Il est des hommes qui
bâtissent leur carrière, il en est d’autres qui laissent faire les
circonstances et s’y adaptent à ce point que leur parcours, qu’elles qu’en
soient les étapes, parait n’avoir servi qu’à les préparer à occuper comme par
nécessite la fonction que le hasard, en définitive, leur a confiée.
Heidi Fortuné est de ceux-ci. Lorsqu’il fallait en décembre 2000, désigner
pour la première fois dans le système judiciaire haïtien, en tout cas, au
Cap-Haïtien, le plus jeune Magistrat du Parquet, il s’impose comme l’archétype
de la fonction si bien que nul ne songea à ce moment qu’un autre put remplir
mieux ce rôle.
L’existence d’un homme est marquée par le sceau de ce qu’il a vu, fait, entendu, senti, goûté, reçu au
début de sa carrière. A vingt ans déjà, il avait en lui de grandes
vertus : courage, ténacité, abnégation, générosité.
Fraîchement diplômé de l’École de la Magistrature, le voici, le même jour
de ses vingt-huit ans, Substitut du Commissaire du Gouvernement, hantant les
salles d’audiences du Palais de Justice du Cap-Haïtien, sa ville natale où il a
étudié le Droit et côtoyé ceux qui deviendront ses collègues et adversaires.
Capois dans l’âme et jusque dans le sang ; Homme de principes, de
convictions plutôt que de passions, il pressent déjà qu’il est moins enclin à
faire triompher une thèse, sa thèse, qu’à rechercher la pacification des
conflits dans une vérité consentie.
Aspirait-il au métier de Juge depuis son enfance ? Ce qui est
certain, aussitôt nommé, il a fait valoir son esprit de rigueur et sa
méticulosité, son dévouement au service public, sa modestie et aussi ses
qualités de loyauté et d’amitié si précieuses pour calmer les tourmentes qui
agitent un Parquet en crise perpétuelle, administré, dans la plupart des cas,
soit par un partisan zélé du pouvoir en place, soit par un homme d’affaires
sans scrupules cherchant à se refaire sur les justiciables.
Il le dit tout le temps : il a gardé et garde encore des souvenirs
émus des cinq années qu’il y a passées. Cependant, il apprendra aussi, à ses
dépens, le poids du formalisme des rapports hiérarchiques non conformes à
l’éthique, à la morale et à l’honnêteté. Il se rappelle aujourd’hui encore, non
sans dégoût, de ses déboires avec un chef du Parquet. Il a failli claquer la
porte, n’était-ce l’intervention fulgurante du ministre de la justice d’alors. Ses
plus anciens amis le savent : avant même l’Université, il avait choisi ce
qui est beau, ce qui est vrai, ce qui est juste et de bannir sans indulgence vanité,
mesquinerie, faux-semblant, hypocrisie et corruption.
En 2006 commence un nouvel épisode : on le retrouve au Tribunal de
Première Instance où il exercera les fonctions de Juge et Juge d’Instruction.
La justice contient toutes les autres vertus ; c’est pourquoi Heidi
Fortuné n’a jamais imaginé d’être autre chose que Magistrat. Rien ne laisse cet
homme au grand caractère indifférent : la douleur d’un détenu, le désarroi
du monde, le chant des oiseaux, le coucher du soleil, la beauté des choses de
la vie, l’éducation de ses deux enfants Leila Heidi et Chris Heidi...
Cet époux délicat, ce jeune père de famille attentif a connu aussi la
souffrance comme tout homme, tant dans sa vie privée que professionnelle. Il
est convaincu de la nécessite d’une réforme en profondeur dans le système
judiciaire mais ne sait quoi faire pour porter les dirigeants politiques à
réagir et à prendre conscience de l’urgence.
C’est le Magistrat Instructeur le plus compétent et le plus prolifique du
système judiciaire haïtien en termes de rendement. Son indépendance et son
intégrité se passent de commentaires. Jusqu’ici, il a fait un parcours sans
faute avec une issue prévisible... Le verrait-on terminer sa carrière à la tête
de la Cour de Cassation de la République ?
Il n’a que 41 ans. Qui vivra verra !
Avril 2014
1 commentaire:
Fok nou ta pale wi. Rele frew nan 37026937
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