samedi 5 juillet 2008

NON À UNE JUSTICE QUI TUE

NON À UNE JUSTICE QUI TUE

La fusillade en Chine, la pendaison en Irak, le gaz ou l’empoisonnement aux États-Unis : des hommes, des femmes, des innocents et des coupables subissent chaque jour cet assassinat qu’est la peine de mort. L’exécution d’êtres humains n’a rien d’un acte de justice, c’est plutôt un acte de vengeance. Quant à son utilité, rien ne sert d’en discourir tant il est vrai que son application ne prévient pas les crimes. La meilleure façon d’empêcher la criminalité est de s’attaquer aux causes. « Un homme tué par un homme effraye la pensée, un homme tué par les hommes la consterne » écrivait Victor Hugo dans son adresse aux Genevois. Nous pensons qu’aucun homme ne doit avoir le droit d’infliger la peine de mort à un autre homme car la barbarie n’arrête pas la barbarie.

Exaspérés, révoltés par la recrudescence des cas d’enlèvement, certains élus du peuple dont l’actuel Président de l’Assemblée Nationale, le Député et le Maire principal du Cap-Haïtien dessinent la carte de l’horreur imbécile qu’est la peine capitale. Nous sommes d’avis qu’on ne saurait envisager une telle équation sans tenir compte, entre autres facteurs, du contexte international, de la politique pénale du gouvernement et du sentiment de la population. Or, jusqu’ici, il n’y a aucun consensus national sur cette question.

Nous aurions pu comprendre autrement la position et la logique de ces trois partisans zélés de la peine de mort si dans le même registre, ils incluaient le Président de la République en cas de crime de haute trahison, le Premier Ministre, les Ministres et les Directeurs Généraux en cas de malversation, les Parlementaires en cas de corruption, les Magistrats (Juges et officiers du parquet) en cas de forfaiture, les Maires en cas de détournement de fonds et les Policiers en cas d’association avec les syndicats du crime. Rien de tout cela n’est évoqué. Comme si le problème de la criminalité, les plaies de l’insécurité et les maux de la société s’apparentaient aux seuls cas d’enlèvement.

Il n’y a aucune raison valable de rétablir la peine de mort. Pour nous autres, garant des droits de la personne, ôter ainsi la vie est une punition cruelle et inhumaine qui permet aux gens de laver leurs mains et de laisser l’État accomplir la terrible besogne de la tuerie. Il n’y a pas un problème de lois ni de peines en Haïti, c’est la vision qui nous fait défaut. Par exemple, les travaux forcés ne sont plus d’application, nous pensons qu’il faudrait demander des comptes au gouvernement. Quelle différence existe-t-il entre celui qui tue et l’Administration qui lui donne la mort en retour ? Au regard de la loi, il s’agit-là de meurtres prémédités, chacun en ce qui le concerne. On sait que des erreurs judiciaires existent, que fera t-on des condamnés innocentés après leur mort ? La peine capitale est un crime prémédité qui ne peut être effacé, en ce sens, elle est irréparable. C’est pourquoi, nous disons non au banditisme, non à la violence, non à l’impunité, non à une justice qui tue.

Cette grossièreté juridique est interdite par la constitution haïtienne en vigueur. D’autant que notre pays est lié par les pactes internationaux et la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme qui garantissent le droit à la vie. De plus, la Convention Américaine relative aux droits de l’Homme (Pacte de San José), à laquelle Haïti a adhéré, interdit, en son article 4.3, le rétablissement de la peine de mort dans les pays qui l’ont abolie. Nous espérons un jour que ce châtiment inhumain sera aboli à l’échelle mondiale.

La peine de mort prive du droit à la vie qui est le droit de l’homme le plus fondamental comme cela est bibliquement reconnu dans les dix commandements : « Tu ne tueras point » (Exode 20 : 3-17). C’est une peine cruelle, inhumaine et dégradante dont il a été prouvé qu’elle n’a absolument aucun effet dissuasif. Son abolition dans certains pays a permis d’élever la dignité humaine et de faire progresser les droits de l’homme ; c’est pourquoi, la lutte pour barrer son retour doit être menée avec de plus en plus de vigueur.

Rétablir la peine de mort, c’est faire preuve de myopie juridique et de régression intellectuelle…c’est également admettre l’échec de la Justice et de l’Humanité toute entière.

Heidi FORTUNÉ
Magistrat, Juge d’Instruction
Cap-Haïtien, Haïti
Ce 05 juillet 2008

1 commentaire:

Unknown a dit…

Cet article est bien pensé, clair et précis et peut convaincre tout être qui se dit HUMAIN non encore convaincu que la peine de mort est un assassinat commis par la société.

Félicitations au juriste qui prend la parole sur des questions de droit et qui interpelle notre humanité !

Elisabeth S. Ducasse