelle ?
L’administration de la preuve, que ce soit au civil ou au pénal, ne doit plus être limitative. Quand on sait que les photographies, les bandes sonores ou magnétiques et même les empreintes digitales ne font pas partie des modes de preuve légalement admis par la législation haïtienne...
Les Magistrats en ont marre de supporter un système comportant autant d’hérésies juridiques. La refonte des codes est une nécessité.
Chez nous, on se plaint toujours de difficultés économiques. Les donations et les aides en devises apportées par des tiers au niveau de la justice, qu’il s’agit de la communauté internationale ou des organismes locaux impliquent de grandes redevances.
Redevances qui, au moment opportun, ne pourront être honorées, qu’au détriment des haitiens. Toute chose a un prix dans la vie...même la gratuité.
Ne pourrait-on pas établir un système de caution facultative en matière de contravention de simple police et délit correctionnel pour éviter que l’agent infracteur aille en prison ? Il paierait en quelque sorte sa détention, sa liberté, si on veut, en attendant la tenue de son jugement. Pour cela, il faudrait mettre en place un dispositif de surveillance efficace sur nos frontières et renforcer les contrôles d’identité.
Cela éviterait la surpopulation de nos maisons d’arrêt et rapporterait également des revenus à l’Etat. Et cet argent, de même que les recettes découlant des peines pécuniaires et de l’enregistrement des actes judiciaires ainsi que le budget de la justice qui serait géré par le président de la cour de cassation, avec un droit de regard du ministre de tutelle, pourraient aider à surmonter les problèmes financiers de la magistrature. Ce serait un signe évident vers l’autonomie et l’indépendance.
Si on doit envisager un quelconque rapport de subordination entre le ministre de la justice et le « commissaire du gouvernement », cela devrait se faire uniquement par l’entremise du chef du parquet près la cour de cassation. Ce dernier, alors coiffé d’un double chapeau, politique/justice, sera considéré comme le supérieur hiérarchique des parquetiers des juridictions inférieures qui recevront de lui toutes les réquisitions du garde des sceaux de la république.
La carrière des juges, très négligée ces derniers temps, mérite d’être revalorisée. L’inspection judiciaire ne doit pas être oubliée.
Il n’y a pas de corrompu sans corrupteur, en ce sens qu’on doit apporter quelques modifications profondes au décret du 29 mars 1979 régissant la profession d’avocats car un grand nombre d’entre eux font la honte du métier, au mépris de toutes règles d’éthique et déontologique.
La loi de réforme n’a pas sa raison si elle ne tiendra pas compte de ces observations d’ordre général considérées, à notre humble avis, comme des axes prioritaires incontournables.
Et si toutefois elle sera difficile à appliquer, il serait préférable d’y renoncer tout de suite pour ne pas donner à l’opinion publique, déjà inquiète, des assurances fictives, et donc, susciter des déceptions.
D’un autre côté, la sécurité des vies et des biens ne relèvent pas seulement de la force publique, il faut une approche synthétique Justice/Police pour doter le pays d’un système répressif capable de garantir la tranquilité de tous les citoyens. Pour cela, des sessions de formation conjointe (juges-parquet-police) doivent être organisées périodiquement pour leur apprendre à travailler ensemble dans un respect réciproque et à reconnaitre leurs limites.
Le « commissaire du gouvernement » et ses substituts doivent exercer un contrôle effectif sur toutes les actions de la police judiciaire qui devrait avoir un représentant permanent auprès de chaque parquet.
La chaîne pénale ne sera valablement efficace que, si et seulement si, la justice et la police sont en mesure de répondre adéquatement à leurs responsabilités respectives d’où...l’impérieuse nécessité de réformer les deux institutions en même temps et non l’une après l’autre.
Tout en respectant la liberté et les droits, les magistrats et les policiers ont un ennemi commun : la délinquance.
Dans cette conjoncture nouvelle que sera la réforme judiciaire, la responsabilité du juge doit être également repensée.
Il devra être attentif à l’évolution des faits pour bien jouer son rôle de médiateur. Plus que jamais, il devra exercer dans le cadre de l’application des normes une action, à la fois, créatrice et modératrice.
Le juge devra se distinguer tant dans sa vie privée que professionnelle. De chacune de ses décisions, comme de grandes tendances qui se dégagent, dépendront demain, non seulement, le sentiment d’une justice bien rendue, si profond chez le citoyen, mais aussi pour une part importante, la vigueur ou la fragilité de notre société.
Nous sommes certains que les Magistrats sont conscients de la grandeur de la tâche qui les attend.
Nous croyons cependant qu’il sera difficile pour eux de l’assumer lorsque leurs conditions de travail ne sont pas adaptées à l’évolution des techniques modernes, lorsqu’ils sont surchargés de dossiers sans avoir le temps de les approfondir, lorsqu’ils sont l’objet de critiques injustifiées mais qui sont celles qu’appelle le mauvais fonctionnement de l’ensemble du système.
