samedi 23 février 2008

IMMUNITÉ N’EST PAS IMPUNITÉ

IMMUNITÉ N’EST PAS IMPUNITÉ

Si l’audition d’un parlementaire en qualité de témoin ne pose pas de difficultés et n’implique pas la levée de l’immunité parlementaire, la situation est plus délicate quand il s’agit de le poursuivre quand il est soupçonné d’avoir commis une infraction.

L’immunité n’implique pas l’impunité. Elle a pour objet d’assurer le bon fonctionnement du Corps Législatif, et non de protéger le parlementaire en tant qu’individu. La Chambre doit simplement vérifier si la demande est sincère et sérieuse.

Pour être sincère, elle ne peut être inspirée par d’autres motifs qu’une bonne administration de la justice. Pour être sérieuse, elle ne peut se heurter manifestement à aucun obstacle de droit, surtout s’il y a des indices suffisants sur l’existence des faits imputés.

Une demande de levée d’immunité parlementaire, qu’elle soit formulée par le Commissaire du gouvernement ou par le Juge d’Instruction, tend uniquement à permettre l’exercice de l’action publique. D’ailleurs, on connaît le dicton : « personne n’est au-dessus de la loi ».

Il est impensable qu’une section du parlement puisse s’opposer à la levée de l’immunité de l’un de ses membres sous prétexte, par exemple, que cela va constituer une entrave au déroulement normal des travaux de l’Assemblée dont le parlementaire fait partie.

On imagine mal qu’une Assemblée refuse la levée d’immunité d’un sénateur ou d’un député parce que celui-ci peut voir l’exercice de son mandat gêné par des interrogatoires voire une inculpation, ou que son arrestation peut avoir pour effet de bouleverser les rapports de force qui se traduisent au sein du parlement.

On n’a pas à mettre en balance la nécessité d’assurer l’administration normale de la justice et celle de garantir le bon fonctionnement de l’institution parlementaire. Toute demande de levée d’immunité faite par la justice devrait être exécutée car en absence de cette formalité, et pour autant qu’il n’y ait pas de flagrant délit, toute information judiciaire permettant de dégager une preuve ou même un indice de culpabilité à charge est nulle, et ce, sans égard à l’intention du ministère public ou du magistrat instructeur en charge du dossier.

Cependant, malgré cette couverture et cette largesse constitutionnelle prévues à l’article 114, le parlementaire n’est pas un intouchable puisqu’en cas de crime flagrant, il est privé du bénéfice de l’immunité. Et c’est pourquoi nous insistons pour dire que l’article 115 de la constitution ne consacre pas l’impunité absolue des parlementaires. Ceux-ci, pendant la session et pour autant qu’il n’y ait pas de flagrant délit pour faits emportant une peine afflictive et infamante, sont protégés contre des poursuites ou des arrestations arbitraires.

En les protégeant de la sorte, le constituant n’avait d’autre objectif que de garantir les citoyens contre toute atteinte à la manière dont ils ont exprimé leur vote lors des élections législatives. C’est-à-dire, l’immunité parlementaire vise à empêcher les pouvoirs exécutif et judiciaire, par des décisions arbitraires, de modifier les équilibres de force au sein du parlement et, partant, de compromettre le fonctionnement de celui-ci.

Expliquée de la sorte, l’immunité parlementaire s’analyse comme une mesure d’accompagnement du système démocratique. Encore faut-il que les parlementaires, lorsqu’ils statuent sur une demande de levée d’immunité concernant l’un de leurs pairs, n’adoptent pas une attitude protectionniste. En d’autres termes, le caractère arbitraire des poursuites doit être avéré pour qu’une Chambre refuse de lever l’immunité de l’un de ses membres.

Heidi FORTUNÉ
Magistrat, Juge d’Instruction
Cap-Haïtien, Haïti
Ce 24 février 2008

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