LA RENTRÉE JUDICIAIRE 2007-2008
La justice haitienne a repris du service ce premier lundi d’octobre pour l’année judiciaire 2007-2008. Une reprise qui marque en même temps la réouverture officielle de tous les tribunaux de la république.
Le moment solennel qu’est la rentrée judiciaire nous permet de prendre un temps d’arrêt pour faire le point sur nos déceptions, nos espoirs et nos souhaits.
Nous considérons que l’heure n’est plus aux interrogations mais à l’action. Donc, la réforme apparait comme étant une voie à privilégier et se justifie entièrement devant la situation lamentable de la justice. Mais, qu’il soit dit entre nous, les trois nouvelles lois votées par le parlement ne vont pas changer les choses.
Nous insistons pour dire aujourd’hui plus que jamais que les réformes en profondeur dont la justice a besoin nécessitent du temps et de la sérénité. Ce qu’il faut présentement, c’est renforcer l’indépendance et la force des juges.
Nous ne pouvons pas aborder ce nouvel exercice sans mentionner la nécessité pour les magistrats de s’adapter aux nouvelles réalités tout en préservant les valeurs fondamentales de la profession, disons-le, en pleine mutation. Nous pensons, entre autres, à la mondialisation, à l’évolution du droit, à la mobilité des avocats, à la concurrence accrue, phénomènes inévitables auxquels nous devons faire face en faisant preuve d’originalité et de créativité.
A ce sujet, l’État doit nous permettre de moderniser les véhicules de la pratique professionnelle. Sans une telle modernisation, il nous sera quasi impossible de relever les nombreux défis que nous devons affronter tous ensemble, plus unis que jamais et cela toujours dans la poursuite de l’excellence.
Nous avons constaté que la justice n’est pas la même pour tout le monde. Elle va au ralenti ou à plusieurs vitesses, selon les critères sociaux ou économiques, alors que selon les prescrits républicains, le riche et le pauvre sont égaux devant la loi. Il y a une tendance discriminatoire dans la distribution de la justice. « Aux grands corrompus, miséricorde ! Aux petits corrompus, misère et corde » !
Nous dénoncons, avec force, les inégalités de traitement relevées au niveau de l’institution judiciaire, parfois au sein d’une même juridiction en raison d’accointances politiques. Par exemple, la différence de moyens et de traitement se manifeste entre les membres du parquet soumis au gouvernement et les juges d’instruction sur qui aucun pouvoir n’a d’autorité.
Autre remarque : les promotions sont accordées sur des critères politiques ou de docilité et non de compétence.
Des juges de paix, sont en poste depuis quinze ans et ne sont jamais l’objet d’affectation nouvelle ni de promotion pendant que des individus qui ont à peine leur licence en droit sont nommés directement en première instance, au mépris des considérations liées à la carrière professionnelle.
Nous ne terminerons pas sans aborder le problème de la corruption. Pour enrayer ce fléau au niveau de la justice, il faut un grand ménage dans la magistrature, la police, les greffes, le notariat, chez les huissiers, les officiers d’Etat civil et les arpenteurs...
La loi est une pour tous, c’est la condition « sine qua non » de la liberté. Elle doit être obéie non pas par peur de sanction, mais par devoir.
Espérons que nos inquiétudes et nos recommandations auront retenu l’attention des autorités concernées.
Excellente année judiciaire à tous !
Heidi FORTUNÉ
Magistrat, juge d’Instruction
Cap-Haïtien, Haïti
Ce 07 octobre 2007 http://heidifortune.blogspot.com
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