Ainsi, appartient-il à l’ordre judiciaire tout entier, et à chacun de ses membres, placé devant la loi et devant sa conscience, de répondre aux exigences de la réforme tant attendue.
Naturellement, toutes ces propositions sont à débattre et à préciser, il sera ensuite nécessaire de poursuivre la réflexion afin de faire évoluer les mentalités pour déboucher sur des changements de comportement.
On peut toujours nous reprocher d’avoir commis des oublis et des omissions, pourquoi pas des écarts, dans notre plaidoyer, pour ne pas avoir touché tel point qui parait, pour le réprobateur, important.
A la vérité, nous ne pourrons jamais tout dire ici.
D’ailleurs, il n’est un secret pour personne la situation de décrépitude de la justice haitienne. Tout le monde en parle. Face à cette situation, la réforme s’avère primodiale. Elle contribuera non seulement à l’avancement de notre pays dans la garantie et le respect des droits mais aussi lui préparera un avenir serein et certain.
Que cela constitue notre faible contribution à la réforme du droit et de la justice.
Heidi FORTUNÉ
Magistrat, Juge d’instruction
Cap-Haïtien, Haïti
Ce 17 juin 2007
LA RÉFORME JUDICIAIRE EN HAITI
Par Me Heidi Fortuné
On en a beaucoup parlé. Il semble maintenant qu’on soit décidé à entrer dans la voie de la réalisation.
La réforme doit passer par le renforcement de l’état de droit et la renovation des incriminations, en tenant compte de la mutabilité du monde, par le respect des droits de l’homme, la défense de la personne humaine et la protection des plus faibles.
Elle doit tenir compte de la multiplication des infractions par rapport aux défauts de notre législation actuelle qui sont : archaïque, inadaptée, contradictoire, incomplète. Elle doit simplifier les textes et rajeunir le vocabulaire juridique. Les lois doivent être précises et accessibles. L’Etat doit prévoir un fonds d’entraide pour les victimes et une aide juridique au profit des démunis.
La réforme doit protéger les droits de la personne humaine, garantir une justice transparente, impartiale, efficace, rapide et accessible à tous.
Elle doit répondre à une double exigence, à la fois juridique et éthique. C’est-à-dire : doter notre arsenal juridique d’un ensemble cohérent de lois adaptées et exprimer les valeurs de notre société.
Dans leur évolution respective, il ne faut pas chercher à adapter les faits au droit mais bien le droit aux faits.
Une réforme qui ne revoit pas les délais, principalement d’instruction, les amendes, les sanctions pénales et les procédures scabreuses n’est pas une réforme.
Peut-on parler de réforme si les tarifs judiciaires ne sont pas redéfinis, si elle ne consacre pas le sursis assorti de mise à l’épreuve pour décompresser les centres de détention ? Quid du casier judiciaire ?
Quelle réforme il y aura si l’Etat ne prévoit pas la spécialisation des magistrats, la formation continue, l’informatisation des greffes, la traduction des textes de lois et des décisions judiciaires en créole, la construction de tribunaux et de prisons sans oublier des maisons d’accueil pour mineurs ?
On doit penser également à une réelle prise en charge de l’école de la magistrature, à revoir à la hausse les salaires judiciaires, à l’octroi de bourses d’études aux meilleurs performances en vue de recompenser les mérites et favoriser la concurrence vers l’excellence, à changer le statut des magistrats du parquet et l’appellation « commissaire du gouvernement » et enfin à une redéfinition du rôle du ministère de la justice et de la sécurité publique.
Et pendant qu’on y est : pourquoi ne pas initier, une fois pour toutes, la collégialité de juges en matière criminelle ?
L’administration de la preuve, que ce soit au civil ou au pénal, ne doit plus être limitative. Quand on sait que les photographies, les bandes sonores ou magnétiques et même les empreintes digitales ne font pas partie des modes de preuve légalement admis par la législation haïtienne...
Les Magistrats en ont marre de supporter un système comportant autant d’hérésies juridiques. La refonte des codes est une nécessité.
Chez nous, on se plaint toujours de difficultés économiques. Les donations et les aides en devises apportées par des tiers au niveau de la justice, qu’il s’agit de la communauté internationale ou des organismes locaux impliquent de grandes redevances.
Redevances qui, au moment opportun, ne pourront être honorées, qu’au détriment des haitiens. Toute chose a un prix dans la vie...même la gratuité.
Ne pourrait-on pas établir un système de caution facultative en matière de contravention de simple police et délit correctionnel pour éviter que l’agent infracteur aille en prison ? Il paierait en quelque sorte sa détention, sa liberté, si on veut, en attendant la tenue de son jugement. Pour cela, il faudrait mettre en place un dispositif de surveillance efficace sur nos frontières et renforcer les contrôles d’identité.
Cela éviterait la surpopulation de nos maisons d’arrêt et rapporterait également des revenus à l’Etat. Et cet argent, de même que les recettes découlant des peines pécuniaires et de l’enregistrement des actes judiciaires ainsi que le budget de la justice qui serait géré par le président de la cour de cassation, avec un droit de regard du ministre de tutelle, pourraient aider à surmonter les problèmes financiers de la magistrature. Ce serait un signe évident vers l’autonomie et l’indépendance.
Si on doit envisager un quelconque rapport de subordination entre le ministre de la justice et le « commissaire du gouvernement », cela devrait se faire uniquement par l’entremise du chef du parquet près la cour de cassation. Ce dernier, alors coiffé d’un double chapeau, politique/justice, sera considéré comme le supérieur hiérarchique des parquetiers des juridictions inférieures qui recevront de lui toutes les réquisitions du garde des sceaux de la république.
La carrière des juges, très négligée ces derniers temps, mérite d’être revalorisée. L’inspection judiciaire ne doit pas être oubliée.
Il n’y a pas de corrompu sans corrupteur, en ce sens qu’on doit apporter quelques modifications profondes au décret du 29 mars 1979 régissant la profession d’avocats car un grand nombre d’entre eux font la honte du métier, au mépris de toutes règles d’éthique et déontologique.
La loi de réforme n’a pas sa raison si elle ne tiendra pas compte de ces observations d’ordre général considérées, à notre humble avis, comme des axes prioritaires incontournables.
Et si toutefois elle sera difficile à appliquer, il serait préférable d’y renoncer tout de suite pour ne pas donner à l’opinion publique, déjà inquiète, des assurances fictives, et donc, susciter des déceptions.
D’un autre côté, la sécurité des vies et des biens ne relèvent pas seulement de la force publique, il faut une approche synthétique Justice/Police pour doter le pays d’un système répressif capable de garantir la tranquilité de tous les citoyens. Pour cela, des sessions de formation conjointe (juges-parquet-police) doivent être organisées périodiquement pour leur apprendre à travailler ensemble dans un respect réciproque et à reconnaitre leurs limites.
Le « commissaire du gouvernement » et ses substituts doivent exercer un contrôle effectif sur toutes les actions de la police judiciaire qui devrait avoir un représentant permanent auprès de chaque parquet.
La chaîne pénale ne sera valablement efficace que, si et seulement si, la justice et la police sont en mesure de répondre adéquatement à leurs responsabilités respectives d’où...l’impérieuse nécessité de réformer les deux institutions en même temps et non l’une après l’autre.
Tout en respectant la liberté et les droits, les magistrats et les policiers ont un ennemi commun : la délinquance.
Dans cette conjoncture nouvelle que sera la réforme judiciaire, la responsabilité du juge doit être également repensée.
Il devra être attentif à l’évolution des faits pour bien jouer son rôle de médiateur. Plus que jamais, il devra exercer dans le cadre de l’application des normes une action, à la fois, créatrice et modératrice.
Le juge devra se distinguer tant dans sa vie privée que professionnelle. De chacune de ses décisions, comme de grandes tendances qui se dégagent, dépendront demain, non seulement, le sentiment d’une justice bien rendue, si profond chez le citoyen, mais aussi pour une part importante, la vigueur ou la fragilité de notre société.
Nous sommes certains que les Magistrats sont conscients de la grandeur de la tâche qui les attend.
Nous croyons cependant qu’il sera difficile pour eux de l’assumer lorsque leurs conditions de travail ne sont pas adaptées à l’évolution des techniques modernes, lorsqu’ils sont surchargés de dossiers sans avoir le temps de les approfondir, lorsqu’ils sont l’objet de critiques injustifiées mais qui sont celles qu’appelle le mauvais fonctionnement de l’ensemble du système.
Ainsi, appartient-il à l’ordre judiciaire tout entier, et à chacun de ses membres, placé devant la loi et devant sa conscience, de répondre aux exigences de la réforme tant attendue.
Naturellement, toutes ces propositions sont à débattre et à préciser, il sera ensuite nécessaire de poursuivre la réflexion afin de faire évoluer les mentalités pour déboucher sur des changements de comportement.
On peut toujours nous reprocher d’avoir commis des oublis et des omissions, pourquoi pas des écarts, dans notre plaidoyer, pour ne pas avoir touché tel point qui parait, pour le réprobateur, important.
A la vérité, nous ne pourrons jamais tout dire ici.
D’ailleurs, il n’est un secret pour personne la situation de décrépitude de la justice haitienne. Tout le monde en parle. Face à cette situation, la réforme s’avère primodiale. Elle contribuera non seulement à l’avancement de notre pays dans la garantie et le respect des droits mais aussi lui préparera un avenir serein et certain.
Que cela constitue notre faible contribution à la réforme du droit et de la justice.
Heidi FORTUNÉ
Magistrat, Juge d’instruction
Cap-Haïtien, Haïti
Ce 17 juin 2007
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